Une exploratrice en Talons Aiguilles [Tome 1 + 2]

Chapitre 19 : Un défilé haute couture ✔️

Dans les backstages, les filles finissaient d'être une dernière fois retouchées avant leur sortie face au public : maquillage, coiffure, habillage. Rien n'était laissé au hasard pour exhiber de si luxueuses créations. Car aujourd'hui, pas de lingerie en dentelle à porter mais bien des pièces uniques. Des œuvres d'art, faites à partir de soie, de cachemire et autres tissus les plus chers du monde : les dernières réalisations accomplies par le travail manuel du laboratoire à idées, la maison de couture organisatrice.

Des robes droites et courtes, des combinaisons, des plissées, portées sur des justaucorps et des collants de danse blancs. Avec comme couleur dominante pour cette collection printemps-été – qui déterminait non pas les saisons passées mais bien celles à venir – des aquarelles de rose et de blanc soulignées par des fleurs et des nœuds.

Jacinthe avait dû batailler pour avoir l'exclusivité de ses mannequins-agentes sur le podium. Enfin, une poignée d'entre elles seulement.

Habituellement, chacune de nous posait pour des marques précises tandis qu'il s'agissait là d'un défilé haute couture. Une tradition qui symbolisait la somptuosité et l'excellence d'un savoir-faire. La notoriété que l'agence D'Embert allait acquérir ici n'était pas des moindres. Beaucoup de gens influents étaient présents dans la salle de l'usine désaffectée transformée en catwalk de rêve. Cela allait de la presse, aux acheteurs et clients en passant par des célébrités mondialement connues jusqu'à de grands patrons. Mais aussi des ambassadrices et amis de la maison assis au premier rang. Un événement mondain en somme, important, qu'il ne fallait en rien gâcher... Mais dont je n'avais pourtant cure.

Les dix minutes accordées pour la représentation allaient passer à toute allure. Et les trois seuls passages que j'en ferais devraient être mis à profit pour repérer Marianne, introuvable depuis mon arrivée.

Après la demi-heure réglementaire de retard, le feu vert fut donné. Les jeux de lumière se mirent en place, la musique ondula, et le premier passage fut lancé.

Tandis que l'on finissait de me rendre présentable et que mes pensées restaient bloquées sur le même objectif. Le seul qui m'avait poussée à venir ici, en réalité.

*

Debout, en rang, le plus éloigné possible du pied du podium, Gabin et Martin parcouraient l'immense salle d'un regard à la fois attentif et impressionné.

Des poutres verticales métalliques valorisées par un travail d'éclairage stupéfiant, en passant par les nombreux jeux de miroirs au plafond rendant son immensité à l'endroit, la décoration à elle seule était époustouflante. Elle en mettait plein la vue et laissait des étoiles dans les yeux.

Martin n'avait, de sa vie, jamais assisté à un truc pareil. Les lieux ayant perdus leur fonction initiale restaient souvent inutilisés et par extension dépeuplés. A l'opposé de ce qui s'y déroulait ce jour-là. Il y avait un aspect agréable à voir pour une fois un amas de personnes fouler le béton d'une industrie à l'abandon. Même si ces spectateurs, eux-mêmes convertis en vrais mannequins, étaient parés de tenues extravagantes et inimitables. Autant dire que Gabin et lui n'étaient pas tout à fait raccord dans leurs jeans et tee-shirts de tous les jours. Il s'agissait peut-être de haute couture mais Martin se demandait bien qui portait ce genre de tenue pour aller chercher sa baguette de pain.

Il était néanmoins curieux de voir à quoi ressemblerait la caractérielle trentenaire si elle défilait accoutrée ainsi. Un sourire niais apparut à cette pensée. Lui qui ne la connaissait que depuis quelques jours, ne l'avait jamais vu sans son indétrônable chemise à carre...

Un timbre de voix qu'il identifia sur-le-champ, pour l'avoir entendu tout récemment, coupa court à ses divagations et attira son attention. Il y avait beaucoup de monde mais parmi tous ces critiques amateurs Martin reconnut une vibration plus douce, plus flûtée. Correspondant à celle qu'ils recherchaient.