Chapitre 10 : Bébert, le catas ✔️

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Bignone, petit village perché sur un piton rocheux, était connu pour ses origines médiévales, son château, ses passages voûtés, beaucoup moins pour la manière officieuse dont certains exploitaient son réseau souterrain. Les ruines du donjon, les vestiges de l'église, de la tour carrée, attiraient à la surface les touristes en saison estivale. Les labyrinthes creusés dans le monticule aigu rassemblaient eux, des visiteurs d'un autre genre.

Plongés dans l'obscurité de la nuit par le système d'extinction d'éclairage public, nous longeâmes à couvert les maisons construites sur les anciens remparts subsistants et les ruelles étroites. Fondus dans le silence des lieux, nous arrivâmes, sous la seule lueur de nos lampes torches, au lavoir à impluvium. Construit entre quatre murs surmontés d'autant de toitures, les bassins étoilés par le ciel dégagé, nous offraient un abri des regards indiscrets ainsi qu'un accès, par une trappe attenante, au niveau inférieur.

Après avoir contourné les réservoirs d'eau, bien plus remplis par la source s'y écoulant que par les eaux de pluie, j'arrêtai les garçons et soulevai la plaque d'acier.

Ce spot était celui où l'on avait le plus de probabilité de trouver ARK, c'était son favori, il pouvait y passer plusieurs jours d'affilée.

Nos trois têtes se penchèrent au-dessus du trou. Les premiers barreaux de l'échelle apparaissaient à notre vue puis, un puits sans fond.

Je tournai mon regard vers Gabin, il fixait avec attention la fosse. Les espaces réduits, sinueux et souterrains n'avaient jamais été son fort.

— En descendant, on arrive dans les égouts, expliquai-je. On peut se tenir debout et seule une tranchée au centre transporte les eaux usées. Ça fait longtemps que je ne suis pas venue ici mais l'arc va nous indiquer le chemin précis. Il y a seulement quelques mètres à faire pour arriver jusqu'à la plaque d'accès. Est-ce que... ça va aller ?

— J'ai déjà testé la toiturophilie*, alors pourquoi pas la cataphilie ? s'empressa de répondre Martin.

Il frappa dans ses mains, enthousiaste, et attaqua la descente.

Mes yeux le fusillèrent sans même qu'il ne s'en aperçoive. La question n'était pas pour lui !

— Ça va le faire Vivi, répondit néanmoins Gabin, balançant sa tête de haut en bas dans un gonflement de poumon.

Il essayait de s'en convaincre, je n'étais pas dupe mais il nous fallait mettre la main sur Albert. Même si pour cela nous devions parcourir les carrières, cryptes, caves, et locaux techniques dans lesquels il avait l'habitude de se réfugier. Nous n'avions pas d'autre piste.

Gabin prit une dernière bouffée d'air pur et descendit, échelon par échelon.

Il s'enfonça, disparut de ma vue. Je le suivis.

Une fois dans les canalisations, une émanation nauséabonde mit aussitôt le grappin sur notre odorat. Martin nous partagea une remarque fleurie pour décrire le délicat parfum des lieux. Les relents étaient puissants mais les gaz d'égouts ne seraient pas un problème longtemps, notre destination se trouvait plus en profondeur.

Le village désormais sur nos têtes, je balayai notre nouvel environnement à l'aide du faisceau lumineux de ma lampe. La galerie au plafond arrondi et bétonné amplifiait l'impression de tube. D'énormes tuyaux rampaient de chaque côté, à hauteur de tête. Je continuai de parcourir les surfaces arquées quand, à notre gauche, je trouvai ce que je cherchais.

— Là, pointai-je un doigt. C'est le chemin à suivre.

Je désignai le pochoir doré, aussi gros qu'une pièce de monnaie, bombé sur la gauche de Martin. Un petit arc bandé, traversé d'une flèche dont la pointe déterminait la direction. Droit devant.

Une exploratrice en Talons Aiguilles [Tome 1 + 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant