Chapitre 43: Tout fini par se savoir

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Les sonneries retentissent.

L'intervalle entre chacune d'entre elles semble durer des heures.

Ma collaboratrice est au volant. Pourquoi ? Parce que, dans mon état, j'en suis incapable. La probabilité de finir encastrées dans un poteau ou de finir notre course dans un fossé ou au fond d'un gouffre est proche du 100%. Malgré tout, je tiens encore et toujours à ma vie. Une fois que j'en aurais terminé avec celle de mon géniteur, je pourrais partir en paix. Je n'y trouverai aucun inconvénient.

Il a atteint les 100%. C'est fini pour lui.

Je parviens à contenir mes émotions. Tout est sorti dans ce bureau que j'ai fini par saccager veillant à ne pas détruire les précieux documents.

Mes uniques preuves.

Mes atouts uniques.

Tout était sous mes yeux depuis le début...

> Vous êtes bien sur le répondeur...

Je raccroche après être tombée pour la je-ne-sais-combientième de fois sur sa messagerie vocale.

Je tente à nouveau, à bout de nerf, les doigts crispés autour de l'appareil tout en regardant le paysage de désolation défiler à toute vitesse. Des arbustes carbonisés, des arbres dépouillés de leurs feuilles, la terre ou encore les panneaux de signalisation noircis...

L'enfer sur terre. Tout comme dans mon esprit.

Des panaches de fumée, troublant et obscurcissant l'atmosphère, s'élèvent à quelques kilomètres de la nationale. Les canadairs, appuyés par des hélicoptères, survolent la zone dans un ballet incessant, allant récupérer de l'eau douce à une cinquantaine de kilomètres d'ici. La saison des feux de forêts a déjà débuté. Malheureusement. La sécheresse, associée à une vague de chaleur, aux rafales de vent ainsi qu'à la stupidité des individus ne sachant pas qu'un mégot mal éteint ne se jette pas par la fenêtre d'une voiture, n'aident en rien. Des centaines d'hectares sont ravagés chaque jour.

> Vous êtes bien sur le répondeur...

Pu... je souffle avant de fermer ma bouche.

Qu'est-ce-qu'il est en train de foutre ?

Je n'abandonnerai pas avant d'entendre le son de sa voix à l'autre bout du fil.

J'ai besoin de lui faire part de ce que je ressens et de tout ce que j'ai appris.

J'ai besoin de l'entendre dire que tout va bien et que tout va s'arranger.

J'ai besoin de l'entendre dire qu'il va m'aider.

J'ai besoin de l'entendre dire qu'il rentre à la maison.

J'ai juste besoin qu'il me rassure.

À sa manière.

Le même scénario se reproduit. J'appelle. Je tombe sur le répondeur.

De l'harcèlement ? À ce niveau-là s'en est.

L'inquiétude perce ma poitrine, dissimulée par une couche épaisse de haine intarissable.

Ils devraient déjà être à la maison à l'heure actuelle.

La pilote a le bon sens de ne pas m'accabler de questions, ni d'ouvrir sa bouche pour me dire quoi que ce soit. Elle sait comment se comporter quand je suis dans cet état de tension. Je l'ai toujours apprécié pour cela. Alors qu'une Naomi aurait tout fait pour m'arracher les vers du nez avant de lâcher l'affaire, à contre-coeur, suite à des menaces de mort, Lucy a l'habitude de me laisser dans ma bulle sans tenter de la faire éclater. Elle sait que je ne m'exprime jamais sur ce que je peux bien ressentir.

The Hell Goddess  T.1 [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant