Chapitre 27: Dommage

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Dites-moi que je rêve ?

Je n'aurais jamais cru voir ça de mes propres yeux.

Incroyable.

Les chuchotements me paraissent d'abord lointains, semblables à des échos qui se répercutent contre les parois osseuses de ma boîte crânienne où mon cerveau, contre le gré de mon âme, s'arrime avec force et remonte cette corde pendante, mais bien accrochée, qui mène mon esprit à la réalité, laissant derrière lui, dans un gouffre recouvert d'une nappe de brouillard épaisse où tout n'est que flou, imaginaire et un soupçon de tranquillité éphémère, un sommeil réparateur.

J'ignore quand j'ai dormi de cette façon pour la dernière fois.

Ni quand j'ai dormi en compagnie de quelqu'un.

Les messes basses me paraissent soudainement très proches. Trop proche.

Un peu trop à mon goût.

J'ignore où je me trouve, encore plongée dans les limbes que je refuse de quitter pour ne pas avoir à affronter une nouvelle journée où des hommes comme George ou Nine foulent encore cette terre, et respire le même air que moi.

Les connexions nerveuses tardent à se faire et je prends peu à peu conscience de mon enveloppe, oppressée.

Mes paupières lourdes refusent de s'ouvrir, scellées entre elles. Cette sensation de bien-être, dangereuse car synonyme de perte de contrôle et de laisser-aller de ma part, s'évacue tout comme l'envie de dormir.

Poussez-vous... laissez-les tranquilles, ajoute une autre voix féminine d'un ton autoritaire, les décibels augmentant au fur et à mesure de la discussion. Ils dorment et vous venez perturber leur sommeil qui me semble très réparateur. Qui sait ce qu'il a bien pu se passer cette nuit...

Vous pensez que c'est fait ?

Quoi ?! s'écrie une autre voix, naïve, ce qui lui vaut un "chut" collectif.

Peut-être qu'elles partiront si je fais semblant de dormir.

Un lourd silence s'impose, avant que des sons étouffés, vraisemblablement des rires et des réactions de stupéfaction, le brise.

Il est à moitié à poil.

Non... Je ne crois pas... Je n'ai rien entendu cette nuit.

Tu sais que...

Et elles ne veulent pas la fermer.

Je vais prendre une photo, l'interrompt une des femmes du comité, pour la lui ressortir quand elle me dira « non, je m'en fous de lui » ou « non, il n'est rien pour moi ».

À ces mots, qui me font l'effet d'un électrochoc, mes paupières s'ouvrent, et je cligne plusieurs fois des yeux, éblouie par la luminosité de cette journée. Le flou laisse place à la netteté et me permet de discerner Wendy, Naomi, Grace et Kavi postées au-dessus de nous, un immense rictus plaqué sur leurs visages, allant de pair avec une curiosité mal placée qui se reflète dans leurs regards pétillants, friands de ragots. Les connaissant, je sais que cette histoire risque de me suivre pour un bon moment. Elles se trompent. Royalement. Il n'y a rien nous, hormis une amitié naissante de mon côté, amitié qui semble déjà bien ancrée chez lui.

Rien de plus.

De mon côté en tout cas.

De toute manière, je m'en fous de ce qu'elles peuvent penser.

Je fronce les sourcils, baille et dirige mon regard vers le bas où apparaît un crâne recouvert de cheveux bruns ainsi qu'un dos musclé où reposent mes bras. Carter est toujours là. Sur moi. En train de dormir.

The Hell Goddess  T.1 [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant