Chapitre 35: Promesse

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George, je répète d'une voix faible, qui se rapproche plus d'un susurrement.

Comme si je voulais graver son nom dans l'atmosphère.

Comme si je voulais être sûre de l'avoir prononcé à haute voix.

Mon centre explose dans sa prison de chair, mon pouls s'accélère dans la foulée. Ma conscience lourde se déleste enfin d'un fardeau après des années à me terrer dans le silence pour un dangereux secret dont je n'ai jamais voulu hériter.

C'est fini, George.

Son patronyme emplit ma bouche d'amertume, une troisième fois, engourdissant ma langue désormais pâteuse. Aucun son en sort, bloqué dans ma gorge asséchée. Les lèvres entrouvertes, la respiration erratique, je n'ose lever les yeux pour rencontrer ceux de mon collaborateur.

Parce que je l'ai enfin dit.

Un panel d'émotions fortes et contradictoires se disputent la première place dans mon cerveau. Le soulagement se mêle au dégoût avant d'être supplanté par la joie aussitôt balayée par une rage sourde. Ce pêle-mêle d'émotions s'atténue pour laisser place à un seul et unique sentiment.

La honte. L'humiliation. Cette sensation pénible et prégnante d'infériorité.

Pour la première fois, j'admets clairement partager le sang de George, un homme que je n'ai jamais considéré comme faisant partie intégrante de ma famille. Un homme qui a aussitôt refilé son problème à ma grand-mère quand il a eu le feu au cul pour éviter de perdre sa place. Un homme qui est resté pendant toutes ces années un parfait étranger à mes yeux, me vendant monts et merveilles.

Une personne que je continue d'appeler "papa" sans trop y croire, juste "parce que".

"Voilà pourquoi je ne voulais pas de gosse".

Les mains de Finn quittent mon visage. Sans son toucher, mon épiderme devient froid, incapable de se réguler tout seul. Comme s'il venait de m'arracher une partie de mon organe vital, je papillonne des paupières, ma vision troublée par les larmes.

Les lèvres pincées, je comprends qu'il ne me croit pas.

Il ne me croit pas...

Gonflée par une forme de courage éphémère, je lève le menton pour le découvrir debout devant moi, ses billes brunes braquées sur moi, niant de la tête. De gauche à droite. De droite à gauche. Refusant. Catégoriquement.

Pas toi, s'il-te-plaît.

Ses lèvres s'entrouvrent, puis se referment pour s'entrouvrir une fois de plus.

Une larme solitaire roule sur ma joue.

Alba.

De la désillusion. De la surprise.

Son ton me percute l'estomac avec violence.

À plusieurs reprises.

Tout ça, c'est de ta faute, j'ajoute en me mettant sur mes deux pieds, tout mon poids placé sur ma jambe valide, et percute son torse du bout de mon doigt.

The Hell Goddess  T.1 [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant