Chapitre 5

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— Greta, avec qui M. Tomlinson est-il en train de parler ?

Mon cuir chevelu essaie de se faire la malle. Il fourmille de trouille et ma conscience me hurle de le suivre. Mais je garde un ton suffisamment désinvolte.

— Oh, c'est Mme Lincoln. Elle possède le salon avec M. Tomlinson.

Greta semble ravie de partager cette information.

— Mme Lincoln ?

Je pensais que Mrs Robinson était divorcée. Elle s'est peut-être remariée avec une pauvre andouille.

— Oui, elle n'est pas là d'habitude, mais elle remplace une de nos employées malade.

— Vous connaissez le prénom de Mme Lincoln ?

Greta lève les yeux vers moi en fronçant les sourcils et, intriguée par ma curiosité, pince ses lèvres rose vif. Merde, peut-être suis-je allée trop loin.

— Elena, répond-elle presque à contrecœur.

Un étrange sentiment de soulagement m'envahit : je n'ai pas perdu mon sixième sens.
Sixième sens ? ricane ma conscience. Ton sixième sens pour repérer les pédophiles, oui.

Ils sont toujours en pleine discussion. Elena paraît soudain inquiète et hoche la tête avec une grimace. Puis elle frotte le bras de Louis de façon apaisante tout en se mordillant la lèvre. Un autre hochement de tête et elle me jette un coup d'œil assorti d'un petit sourire rassurant.
Je ne peux m'empêcher de la dévisager. Je dois être en état de choc. Comment a-t-il pu m'amener ici ?
Elle murmure quelque chose à Louis et il regarde brièvement dans ma direction avant de se retourner vers Elena pour lui répondre. Elle acquiesce, je crois même qu'elle lui souhaite bonne chance, mais mes talents de lecture sur les lèvres demeurent assez limités.
M. Cinquante Nuances revient à grands pas vers moi, avec une expression angoissée. J'avais raison. Mrs Robinson disparaît dans l'arrière-salle en refermant la porte derrière elle.
Louis fronce les sourcils.

— Ça va ? me demande-t-il.

Sa voix est tendue et prudente.

— Pas vraiment. Tu ne voulais pas me présenter ?

La mienne est froide et dure. Il reste bouche bée, comme si je venais de tirer brusquement le tapis sous ses pieds.

— Mais je croyais...

— Pour un homme intelligent, parfois...

Les mots me font défaut.

— J'aimerais partir, s'il te plaît.

— Pourquoi ?

— Tu le sais très bien, dis-je en levant les yeux au ciel.

Il pose un regard fébrile sur moi.

— Je suis désolé, Harry. Je ne savais pas qu'elle serait là. Elle ne vient jamais. Elle a ouvert une nouvelle boutique au Bravern Center et c'est normalement là-bas qu'elle travaille. Mais une employée était malade aujourd'hui.

Je tourne les talons et me dirige vers la porte.

— Nous n'avons plus besoin de Franco, Greta ! lance Christian lorsque nous sortons.

Je me retiens de ne pas courir. J'ai envie de m'enfuir, vite et loin. J'éprouve une irrésistible envie de pleurer. J'ai juste besoin de m'éloigner de toute cette merde et de tous ces malades.
Louis marche en silence à côté de moi pendant que je ressasse tout ça dans ma tête. Je me recroqueville et, tête baissée, je tâche d'éviter les arbres de la 2e Avenue. Il est bien avisé de ne pas essayer de me toucher. Mon cerveau bouillonne de questions sans réponse. Est-ce que M. Evasif va enfin cracher le morceau ?

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