Chapitre 14

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Louis, agenouillé à mes pieds, me fixant de ses yeux calmes et bleus, est le spectacle le plus effrayant et le plus déstabilisant que j'aie jamais vu - pire encore que Leila armée. Ma brume alcoolisée s'évapore brusquement, remplacée aussitôt par des picotements sur le crâne et la conscience aiguë de l'imminence d'une catastrophe. Mon visage se vide de son sang.
J'inspire brutalement, je suis bouleversé. Non, non, c'est tellement anormal et déroutant.

— Louis, je t'en prie, ne fais pas ça. Je ne veux pas de ça.

Il continue de me regarder avec passivité, sans bouger, sans rien dire.
Oh, putain. Mon pauvre Cinquante Nuances. Mon cœur se serre et se vrille. Bon sang mais que lui ai-je fait ? Les larmes me montent aux yeux.

— Pourquoi fais-tu ça ? Parle-moi, dis-je dans un chuchotement.

Il cligne une fois des yeux.

— Que voudrais-tu que je te dise ? répond-il doucement, d'une voix neutre.

Un instant, je suis soulagé de l'entendre parler, mais pas comme ça, non. Non.
Les larmes commencent à rouler sur mes joues. C'est insoutenable de le voir ainsi dans la même position que cette pathétique Leila. L'image de cet homme puissant qui reste ce petit garçon, horriblement abusé et négligé, qui se croit indigne de l'amour de sa famille parfaite et de celui de son petit ami bien moins parfait... Mon garçon perdu... J'ai le cœur en morceaux.
La compassion, la perte et le désespoir. Toutes ces émotions gonflent en même temps dans mon cœur et je suffoque de détresse. Je vais devoir me battre pour le ramener, pour retrouver mon Cinquante Nuances.
L'idée de dominer quelqu'un me révulse. L'idée de dominer Louis me donne la nausée. J'aurais l'impression de lui ressembler, à elle, à cette femme qui lui a fait tout ça.
Cette perspective me donne le frisson et je lutte contre la bile qui monte dans ma gorge. Je suis incapable de faire ça. Je suis incapable d'en avoir envie. Mes pensées s'éclaircissent et j'entrevois une solution. Sans le quitter des yeux, je me laisse tomber à genoux devant lui. Le parquet est dur contre mes tibias et j'essuie maladroitement mes larmes du revers de la main.
Comme ça, nous sommes à égalité. Nous sommes au même niveau. C'est le seul moyen de le récupérer.
Ses yeux s'élargissent légèrement quand je lève le visage vers lui. Mais son expression et sa posture demeurent inchangées.

— Louis, tu n'as pas à faire ça, dis-je en l'implorant. Je ne vais pas m'enfuir. Je te l'ai dit et te le répète encore : je ne m'enfuirai pas. Tout ce qui s'est passé... Je ne sais plus où j'en suis. Il me faut juste un peu de temps pour réfléchir... Un peu de temps pour moi. Pourquoi envisages-tu toujours le pire ?

Mon cœur se serre de nouveau parce que je sais... Il doute tellement, se déteste tant. Les paroles d'Elena reviennent me hanter. Elle sait à quel point tu as une mauvaise image de toi ? Elle connaît tous tes problèmes ?
Oh, Louis. La peur s'empare une fois de plus de mon cœur et je me mets à bafouiller.

— J'allais te suggérer de retourner à mon appartement ce soir. Tu ne me laisses jamais de temps... J'ai juste besoin de réfléchir à ce qui se passe.

Je sanglote et un vague froncement de sourcils contracte son visage.

— Juste le temps de réfléchir. Nous nous connaissons à peine, et tout ce passé que tu traînes derrière toi... J'ai besoin... j'ai besoin d'y réfléchir. Et maintenant que Leila est... Eh bien, peu importe ce qu'elle est... Elle ne se promène plus dans les rues, elle n'est donc plus une menace... J'ai pensé... j'ai pensé...

Mais je n'arrive pas à finir et je le dévisage. Il me regarde intensément et je crois qu'il m'écoute.

— Te voir avec Leila...

Je ferme les yeux lorsque le souvenir douloureux de son face-à-face avec son ex-soumise vient me tourmenter de nouveau.

— Ça a été un tel choc. J'ai entrevu ce qu'a été ta vie... et...

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