Chapitre 18

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Nous continuons à rouler et dépassons des maisons en bois de plain-pied, parfaitement entretenues. Des gamins jouent au basket dans leurs jardins ou font du vélo dans la rue. Le quartier paraît prospère et propret avec ses maisons nichées au milieu des arbres. Peut-être allons-nous rendre visite à quelqu'un ? Mais qui ?
Quelques minutes plus tard, Louis tourne brutalement à gauche et nous nous trouvons face à un portail en métal ouvragé blanc fermant un mur en grès d'environ deux mètres de haut. Louis abaisse sa vitre et compose un numéro sur un clavier. Le portail s'ouvre en signe de bienvenue.
Il me jette un coup d'oeil. Son expression a changé. Il semble peu sûr de lui et même nerveux.

— Qu'est-ce que c'est ? dis-je sans parvenir à dissimuler l'inquiétude dans ma voix.

— Une idée, répond-il tranquillement en passant le portail.

Nous remontons une allée juste assez large pour deux voitures. D'un côté, des arbres bordent une zone boisée tandis que de l'autre s'étale une vaste étendue herbeuse, là où un champ autrefois cultivé a été laissé en jachère. L'herbe et les fleurs sauvages ont repris possession des lieux et créent un décor champêtre idyllique - la brise de fin de soirée fait doucement onduler la végétation que le soleil couchant vient teinter d'or. C'est charmant et tout à fait paisible. Soudain je m'imagine allongé dans l'herbe, en train de regarder un ciel d'été bleu et limpide. C'est tentant. Pourtant, pour une raison étrange, je me sens comme nostalgique. Bizarre.
L'allée dessine une courbe et s'ouvre sur une zone réservée aux voitures devant une impressionnante demeure de style méditerranéen en grès rose pâle. C'est grandiose. Toutes les lumières sont allumées et les fenêtres brillent dans le soir tombant. Une élégante BMW noire est garée devant le garage pour quatre voitures, mais Louis s'arrête juste devant le porche.
Hum... Je me demande qui vit ici. Pourquoi sommes-nous là ?
Louis me lance un regard anxieux en coupant le moteur.

— Peux-tu garder l'esprit ouvert ? me demande-t-il.

Je fronce les sourcils.

— Louis, il me faut avoir l'esprit ouvert depuis le jour où je t'ai rencontré.

Il sourit avec ironie en hochant la tête.

— Bon point, bien joué, monsieur Styles. Allons-y.

Les portes de bois sombre s'ouvrent et une femme avenante aux cheveux châtain foncé et en tailleur mauve bien coupé nous accueille. Je ne regrette pas de m'être changé et d'avoir mis mon pantalon de costume bleu marine et ma chemise en soie blanche pour impressionner le Dr Flynn. D'accord, je ne porte pas des chaussures aussi belle comme elle, mais je ne suis pas en jean.

— Monsieur Tomlinson.

Elle lui adresse un regard chaleureux et ils se serrent la main.

— Mademoiselle Kelly, dit-il poliment.

Elle me sourit et me salue également. Son rougissement signifiant « mon Dieu qu'il est beau, comme je regrette qu'il ne soit pas à moi » ne m'échappe pas.

— Olga Kelly, annonce-t-elle jovialement.

— Harry Styles.

Qui est cette femme ? Elle s'écarte et nous invite à entrer dans la maison. C'est un choc. L'endroit est vide. Complètement vide. Nous nous trouvons dans un vaste vestibule. Les murs d'un jaune primevère fané portent encore les traces des tableaux qui ont dû y être accrochés autrefois. Il ne reste que des luminaires démodés en cristal. Le parquet est en bois terne. Les portes sont closes de part et d'autre du vestibule, mais Louis ne me laisse pas le temps de m'imprégner de tout cela.

— Viens, dit-il en me prenant la main.

Nous passons sous une arcade pour déboucher sur un plus grand hall d'entrée. L'endroit est dominé par un somptueux escalier équipé d'une balustrade en fer forgé, mais Louis ne s'arrête pas là. Il me fait traverser le salon, également vide à l'exception d'un immense tapis doré terni - le plus grand tapis que j'aie jamais vu ! Et il y a quatre lustres en cristal.
Mais l'intention de Louis est claire maintenant : nous passons des portes vitrées qui ouvrent sur une grande terrasse en pierre. Sous nos yeux s'étend un terrain de foot bien entretenu mais, au-delà, il y a la vue. Waouh.
Le panorama est à couper le souffle - j'en titube presque. Coucher de soleil sur le détroit. Au loin, on voit Bainbridge Island et même, par cette soirée d'une clarté cristalline, plus loin encore. Le soleil rouge sang et orange feu plonge lentement derrière l'Olympic National Park. Le vermillon se répand dans le bleu azur du ciel, prenant des tons opale et aigue-marine, qui se mêlent aux pourpres sombres des quelques nuages voilés et à la terre au-delà du détroit. La nature a revêtu ses plus beaux atours, orchestrant une symphonie visuelle dans le ciel au-dessus des eaux profondes et calmes du détroit. Je me perds dans ce spectacle. Je m'efforce de me pénétrer d'une telle beauté.
Je me rends compte que je retiens mon souffle et que Louis me tient toujours la main. À contrecœur, je détourne les yeux et découvre qu'il m'observe avec inquiétude.

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