Chapitre 19

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Je regarde fixement les flammes, comme hypnotisé. Elles dansent et ondulent, d'un orange vif avec des pointes bleu cobalt, dans l'âtre de l'appartement de Louis. Malgré la chaleur émise par la cheminée et la couverture passée sur mes épaules, j'ai froid. Je suis glacé jusqu'aux os.
Je perçois des chuchotements, beaucoup de chuchotements. Mais ils sont en arrière-fond, tel un bourdonnement lointain. Je ne saisis pas de mots. Tout ce que j'entends, tout ce sur quoi je parviens à me concentrer, c'est le sifflement doux du gaz s'échappant du feu.
Mes pensées dérivent vers la maison que nous avons vue hier et ses énormes cheminées - de vraies cheminées pour y brûler du bois. J'aimerais faire l'amour avec Louis devant un vrai feu. J'aimerais faire l'amour avec Louis devant ce feu. Oui, ce serait amusant. Aucun doute, il trouverait un moyen de rendre le moment mémorable, comme toutes les fois où nous avons fait l'amour. J'ironise à mes dépens. Même les fois où nous ne faisions que baiser. Oui, ces fois-là étaient vraiment mémorables aussi. Où est- il ?
Les flammes se dandinent et vacillent, me captivent et m'engourdissent à la fois. Je me concentre uniquement sur leur beauté brûlante. Elles m'ensorcellent.

Harry, tu m'as ensorcelé.

Il a dit ça la première fois qu'il a dormi avec moi dans mon lit. Oh non...
Je me recroqueville. Le monde s'écroule autour de moi et la réalité déteint sur ma conscience. Le vide intérieur et insidieux se déploie davantage. Charlie Tango est porté disparu.

— Harry, tenez, me dit Mme Jones avec gentillesse.

Sa voix me ramène dans la pièce, dans le temps présent et dans l'angoisse. Elle me tend une tasse de thé. Je prends la tasse et la soucoupe avec reconnaissance, le cliquetis de la vaisselle trahissant le tremblement de mes mains.

— Merci, je marmonne, la voix rauque de larmes retenues.

Charlotte est assise en face de moi sur le trop grand canapé en U, elle tient les mains de Grâce. Les deux femmes me regardent, la douleur et l'angoisse creusent leurs jolis visages. Grâce semble avoir vieilli - une mère s'inquiétant pour son fils. Je cligne des yeux sans passion vers elles. Je ne peux leur offrir de sourire rassurant, ni même une larme - il n'y a rien, juste le blanc et le vide croissant. Je regarde Niall, Liam et Ethan qui sont attablés au comptoir de la cuisine, le visage grave, et qui discutent calmement. Ils parlent à voix basse. Derrière eux, Mme Jones s'affaire dans la cuisine.
Zayn suit les informations régionales dans la salle de télévision. Je perçois de vagues braillements provenant du grand écran plasma. Je suis incapable d'écouter les titres des journaux - LOUIS TOMLINSON PORTÉ DISPARU -, de revoir son beau visage à la télévision.
Bizarrement, il me vient à l'esprit que je n'ai jamais vu autant de monde réuni ici, et pourtant ils paraissent tous minuscules, écrasés par la taille de la pièce. Tels des îlots perdus au beau milieu de la maison de mon Cinquante Nuances. Que penserait-il de leur présence ?
Quelque part, Taylor et Carrick s'entretiennent avec les autorités qui nous fournissent les informations au compte-gouttes, mais tout cela n'a aucun sens. Le fait est qu'il est porté disparu. Il est porté disparu depuis huit heures. Aucun signe, aucun mot de lui. Les recherches ont été ajournées, ça au moins je le sais. Il fait trop sombre. Et on ne sait pas où il se trouve. Il pourrait être blessé, il pourrait avoir faim, ou pire. Non !
J'adresse une nouvelle prière silencieuse à Dieu. Je vous en prie, faites que Louis aille bien. Et je la répète encore et encore dans ma tête - mon mantra, ma bouée de sauvetage, quelque chose de concret à quoi me raccrocher dans ma détresse. Je refuse d'envisager le pire. Non, ne pas s'aventurer sur ce terrain. Il y a de l'espoir.

Tu es ma bouée de sauvetage.

Les paroles de Louis reviennent me hanter. Oui, il y a toujours de l'espoir. Je ne dois pas désespérer. Ses mots résonnent dans mon esprit.

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