CHAPITRE III

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Février 1680, 51 rue de Montmorency, Paris côté sorcier...

Orphée était épuisée, sa grossesse la mettait a rude épreuve. Elle passait le plus clair de son temps allongée dans un divan, spécialement descendu pour elle au rez-de-chaussée de la maison des Flamel. Les canoniques alchimistes étaient au petits soins pour la future mère. Pourtant, malgré toutes les potions qu'il lui faisait prendre, sa fatigue ne diminuait jamais. Au contraire, plus la naissance semblait approcher, moins les potions semblaient avoir d'effet. De leurs côtés, les Flamel étaient particulièrement inquiets. La mort d'Alexandre, trois mois plus tôt avait été un choc pour la jeune femme. Elle s'était imaginée que la fortune des Salazar lui serait secourable pour élever l'enfant. Elle comptait aussi beaucoup sur la présence paternelle d'Alexandre. Mais sa mort avait bouleversée bien des choses.

- Ne craignez vous point qu'il ne souffre de grandir sans son père, avait demandé Orphée a Dame Pernelle qui s'occupait d'elle comme si elle avait été sa fille.

- C'est une possibilité, mais ne la redoutons point d'avance. Nous verrons cela en temps voulu, avait répondu Dame Pernelle en préparant à la jeune femme un tonique pour les nerfs.

- J'aurais tant aimé qu'Alexandre soit ici, dit Orphée dans un soupir triste.

Pernelle ne répondit rien. Elle hocha la tête, et tendit à la jeune femme un gobelet qu'elle bût cul sec. À cet instant, Nicolas Flamel entra dans la pièce en maugréant des jurons.

- Qui était-ce ? demanda sa femme quand son mari se fût assis.

- Les Aurors. Ils voulaient nous poser des questions, j'ai prétendu être seul. Ils ont découvert qu'Alexandre à fais passer un serment inviolable. Ils supputent que nous soyons soit les Enchaînés, soit les Enchaîneurs. Heureusement que nos mains sont trop abîmées pour qu'on puisse y voir quoi que ce soit...

- Et qu'as-tu répondu ?

- J'ai expliqué à ce bon à rien de Basile Vectan que nous n'avions pas revu Alexandre depuis plusieurs mois et que nous n'avions pas dans l'idée qu'il ferait ce genre de choses. J'ai également soumis une hypothèse quant à l'implication des Réfractaires Basile Vectan a grommelé qu'ils finiraient par avoir ce qu'ils cherchent, puis ils sont repartis.

- Ils n'ont rien demandés d'autres ?

- Non, et je n'en suis pas mécontent. Je ne supporte pas ce Vectan. Il est jeune, arrogant, et par dessus tout : stupide.

- Nicolas, dit Pernelle en faisant les gros yeux.

- C'est un fait que veux tu. C'est de sa faute si la Voisin a été condamnée au bûcher par les profanes.

- Certes, concéda Dame Pernelle.

Soudain, Orphée poussa un gémissement Elle suait à grosses gouttes. Il semblait que le bébé n'allait pas tarder.

- Il faut y aller, dit-elle dans un souffle. Maintenant.

- Est-ce bien sage mon enfant ? demanda Nicolas, inquiet,

- Sage, je n'en sais rien, mais quoi qu'il en soit, j'irais.

Orphée tenta de se lever, mais elle eût besoin d'aide pour se mettre complètement debout. La soutenant, les Flamel l'escortèrent quelques rues plus loin, pour qu'elle se rende du côté profane de la capitale. Lorsqu'elle arriva à l'arche brisée elle serra les Flamel aussi fort que lui permettait son ventre et son épuisement puis elle avança vers le portail magique pour le franchir. Elle tomba face contre terre, raide comme une planche. Mais au lieu de s'écraser contre les pavés, elle les traversa, tout simplement et disparût.

***

Quand on frappa à sa porte, Doigts de Fée sut immédiatement de qui il s'agissait. Elle se hâta pour aller ouvrir, après s'être assurée qu'elle avait raison, en regardant par une fenêtre. Vêtue d'une robe vert pâle, Orphée Peverell était essoufflée. Son ventre avait tellement grossi qu'elle avait du mal à se déplacer.

- Ça ne saurait tarder, dit-elle en passant la porte.

- Alors venez vous mettre à l'aise, dit Doigts de Fée en la guidant jusqu'au lit où elle étendit la jeune femme.

Doigts de Fée était une accoucheuse, la meilleure de tout Paris. Mais sa profession n'étant pas légale, elle se cachait pour ne pas tomber aux mains de la maréchaussée. Après avoir soulagé Orphée de son manteau, et lui avoir donné à boire, Doigts de Fée commença à préparer son matériel.

- Si jamais je devais ne pas y survivre, commença Orphée en la regardant disposer des serviettes, je veux que vous le gardiez jusqu'à ce que mes parents viennent le reprendre.

- Allons ma fille, répondit l'accoucheuse avec un ton bourru en l'aidant à s'allonger, vous vous en tirerez très bien, j'en suis sûre.

- Promettez-le moi, s'il vous plaît, supplia Orphée en prenant la main de l'accoucheuse. Promettez-moi de sauver l'enfant. Si c'est une fille, dîtes leur que ce sera Enma.

- Et si c'est un garçon ?

- Hector. Ce sera Hector.

Sans avoir le temps d'ajouter quoi que ce soit, Orphée se mit à gémir de douleur : le travail commençait.

L'accouchement dura longtemps. Presque toute la journée. Il fut pénible, douloureux et difficile. Orphée faillit ne pas y survivre. Lorsqu'elle regarda son enfant, pour la première fois, elle lui adressa un sourire alors qu'il poussait son premier cri.

- Bienvenue parmi nous, Hector.

Il avait le visage de son grand-père, Auldren. Il avait le sourire et le nez de sa mère. Mais surtout, le regard de son père : son œil gauche d'un vert kaki profond et son œil droit d'un rouge sang pétillant. Orphée le contemplait avec douceur en le berçant contre son cœur. Doigts de Fée le prit des bras de sa mère pour le laver et l'emmailloter dans une tunique trop grande avant de le lui rendre. Elle ne semblait pas avoir remarqué l'étrangeté du regard de l'enfant, du moins le feignait-elle. Elle avait perdu l'habitude de poser des questions dont certaines réponses auraient pu lui valoir un aller simple pour la morgue. Laissant la jeune femme se reposer, l'accoucheuse s'empressa d'aller lui réparer un ragoût. Lorsqu'elle revint, elle trouva Orphée endormie, Hector l'imitant dans ses bras. Doigts de Fée sourit, posa l'écuelle sur une table et s'assit pour veiller sur eux.

Lorsque Hector se réveilla dans un hurlement quelques heures plus tard, Nicolas Flamel était déjà arrivé. Orphée ouvrit doucement les yeux et calma son enfant en lui offrant son sein. Nicolas Flamel sortit de sa robe une fiole qu'il tendit à Orphée quand son fils fût repu.

- Ceci t'aidera à trouver la force de te lever. Il nous faut rentrer chez nous au plus vite.

- Ne sommes nous pas plus en sûreté de ce côté-ci de Paris ? demanda Orphée en regardant le vieil homme avec une expression d'extrême fatigue.

- Nous le serions s'il ne nous était pas aussi hostile. Nous te garantirons mieux notre protection avec Pernelle dans le Paris que nous connaissons. Ici nous sommes impuissants.

Orphée hocha la tête et pris son enfant avec elle pour suivre l'alchimiste. Elle chercha Doigts de Fée du regard pour la remercier mais elle semblait avoir quitté les lieux avant l'arrivé de Flamel. Regagnant le monde magique, Nicolas, Orphée et Hector se dirigèrent vers le 51 rue de Montmorency...

Hector Salazar : Mémoires D'un Auror Noir (Tome premier 1678-1715)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant