Hector Salazar : Mémoires D'un Auror Noir (Tome premier 1678-1715)

CHAPITRE XII

Décembre 1693, Académie de Magie Beauxbâtons...

Achille Coridel avait toujours eu du succès auprès des demoiselles. Qu'elles soient plus âgées que lui ou non. Sa longue chevelure blonde, ses yeux turquoise et sa douceur naturelle le rendait plus charmant qu'il n'était permis. Cette attitude donnait lieu à une véritable foule de courtisans le suivant à chaque instant. Et la compagnie de Jade Lestrange, qu'il avait rencontré lors de sa première année, faisait croître la taille de leur cour de façon exponentielle.

Nombreuses étaient les rumeurs qui les suivaient. Et plus le temps avançait, plus elles devenaient gênantes pour Achille, qui ne savait plus où se mettre quand on lui prêtait des exploits qu'il ne réalisait pas même en rêve...

Jade ne se gênait pas pour aller dans le sens des racontars et certaines de ses allégations affectait particulièrement Achille. C'est un matin particulièrement froid où l'une desdites allégations fit sortir le jeune homme de ses gonds :

- Ce petit jeu ne m'amuse plus, Jade. Je te saurais gré de cessez immédiatement tes mensonges. Faute de quoi, je pourrais me mettre à en dire sur ton compte ! Menaça Achille au détour d'un couloir, loin de leurs condisciples.

Jade regarda son ami et lui adressa un grand sourire en rétorquant :

- Et que vas-tu pouvoir dire à mon sujet ? Que je suis méchante ? Elle se mit à rire.

- Que tu monnayes tes exploits... laissa échapper Achille dont la rage déformait le joli visage.

Jade se tut instantanément et sa main partit. La gifle claqua dans tout le couloir. Achille en perdit momentanément l'équilibre mais Jade ne le laissa pas reprendre contenance.

- Comment oses-tu ! Tu m'insultes, alors que je te protège depuis le début ! Tu n'as pas oublié ce détail, monsieur le Légilimens.

Jade ne criait pas. Elle sifflait, crachotait, et ses yeux lançaient des éclairs si puissants que même Achille baissa les yeux.

- Je ne veux plus souffrir ta présence. Dit Achille en redressant la tête et en la fixant durement.

- Souffrir ? Tu ne veux plus "souffrir" de ma présence ? Fort bien. Alors nous allons voir comment tu souffres celle des autres.

Sans un mot, elle s'en alla, drapée dans sa hargne et bientôt de nouvelles rumeurs parcoururent les couloirs. Des rumeurs qui firent s'écrouler l'image populaire du jeune homme. Mais, contrairement à ce que Jade avait prévu, Achille ne s'était pas retrouvé seul. Tous les élèves qui ne pouvaient la supporter se rangèrent du côté d'Achille, et bien vite, une guerre de rumeurs, plus ignobles les unes que les autres fusèrent dans les couloirs. Par deux fois, des groupes d'élèves, formant de véritables clans, en vinrent aux mains et finirent dans le bureau du Directeur Major pour s'expliquer. La troisième fois, cependant, fut plus grave que les précédentes.

Jade, qui faisait minauder des garçons des classes supérieures, laissa entendre qu'elle accorderait des faveurs à qui rendrait le doux et beau visage du jeune homme si méconnaissable qu'on ne pourrait pas se douter qu'il s'agirait d'Achille. Un soir, tard, quatre garçons de sixième année sautèrent sur l'infortuné Achille qui fut passé à tabac sans la moindre chance de se défendre. Malheureusement pour eux, ils se trouvaient sur le chemin d'un élève qu'ils ne voulaient pas croiser mais que leur fureur leur avait fait oublier. C'est lorsque l'un d'eux se retrouva projeté au plafond avec violence qu'ils s'en rappelèrent.

- Quatre contre un, de deux ans votre cadet... Quel courage... lança Hector agitant sa baguette magique si vite que les trois autres ne comprirent ce qu'il se passait que quand ils furent attaqués par leurs propres robes de sorciers. Le premier, plus grand que les autres, dut se débattre pour ne pas se faire étouffer. Le second eut les chevilles si serrées qu'il ne put empêcher une chute qui lui fractura la mâchoire et lui brisa deux dents. Et le troisième, qu'Hector arrêta juste à temps, manqua de passer par-dessus la balustrade de l'escalier, aveuglé par sa capuche.

Une fois sortis du quatrième étage, les effets du sortilège se dissipèrent et quatre des vingt lits de l'infirmerie furent occupés pour quelques jours. De son côté, Hector avait fait lévité un Achille inconscient jusqu'à son repaire du cinquième étage. Il l'allongea sur une table et entreprit de l'examiner avec l'aide d'un ami du Maître Gutemberg, le célèbre médecin alchimiste Paracelse. Lorsque le diagnostic fut établi, Hector attira son sac jusqu'à lui et plongea littéralement dedans. Il en sortit avec un livre et quelques flacons contenant d'étranges substances. Puis, retournant dans son sac, il en ressortit avec du matériel médical qu'il disposa devant lui. Suivant les instructions de Paracelse, Hector retira l'uniforme d'Achille , en prenant soin de préserver son intimité, et examina les diverses blessures.

- Ils n'y sont pas allés de main morte ! S'exclama le maître Gutemberg en voyant des plaies d'une inquiétante couleur noirâtre, profondes et pleines de pus visqueux.

Toujours guidé par Paracelse, Hector ouvrit un flacon contenant une substance rose pâle et l'appliqua tout doucement sur une plaie. La substance émit un gargouillis, quelques bulles puis pénétra dans la blessure, la faisant instantanément cicatriser. Il appliqua ensuite cet onguent sur plusieurs plaies semblables et s'employa à les bander soigneusement.

Achille restait inconscient. Ce qui facilitait le travail d'Hector mais inquiétait les deux portraits qui se tassait chacun sur un bord du cadre pour avoir de la place. Quand il eut terminé les soins qu'il était en mesure de prodiguer, Hector attrapa une poudre rouge et jaune la mélangea avec un liquide bleu étrange puis pilla cette pâte dans un bol en terre. Elle gonfla et Hector en découpa quatre morceaux qu'il disposa dans une assiette.

Alors qu'il rangeait son matériel, Achille émit un râle. Gutemberg et Paracelse se penchèrent pour mieux voir mais Hector passa devant eux, leur bouchant la vue. Achille se réveillait et réclamait à boire. Hector sorti de son sac une bouteille remplie d'un liquide orange et en versa une première rasade entre les lèvres entrouvertes d'Achille. Lorsque le tiers de la bouteille fut vidé, Achille se redressa péniblement sur la table en s'appuyant sur ses coudes encore endoloris.

Des pensées assaillirent Achille mais il avait du mal à les ordonner. Il rassembla toutes ses forces pour remercier Hector et lui demander :

- Comment m'as-tu trouvé ?

- Tu es Légilimens, n'est-ce pas ?

- Oui, répondit Achille déconcerté.

- Et tu ne peux pas lire dans mon esprit, affirma Hector.

- En effet, remarqua Achille perplexe.

- Alors tu sais comment je t'ai trouvé. répondit simplement Hector en se retournant. J'ai pris la liberté de t'ordonner un nouvel uniforme. Un elfe devrait te l'apporter dans quelques instants, je te laisse t'habiller.

Achille n'avait rien compris. La situation tout autant que la réponse d'Hector lui échappaient complètement.

- Attends ! Où vas-tu ? Demanda Achille pour retenir Hector qui sortait.

- Je vais avoir une petite conversation avec Lestrange... Hector sortit sans rien ajouter. Quelques instants plus tard, un nouveau lit fut occupé à l'infirmerie. Et quand elle en sortie, Jade Lestrange se fit oublier jusqu'à la fin de l'année scolaire...