CHAPITRE XXXIII

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Janvier1709, berges de Seine, Paris...

Hector marchait littéralement sur l'eau. Depuis le réveil, il ne cessait de remuer la question : comment la Seine avait-elle bien pu geler de cette façon ? Qu'un hiver fusse rigoureux, soit. Que la Seine soit couverte d'une couche de glace, passe encore. Mais que le courant soit tout simplement paralysé ? Non, définitivement quelque chose ne tournait pas rond. D'un coup de baguette, Hector tenta de fendre l'épaisse couche, semblable à du verre. Mais sitôt creusée, sitôt reconstituée. La Seine ne permettait pas qu'on la dégèle. Les Parisiens avaient pourtant tenté bien des solutions, y compris faire brûler des navires, mais même les incendies magiques ne prenaient pas. Les flammes s'éteignaient toutes seules, et les foyers n'étaient même pas chaud.

Soucieux, Hector regagna le Palais Royal avec les quelques Aurors courageux qui l'avaient accompagnés pour braver ce froid cinglant. Il songea qu'avec l'arrêt du commerce et la destruction des récoltes dans les greniers, les habitants auraient bientôt faim et si rien n'était fait, une révolte serait vite à l'ordre du jour.

Ce n'était hélas pas son seul soucis. Les autres chancelleries, magiques et Insorcellées, d'Europe fournissaient toutes les mêmes rapports sans apporter la moindre explication. Hector avait une vague notion du froid de l'Est, mais cela semblait improbable à ses yeux d'Auror que la météo soit la seule responsable de cette situation. À commencer par l'impossibilité de faire fondre la glace. Un sortilège était à l'œuvre et il était diablement puissant. Seuls les derniers prêtres officiant le culte officiel de l'Empire Magique y trouvaient leur compte. Ils annonçaient la fin de la Magie et la fin des Temps à des sorciers trop pauvres et transis de froid pour protester comme ils le faisaient d'habitude. Hector n'avaient jamais cru de sa vie et ne s'était pas intéressé au culte supposément obligatoire, sauf lorsqu'il eut s'agit de remplir des formalités. A Walpurgis, au cœur de l'Empire tout était différent, naturellement, mais le culte impérial était lointain et une priorité tout à fait négligeable.

Lorsqu'ils furent au chaud, les Aurors durent se mettre à plusieurs pour faire chauffer une théière suffisamment longtemps pour que le froid n'ai pas raison de l'eau qui avait tant de mal à chauffer. Le bâtiment était si froid que les carreaux des fenêtres se confondaient avec le givre et que la condensation qui gouttait du plafond formait parfois des stalactites quand elle ne tombait pas en pluie de glace. Les armures ne parlaient plus, les elfes claquaient des dents si forts qu'on les entendaient même lorsqu'ils se déplaçaient dans les murs et les fantômes semblaient parfois se congeler si ils restaient immobiles trop longtemps. La nuit précédente, une courtisane était morte de froid dans son lit en accouchant d'un enfant qui n'avait pas non plus survécu aux températures.

- La révolte risque d'arriver beaucoup trop vite, marmonna Hector tandis qu'il s'enfermait dans son bureau.

Il pouvait cependant s'estimer heureux. Yerk, qu'il avait fait venir de Kergueven lui avait apprit que les cavistes des environs débitaient leurs tonneaux à la hache tellement le froid était intense en Bretagne.

- Entretien la maison du mieux que tu pourras. Ne sort pas dehors et ne t'expose pas à ce froid. Protège t'en aussi efficacement qu'il sera possible, avait ordonné Hector à son elfe. Je veux te retrouver en vie lorsque cet hiver infernal sera terminé.

- à-à-à-à vo-o-os or-r-r-rdre-e-e-es, maî-î-îtr-e-e-e, avait grelotté l'elfe pour toute réponse avant de transplaner dans un bruit de givre cassé.

Le transplanage avait été interdit, après des désartibulements en série car des membres se détachaient parfois sous l'effet du froid.

- Quel enfer ! Ragea Hector tandis qu'il tentait de déplier une lettre sans la casser.

Hector Salazar : Mémoires D'un Auror Noir (Tome premier 1678-1715)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant