Chapitre 13

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La pluie ne cesse de s'abattre sur ces contrées.

De temps en temps, il a l'étrange sensation que ce cycle paraît durer une éternité, alors que l'eau immerge la totalité de ces terres. À la manière d'un éternel recommencement, qui ne connaît jamais une finalité, quelle qu'elle puisse être.
Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il vit la saison de moussons de cette façon. Ils en ont pris l'habitude depuis quelques années maintenant, de profiter de cette période pour les ravitaillements ainsi que leurs échanges commerciaux. Parce que de cette manière, il a la certitude que personne ne pourra venir attaquer son île lorsqu'il aura le dos tourné.

Si eux sont coincés quelque part, alors cela signifie qu'il en est de même pour tout le monde, et que ses sols sont inaccessibles.

Et c'est évidemment un soulagement, surtout depuis les événements qui se sont écoulés il n'y a pas tout à fait deux années. Bien que cela s'avère terriblement risible pour un pirate, depuis ce temps, Izuku présente quelques difficultés à s'absenter aussi sereinement qu'autrefois. Pas qu'il doute des capacités de ses hommes, et de leur mesure à protéger ce qu'ils ont construit.
Mais simplement parce que tout ceci a laissé des traces malgré tout, et que ses craintes sont occasionnellement trop lourdes pour être supportables.
Pesant sur ses épaules, qui ne sont pourtant pas si frêles, jusqu'à lui causer des douleurs qui viennent irradier tous ses muscles en menaçant de briser son dos en minuscules morceaux. Peut-être aussi en faire des miettes, qui seront tout juste bonnes à être becquetées par les mouettes.

Il en a mené des batailles qui se sont avérées rudes et délicates. Il peut même avouer sans peine qu'il a pensé à quelques reprises qu'il ne s'en tirerait pas, ou que les chances de pouvoir en être victorieux relevaient de la folie pure et simple.

Pour autant, dans ces moments, Izuku n'a jamais cessé de croire. Exploitant la moindre faille, n'importe quel registre pouvant le conduire à la réussite. Se battant jusqu'au sang s'il le fallait, afin d'en ressortir triomphant.

Mais celle-ci est bien plus difficile.

Terriblement éprouvante et véritablement ardue à encaisser. Le mettant à terre dès que possible. Parce que finalement, son pire ennemi reste d'abord lui-même, et que ce qui lui coûte le plus, c'est cette guerre acharnée qui se déroule dans son esprit.

Prête à lui porter le coup fatal dès qu'il baissera la garde, et sera sans aucune défense. Lorsqu'il se retrouvera exténué à force de tenter de répliquer. C'est sans doute pour cela que ses pas l'ont guidé jusqu'ici, devant le porche de l'auberge au beau milieu de la nuit. Parce qu'il est épuisé, fatigué et ignore comment tout traverser.

Alors il reste là, sous cette averse incessante, tandis que les trombes d'eau se chargent de tremper ses vêtements. Ses cheveux sont tellement humides que ses boucles ont perdu toute forme, et viennent goutter le long de son visage, se mêlant à cette pluie dégoulinant contre ses traits.

Izuku n'est pas certain de percevoir le froid des petites heures, et de cette atmosphère qui paraît pourtant terriblement fraîche. Son cœur et son corps y sont hermétiques, sans qu'il en saisisse la raison. Malgré tout, il sent sa peau réagir à ces basses températures, tout comme il voit les frissons s'imposer le long de ses bras qui sont découverts. Mais rien de plus.
Comme si absolument tout le reste était purement superficiel, et ne présentait aucune forme d'importance à ses yeux, ou à ceux de son esprit.

Il n'entend pas non plus ce capharnaüm, qui n'est rien d'autre que le résultat de ces cascades qui s'abattent contre la toiture qui tient encore bon, ou sur ces multiples rochers qui sont aux alentours.

Izuku se contente d'inspirer profondément, emplissant ses poumons de cet air marin qui les encerclent, alors que l'océan s'étend à perte de vue autour des terres qui délimitent l'île. Cette fragrance salée et prenante, qu'il côtoie depuis tant d'années désormais, est semblable à une couverture réconfortante dans laquelle il n'a aucun mal à s'enrouler. La froideur de l'atmosphère pourrait pratiquement glacer ses bronches, tandis que sa respiration n'en finit pas d'être intense et poussée. Mais c'est tout ce dont il a besoin, pour se sentir vivant et réceptif. Pour pouvoir remettre un peu d'ordre dans ses idées et parvenir à déterminer ce qui reste de plus important.

Jade Shard [KatsuDeku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant