Jade Shard [KatsuDeku]

Chapitre 18

Entre ses mains demeure encore et toujours ce papier.

Depuis qu'il l'a récupéré, la veille, cette feuille ne l'a pas quitté un seul instant. Il en a redessiné les contours à de multiples reprises, tandis que ses yeux s'affairaient à tracer le chemin de cette écriture à l'allure tellement lyrique. La forme des lettres danse devant lui, jouant une mélopée tragique, digne de cette pièce de théâtre illustrant sa vie. Chaque note qui parvient à s'élever marque un événement de son existence, qui s'est incrusté dans ses souvenirs de manière indélébile.

Izuku soupire faiblement, complètement tremblant.

Il devrait sans doute être apaisé, au moins partiellement, d'avoir retrouvé un morceau de son passé. Lui qui a tellement cherché après ceci, même si sa vengeance semble compromise. Pourtant, il se sent désespérément vide. La chaleur qui l'environne ne le heurte pas un instant. Le pirate a toujours apprécié ces températures grimpantes, lorsque le soleil se fait haut dans le ciel. L'odeur qui se dégage de ces moments-là est si plaisante et réconfortante quelque part. C'est sans doute pour cela qu'Izuku préférait explorer les parties sud du globe, ayant complètement la sensation d'être dans son élément.
Les fragrances iodées s'immisçant sur le navire, accompagné de la douce présence d'un astre solaire d'une puissance invraisemblable. C'était cela, sa vie, autrefois.

Trouver une nouvelle carte, un objectif à atteindre. Chercher à rester le plus fort de tous en comblant de fierté son prédécesseur et père adoptif, qui le toise d'un œil depuis l'antre qui l'accueille pour son repos éternel. Croquer à pleines dents cette vie qu'il a construite aux côtés de celui qu'il a aimé si longtemps. Être le meilleur successeur possible, en devenant chaque jour un capitaine plus aguerri que la veille.

Et maintenant ?

Isolé dans la cabine de son bateau, Deku regarde dans le vide, en essayant de comprendre ce qui a pu changer. Son passage sur cette île, loin d'être le premier d'ailleurs, semble l'avoir terriblement transformé. À tel point qu'il est incapable de se reconnaître ni de prévoir ses réactions. Son propre esprit est devenu un inconnu, avec qui il n'est pas en mesure de travailler main dans la main. Parce qu'il ne sait rien de ses intentions, de ses souhaits, ni de ses désirs les plus profonds.

Izuku n'a aucune idée de qui il est, exactement.

Est-il encore seulement digne de cet empire qui lui a été cédé ? De ce grand nom qui a pu lui vouer une confiance inconditionnelle, au point de croire en ses facultés même s'il venait de la rue et paraissait sans aucune capacité notable ? Il en doute sincèrement. Son chagrin l'a terriblement aveuglé, les mettant, lui et son équipage, dans une situation de danger indéniable. Cette simple constatation suffit à contester la moindre de ses aptitudes. Tout ce qu'il a pu amasser avec le temps s'est fait balayer en moins d'un instant, par sa propre avidité à trouver un coupable à sa souffrance. Objectif qui s'est également retrouvé vain, si Deku tend à considérer ce que Katsuki a pu lui expliquer hier, et à ses yeux hagards qui l'observaient en paniquant.

Mais là encore, ses réflexions peinent à déceler ce qui peut-être réel et ce qui ne l'est pas. Il se sent perdu, au milieu d'un désert, tiraillé entre ses propres besoins qui menacent de le faire succomber d'un moment à l'autre, sans réussir à déterminer si ce ne sont pas que des hallucinations qui s'amusent à le mener par le bout du nez. Son âme souffre, en pensant à Katsuki. Il ne peut pas s'empêcher de se demander où il est à ce moment, et dans quel état il se trouve. Un paradoxe bien étrange, le millième visiblement de cette conjoncture tout aussi énigmatique.

Pourtant, ce questionnement est bien là, sans parvenir à le quitter un instant. L'obligeant par ailleurs à continuer de penser à tout le reste. Venir sur ce bateau est l'un des seuls moyens qu'il a pu dégoter pour tenter de se défaire partiellement de cette emprise indéniable que Dynamight possède sur lui. Tous les lieux qui l'entourent sont porteurs de souvenirs, qui pourraient lui mettre du baume au cœur, s'il décidait délibérément de se laisser choir dedans. De s'y emmitoufler comme s'il s'agissait d'une couverture confortable et si douce, capable de l'accueillir pour des mois entiers. Il n'y a certainement aucun autre endroit en ce monde où il voudrait être à l'heure actuelle, que dans les bras de cet homme.