Une vie animée | Baji x Chifuyu

Chat-pitre 2

Je suis debout dans ma chambre avec Noël qui me dort sur les épaules, téléphone et feuille de papier en mains. Je stresse un peu, je me l'avoue. Il est seize heures, je me dis qu'il est plus que temps d'appeler Eléanor pour mettre en place ce fichu rendez-vous.

Je me sens con d'hésiter comme ça, et pourtant j'ai peur de dire une connerie ou qu'il y ait des silences gênants au téléphone. Je suis déjà sorti avec plusieurs filles, toutes de belles personnes avec qui j'étais à l'aise, mais ça ne m'empêche pas de perdre confiance en moi à l'approche d'une potentielle aventure. Après tout, chaque personne est différente et je peux avoir l'air ridicule aux yeux de n'importe qui. Je n'ai pas envie qu'une telle chose survienne avec Eléanor, je tiens à faire bonne figure à ses yeux.

Je relis le numéro écrit pour la centième fois, l'inscrit sur l'écran de mon portable et, sans réfléchir davantage afin de ne pas me dégonfler, appuie sur la touche d'appel. Ça y est, plus de marche arrière possible. La sonnerie retentit, je déglutis. Le ciel dehors est couvert. J'attends. Noël ronfle dans mon oreille. Soudain, un déclic. Je sursaute.

- Votre correspondant n'est pas disponible pour le moment. Veuillez...

Je raccroche, dépité, et songe qu'Eléanor a peut-être laissé tomber l'idée de sortir avec moi - au sens littéral, évidemment. Après tout, il est déjà seize heures, elle doit avoir fait d'autres plans. J'espère qu'elle n'a pas mal interprété le fait que je ne l'aie pas appelée plus tôt. J'avais juste peur de déranger.

Soudain, mon portable sonne entre mes mains et je sursaute de nouveau. Je jette un œil au papier, c'est bien Éleanor qui me rappelle. Je me suis peut-être emballé dans mes réflexions. Je laisse sonner quelques courtes secondes, le temps d'inspirer profondément pour me reprendre. Je me racle la gorge.

- Allô ?

Rien. Mais quel con, j'ai oublié de décrocher. Je fais coulisser la touche afin de décrocher et reprends comme si rien ne s'était passé. Noël doit bien se moquer de moi, je suis lamentable. On dirait un novice qui ne connaît rien de l'amour ni de la séduction.

- Allô ? dis-je de nouveau.

- C'est Eléanor, commence la voix agréable de ma collègue. Tu viens de m'appeler mais je n'ai pas répondu, je m'excuse, je m'occupais de mes lapins.

Elle a l'air vraiment désolé, son ton d'excuse me tire un sourire.

- Ce n'est pas grave...

Puis je réalise.

- Attends, tu as des lapins ? En plus de ton poney et de ta tortue ?

Elle rit, j'aime bien son rire. Il est joyeux et communicatif.

- Je ne te l'avais pas encore dit ? J'en ai deux ! Ils s'appellent Sayumi et Wasabi, ce sont des angoras.

- Des angoras ? répétai-je, impressionné. Ils doivent être super doux ! Ce n'est pas pénible, avec les poils qu'ils perdent ?

À partir de là, de fil en aiguille, la conversation s'est enchaînée naturellement. Notre passion commune envers les animaux nous a amenés à parler d'une multitude de sujets en à peine vingt minutes.

Eléanor m'a parlé de Sayumi et Wasabi, des cochons d'inde de sa meilleure amie, de sa relation fusionnelle avec son poney, Chérie, une femelle à la robe d'un beau gris pommelé, nous avons ensuite enchaîné sur nos pensionnaires de l'animalerie, du nouveau chaton atteint de gale que la vétérinaire avait mal soigné, des traitements scandaleux qu'on voyait dans certaines animaleries, de la portée imprévue de lapins que nous avons eue récemment... jusqu'à ce que Noël nous interrompe en poussant un bruyant miaulement, enfin éveillé.