Je n'ai fait que penser à lui. En me levant difficilement ce matin, en mangeant, en patientant dans le train puis en travaillant... Baji était constamment là, présent dans un coin de ma tête. C'est normal, ça fait moins de vingt-quatre heures que notre dernière entrevue s'est déroulée. C'est normal, oui, mais ça n'en est pas moins pénible pour autant.
J'ai traîné pour préparer les stocks, ai manqué de peu de mélanger les graines des canaris avec celles des souris et Nahoya m'a fait remarquer à deux reprises que je semblais dans la lune. Heureusement que notre patronne ne m'a pas vu commettre de maladresse. En parlant de ça...
Je soupire discrètement, tête baissée vers mes pieds. Le train est drôlement silencieux, ce qui ne m'aide pas à ignorer mes pensées. Encore un ennui pour moi : l'échéance redoutée semble se concrétiser pour de bon. Un stagiaire a été pris à l'animalerie et il se débrouille vraiment bien. Il comprend vite, travaille correctement et est aimable.
Je sens, je sais que je ne vais pas tarder à sauter afin de lui céder ma place. C'est ma faute, j'ai signé mon départ à l'instant où j'ai provoqué une scène à cause de mes états d'âme. Mais... je n'ai toujours rien trouvé de correct, je suis vraiment inquiet et... non, pas découragé. Je ne peux pas être découragé. Si je commence à baisser les bras, ça va être catastrophique. J'ai une boule dans le ventre en pensant cela. Oh, non, pitié. Je me sens assez mal comme ça.
Le train s'agite un peu, ralentit. Je me lève alors qu'il s'immobilise et descends dans la gare froide. Heureusement que j'ai pris mon blouson de cuir, je frissonne presque. Si seulement j'avais la moto qui va avec... Bon sang, je dois m'occuper de ma moto. Oui, je dois m'en occuper, mais quand ? Et avec quel argent ? Je ferme les yeux et souffle en m'engageant sur un trottoir. L'argent, toujours l'argent. Je déteste devoir toujours m'organiser selon l'argent. Avec la nicotine, ça fait une chose de plus dont je dépends, me dis-je avec une sombre amertume.
Après quelques minutes, j'arrive à l'entrée du bâtiment. J'y entre, monte plusieurs volées d'escaliers puis ouvre la porte avec mon trousseau de clefs. Il fait déjà moins froid ici. Je suis étonné de voir qu'il fait noir en pénétrant les lieux. Il n'est pas là ? J'allume l'ampoule et baisse les yeux à l'entrée. Tous ses souliers sont alignés, ça va. C'est donc étrange. Il s'est couché tôt ? Ou il a traîné à la salle de bain alors que la nuit tombait ?
Je me dirige vers le petit couloir afin d'en savoir plus avant d'imaginer trop de possibilités différentes. Il n'y a pas de lumière au niveau de la rainure de la porte au bout. Il n'est pas à la salle de bain. Je lève à demi un poing avant d'hésiter à frapper à sa chambre. Je déglutis.
Je suis un peu stressé, je sens mon cœur battre fort. Je suis gêné. Entre notre scène de la nuit dernière et ma façon de les quitter, Draken et lui... j'ai honte. De toute manière, il m'a sans route entendu entrer. Il va être vingt heures, il ne peut pas dormir. On ne dort pas si tôt... si ? Non ? Peut-être... ? Ah, eh merde.
J'attrape la poignée et ouvre doucement la porte, le souffle silencieux. Si cela reste subtil, il fait un peu plus chaud ici. Les lumières sont éteintes mais la ville derrière les rideaux laisse passer une lueur. En tendant l'oreille, je peux entendre sa respiration lente. Alors... il dort ? Il s'est couché drôlement tôt. Il doit se reposer avant de travailler. Je m'avance à pas de loup et viens m'asseoir furtivement au bord du lit. Je distingue sa silhouette, il dort sur le flanc droit et face au mur proche. Comme d'habitude.
Je demeure un instant immobile afin de profiter de la température ambiante. Après mon passage dehors, j'ai toujours froid. Une poignée de minutes s'égrène, je me calme sensiblement. Baji respire profondément, dos à moi. Sa chambre dégage cette atmosphère confortable et apaisante, ce qui m'aide assez. Je m'appuie sur un coude et pose une main délicate sur son bras. Sa peau est tiède. Je me penche et ferme les yeux, près de lui.
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Une vie animée | Baji x Chifuyu
FanficʻʻJe l'entends souffler dans un sourire. Ses lèvres se collent à mon oreille et un murmure presque menaçant vient s'y perdre. - Tu risques de tomber amoureux de moi, chaton. J'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes pieds et que je tombe dans...