𝘚𝘦𝘪𝘻𝘦.

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Elle ne pouvait définitivement pas avouer toutes les raisons à Tadashi. Cela changerait le regard qu'il avait pour elle. Il la verrait autrement et perdrait à coup sûr son sourire. Quand bien même lui dire la vérité pourrait lui faire peur et ainsi remettre de la distance entre eux, Amelia ne souhaitait pas ternir son sourire et lui donner cette dernière image d'elle gravée dans sa mémoire. Alors elle finit par admettre, tout en restant la plus évasive possible :

Je n'arrivais plus à respirer. Et je broyais du noir.
A cause de la solitude ?

Amelia acquiesça. Elle se sentait si seule depuis son départ pour Sapporo. Elle ne regrettait en rien son projet et c'était son rêve de pouvoir venir ici. Seulement, elle pensait justement que contrer la solitude par la solitude, loin de tout et de sa vie en France, serait la solution. Elle s'était trompée. Elle avait passé ces dernières soirées à tourner en rond, plongée dans sa mélancolie.

T'as bien une meilleure amie ?

Cette question lui tirailla l'estomac. Oui, la brune en avait eu une, il y a longtemps. Mais cette amitié se résumait à une toxicité telle qu'Amelia avait mis du temps à s'en rendre compte et ensuite, à s'en défaire. Depuis son adolescence, elle apprenait encore d'elle-même et devait se rappeler qu'elle avait le choix de mener sa vie comme elle l'entendait, de faire les choses qui lui plaisait sans devoir passer par l'aval de qui que ce soit.

Partir à Hokkaidō et vivre son rêve fut un véritable challenge pour elle. Elle se persuadait encore et toujours que sa voix, que ses choix à elle comptaient aussi, sans devoir passer par l'approbation des autres ou subir les propos qui la rabaissait, comme elle y avait toujours eu droit, depuis son enfance.

Amelia a toujours eu peu de personnes proches d'elle. Et les plus complices ne la considéraient pas comme une meilleure amie, ou une âme-sœur – comme certains pouvaient considérer les autres. Elle aussi aurait voulu connaître ce statut, être celle qui était importante pour quelqu'un.

Elle finit par avouer tout simplement à Tadashi tout en essayant de camoufler sa gorge nouée :

Je ne suis la meilleure amie de personne. Et je n'en ai pas...

Le brun alla répliquer et ouvrit même la bouche, mais se ravisa, le regard se remplissant de tristesse. La jeune femme le vit se ressaisir avant de poursuivre, plus doucement, avec une voix bienveillante :

Et des potes ? Des amis de confiance ?
Non, mais j'ai mes collègues dans la Maison d'Édition où je suis publiée.

Tadashi paru surpris par ces deux dernières réponses mais n'insista pas, comprenant qu'Amelia n'avait pas de lien particulier avec quiconque. La brune savait que cela lui démangeait d'en savoir plus et peut-être même d'en savoir plus seulement pour lui donner une raison de la réconforter et de la prendre dans ses bras. Tout cela, elle réussissait à le lire dans ses croissants de lune. Il avait envie d'être présent et cela la toucha. Profondément.

Si tu ressens la solitude, pourquoi tu t'évertues à mettre de la distance avec moi ? Tu le fais avec les autres aussi ?

N'osant pas répondre dans un premier temps, Amelia prit le temps de porter la tasse à ses lèvres. Son café était devenu presque froid. Elle avait horreur de le boire froid, elle qui le préférait bien chaud. Elle avait joué le jeu pour Tadashi et pris le temps de vider sa tasse, pour donner une chance à cette conversation, et à lui. Mais maintenant, cette discussion commençait à devenir étouffante.

Parce que jusqu'à présent, à chacune de mes rencontres, j'étais celle de trop. Celle qui est venue après les autres et qu'on ne considère pas plus qu'une simple pote. Je ne peux pas vraiment en faire un reproche, mais ça reste douloureux à accepter.
Donc, pour ne pas tomber de haut ou t'attacher inutilement, tu préfères fermer ton cœur ?

Amelia ne pouvait que hocher de la tête après cette sage déduction. Parce qu'elle savait montrer son affection envers une personne, parce qu'elle savait donner sans relâche, sans compter, elle encourait le risque de devenir dépendante de ces nouvelles relations. De s'attacher trop vite, de donner trop, pour ensuite faire face à une désillusion quand la personne partait ou daignait lui témoigner d'une quelconque amitié ou ne serait-ce, d'une attention.

Ça, c'était la relation amicale qu'elle vivait, même à des kilomètres de la France. Elle ne s'y était toujours pas détachée malgré les conseils avisés de son éditrice qui avait compris son mal être. Elle apprenait à se défaire de cette « amie » et tenait justement à profiter de ce voyage au Japon pour s'en libérer. Là encore, elle s'était trompée, parce que ça ne marchait pas, et parce que chaque matin, elle se réveillait dans l'espoir de voir une notification lui annonçant qu'elle avait reçu un message de sa part. Mais depuis un mois, elle n'avait eu aucune nouvelle, aucun message.

Avec un goût amer, elle but une gorgée de son café, reposa la tasse sur la table et garda un instant le regard rivé dessus, s'apercevant qu'elle était maintenant vide.

J'ai fini mon café.

[réécrit/posté le 23/06/24]

𝐀𝐔 𝐃𝐄𝐓𝐎𝐔𝐑 𝐃'𝐔𝐍 𝐂𝐀𝐅𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant