Te refaire l'amour. Il l'avait dit avec un petit rire niais et un sourire gêné, entraînant sa voix dans une hésitation touchante et attirante. Amelia ne pouvait que chavirer plus encore et s'émouvoir. Elle s'estima chanceuse – nettement plus que la veille – d'être tombée sur Tadashi. Cela lui paraissait fou, trop beau pour être vrai et pourtant, c'était sur lui qu'elle était tombée.
La jeune femme ne croyait pas aux histoires d'âme-sœurs, au destin, mais elle était forcée d'admettre que ce qui lui arrivait, relevait d'un roman tout droit sorti de sa bibliothèque de comédie romantique.
― De tous les hommes que je pouvais rencontrer dans un bar de Sapporo, un mercredi soir, il a fallu que ce soit toi.
― Un homme gentil ?
― Attachant. Et étrangement franc, aussi.Le brun retrouva un semblant d'étoile dans ses yeux. Amelia avait raison, il n'était pas de coutume pour les Japonais de se montrer aussi honnête et franc à propos de leurs sentiments.
― J'ai vécu quelques années au Canada, j'ai appris à me livrer facilement.
Voilà ce qui expliquait les qualités en anglais du japonais et sa personnalité quelque peu à part sur les terres nippones. Leurs doigts toujours noués entre eux, Amelia se rendit compte qu'elle se sentait bien. Elle était un peu troublée et anxieuse à l'idée de construire ce genre de lien avec un inconnu – ou presque –, de garde un contact physique, romantisé, vrai avec un homme, mais elle se sentait bien. Et même, apaisée. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas connu ce répit, auprès d'une personne.
Dans un soupir, Tadashi planta à nouveau son regard dans celui de la brune, avant de la questionner sur le sujet qui accaparait son esprit :
― Toi, tu n'as pas envie qu'on se revoie, n'est-ce pas ?
― Ça ne devait être qu'une nuit sans lendemain.Amelia souhaitait le lui rappeler, car depuis le début, son amant d'une nuit semblait l'avoir oublié. La jeune femme ne voulait pas en démordre : elle ne le reverrait pas après ce café. Mais pour une raison qu'elle ignorait, elle n'arrivait pas à lui dire clairement « non » cette fois-ci.
― Et je ne voulais pas m'attacher. C'est pour ça que je suis partie ce matin. Je suis désolée.
― Pourquoi tu ne veux pas t'attacher ?
― Parce que mon séjour ici n'était pas censé se passer comme ça. Que je ne suis pas ce genre de fille à faire des choses déraisonnables et imprévues. Et je n'étais pas censée m'éprendre pour quelqu'un.
― Tu t'es éprises de moi ?
― Et pas qu'un peu.La brune n'avait pu s'empêcher de reprendre cette expression dite un peu plus tôt dans leur conversation. Elle ne désirait pas la reprendre, pour ne pas jouer sur les mots, ni plaisanter à ce sujet ou prendre ce dernier de façon si légère. Mais comme un spasme, elle n'avait pu s'y résoudre.
― Tu me foudroies, Amelia.
― C'est bien pour ça qu'on ne doit pas se revoir.
― Tu cherches à me protéger ?
― Exactement.
― De quoi ?
― De qui, plutôt.
― De toi ?
― Oui.Amelia prit le temps de boire une énième fois dans sa tasse avant de continuer, gardant toujours sa main dans celle de Tadashi. Il lui fallut un instant pour se rendre compte qu'ils avaient toujours une main nouée. Ils ne jouaient plus, leurs doigts restant entremêlés. Le fait de le réaliser raviva ce contact chaud et la nuée de papillons dans le ventre de la brune. Elle avait brusquement l'impression de se retrouver dans les pages d'un de ses romans, sous les traits d'une de ses protagonistes, éperdument et follement amoureuse de son love interest.
― C'est mieux pour toi.
― Pourquoi ?
― Je suis du genre triste et mélancolique.Voilà, c'était dit, et Amelia ne pouvait plus revenir en arrière. Avec un peu de chance, cela dissuaderait son partenaire de revenir vers elle, de continuer à espérer la revoir. Mais il n'en fit rien, préférant démentir ce qu'il venait d'entendre.
― Hier, je t'ai trouvée plutôt joyeuse.
― J'étais éméchée. J'ai l'alcool joyeux.
― Le fait que tu sois triste ne me fait pas peur.Bon sang, pourquoi il est si bienveillant ? pensa Amelia, je ne mérite pas toute cette bonté.
― Triste ET mélancolique. Mon cœur est cassé.
― C'est pour ça que tu t'es enfuie de France ?
― Entre autres choses. J'avais besoin de changer d'air.
― Ça prouve que tu veux te reprendre en main.
― Peut-être.
― Pourquoi le fait que tu sois triste, mélancolique et cassée m'empêcherait de te revoir ?Mais pourquoi il ne comprend pas ? s'impatienta la brune.
― Parce que je ne veux pas te donner ça. Tu ne mérites pas ça, surtout pas après ton discours attachant.
― Et si je te dis que mon cœur est cassé lui aussi ?Emue, Amelia silencieuse, ne sachant quoi dire, ni comment réagir. Elle ne pouvait que le croire après ses dernières confessions, lui non plus ne semblait aller aussi bien qu'il le prétendait. Cela la persuada de rester sur ses positions et de ne pas céder à la bonté de son partenaire.
― Alors c'est une double raison pour ne pas se revoir.
― Tu penses ?
― Deux cœurs cassés ensemble ? Ça ne me laisse rien présager de bon.
― Peut-être qu'on pourrait justement s'entraider et les réparer ensemble.
― Ou peut-être pas.
[réécrit/posté le 23/06/24]
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𝐀𝐔 𝐃𝐄𝐓𝐎𝐔𝐑 𝐃'𝐔𝐍 𝐂𝐀𝐅𝐄
Historia CortaAmelia et Tadashi, deux amants qui se sont rencontrés un mercredi soir dans un bar de Sapporo, se retrouvent autour d'un café, au Café la Bastille, non loin de leur hôtel, au lendemain de leur nuit qui était censée être sans lendemain.