Un jour, peut-être, je serais heureuse...

Te valere : il faut être fort(e)

        On dit que les obstacles que l'on rencontre forgent l'identité de ce que nous sommes. Bien malgré moi, je pense que c'est vrai. Souvent, on me dit que la pire chose qui puisse arriver, celle dont on ne se relève pas ou dont on se remet mal, c'est le décès d'une personne proche.

        Je ne peux pas dire si c'est vrai pour moi car j'ai eu la chance de ne pas encore vivre ça. Je ne sais pas comment je réagirais si c'était le cas. Je le saurais un jour. Vu l'état de santé de mon père, c'est probable que ça arrive très prochainement, plus tôt que je ne l'aurais voulu et plus tôt que la « normale ». Il ne prend pas vraiment soin de lui. Il est devenu handicapé à la suite d'un accident mais il n'est pas allé se faire soigner immédiatement. Il aurait pu s'éviter bien des galères. Mais il n'a fait que sombrer dans la dépression. L'alcoolisme, le tabagisme. Je connais. Pas parce que je les ais vécus moi-même mais parce que j'ai été aux premières places pour y assister. J'aime mon père. Mais son état me déprime. Il n'a que 48 ans et pourtant il en fait dix de plus. Même mes grands-parents font plus leurs âges que lui, ils ne paraissent pas plus vieux que leurs âges et pourtant mon grand-père a le diabète. Je l'ai vu vieillir à toute vitesse. J'ai peur de subir le décès de mon père. Il est la personne la plus chère à mon cœur.

        J'ai déjà vécu une multitude d'épreuves. Je les ais toutes surmontées, avec plus ou moins de difficultés selon les épreuves. Mais la mort reste une épreuve qui me fait peur. Pas forcément la mienne, même si un peu tout-de-même, surtout celle des autres. C'est une épreuve qu'on ne peut pas fuir. Même si on le désire ardemment. C'est peut-être la pire épreuve dans une vie. La dernière aussi. Et au fond, peut-être que la multitude d'obstacles que j'ai déjà subis feront un bouclier devant cette ultime épreuve. Peut-être que ce bouclier sera trop fin pour me protéger. C'est vrai, au fil du temps, je me suis construit une carapace. Invisible. Un voile autour de moi. Tout ce que j'ai vécu m'a changé, m'a rendu plus mature. Le retour en arrière n'est pas possible, je ne retrouverais plus jamais mon insouciance des toutes premières années de mon existence, celle d'avant mes prises de conscience. Aujourd'hui, je traine un lourd passé derrière moi, comme un boulet. Mais ce passé fait partie de moi, peut-être même plus que l'avenir que je vois. Certaines épreuves ont encore des conséquences aujourd'hui : le fait que j'ai été placée sous la protection de l'enfance à seulement deux ans et demi. Le rejet dont j'ai toujours peur. Le harcèlement. Le jugement. Les critiques. La dépression. Mon empathie dévorante, surtout envers mes proches. Mes problèmes familiaux. J'en ai oublié. Mais malgré tout cela, je me suis toujours relevée. Parfois, j'ai eu besoin d'un coup de main. On ne peut pas toujours tout faire seuls. Mais je suis devenue plus forte à chaque épreuve.