Confessio: Confessions

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Mon père est toute ma vie bien qu'il ne soit pas aussi présent que je le voudrais.
Mais ce n'est pas étonnant, je sais bien que tel père telle fille, on est pareils. Je n'arrive pas à exprimer exactement mes sentiments et lui non plus.
Dans ma famille, personne ne sait faire ça. Par exemple, mon père m'a un jour expliqué que mon grand père ne lui avait jamais dit je t'aime sauf une seule fois où mon grand père a pleuré et a réussi à lui dire qu'il l'aimait. Mon père sait bien que papy ne lui dira plus jamais mais il m'a dit que le plus important c'est que maintenant, il sache que son père l'aime même s'il ne le dit pas. On ne peut pas dire que nous possédons l'art de la rhétorique !
Mais ce qui compte, ce sont les sentiments sincères au fond du cœur, ceux qui quand on essaye de les exprimer, les mots ne sont jamais suffisants pour les décrire avec précision.
Et dans ma famille, on en est remplis et même si on ne se parle pas tellement, on les voit dans les yeux.
C'est bien connu, ceux qui ont du mal à exprimer ce qu'ils ressentent ne peuvent pas cacher leurs émotions. On les voit dans les yeux.
C'est grâce à cela que je sais à quel point mon père m'aime même si je ne saurais pas jauger l'immensité de son amour pour moi. Avec mes frères, c'est un peu différent, on ne se voit pas assez pour que je puisse dire sans mentir qu'ils m'aiment.
Mais grâce à mon père qui a réussi pour la première fois de sa vie à exprimer des sentiments avec précision, même si ce n'étaient pas les siens, cela m'a fait du bien et ma sortis des ténèbres de la dépression où je me trouvais.
Ce n'était pas un jour particulier mais plus tard il le devint. Jamais je ne l'oublierai. J'étais profondément encrée dans ma dépression et mes croyances infondées.
Mon père m'avait demandé de demander à mes frères s'ils venaient faire les courses avec nous. Je n'avais pas toqué assez fort et mes frères n'avaient pas entendu. Mon père décida d'aller les voir et il leur dit qu'on iraient faire les courses un peu plus tard.
Il me demanda pourquoi je n'avais pas toqué fort et là, j'ai réussi à mettre un mot sur mes sentiments. Je réussi à lui dire que j'avais peur de les déranger.
Là mon père me détrompe et me dit que jamais je ne les dérangerais car ils m'aimaient beaucoup. Que s'ils m'aimaient pas, ils ne se seraient pas occupés de moi lorsqu'il n'était pas là quand j'avais entre 0 et 3 ans.
Je me suis mise à pleurer. Je ne pleurais pas vraiment de tristesse, plutôt de soulagement je pense.
Cet événement m'a mis du baume au coeur et m'a fait comprendre qu'il n'y avait qu'un seul problème qui pouvait se mettre entre moi et ma famille. Et ce problème, c'est la faculté à exprimer les émotions.
Ce jour-là, mon père a aussi compris une chose bien qu'il ne me l'ait jamais dit de lui-même. Depuis, il a toujours essayé de me parler malgré ses difficultés. Et à certains moments ça fonctionnait et à chaque fois, j'en étais heureuse. Lorsque cela arrive encore maintenant, je suis toujours submergée par cette émotion qui n'est pas totalement de la joie et malheureusement, je n'ai toujours pas de mots pour décrire cette émotion.

Récemment, je me suis rendue compte d'une autre chose, le fait que j'aime sincèrement et profondément ma famille même sans les relations de mes rêves.

Malgré tout ça, je ne peux pas m'empêcher d'avoir un pincement au cœur à chaque fois que j'ai envie de dire quelque chose mais que je me retiens.
Et malheureusement, cette mauvaise habitude que j'ai de penser que les autres ne veulent pas savoir ce que j'ai à dire est tenace.
Par exemple, au foyer, il y a une fille qui s'appelle Suzanna. Je l'aime beaucoup mais j'aimerais bien que quelques fois, lorsque j'en ai besoin, elle prenne le temps de m'écouter comme je le fais pour elle. Je la connais super bien mais ce n'est pas le cas dans le sens inverse.
Pourtant, elle a mon âge et pourrais me comprendre mais elle ne veut pas entendre que les autres aussi ont des problèmes.
A chaque fois que je parle, elle me coupe pour parler d'elle-même alors que ce n'est pas le sujet.
Plus que de m'énerver, cela me soutient dans le fait qu'elle s'en fiche de moi et de mes sentiments.
Malheureusement, je le ressent aussi pour de nombreuses personnes, si ce n'est pas tout le monde.

J'aurais aimé avoir une mère, qui dans mon imagination, pourrait m'écouter et me comprendre mais je n'en ai pas, c'est comme si je n'en avais jamais eu puisque je considère qu'elle ne m'a jamais aimé.
Cette douleur de ne pas avoir de mère est profondément encrée en moi malgré tout mes essais pour le sentir mieux.

A chaque hiver, je retombe en dépression mais personne ne le voit. C'est en partie à cause de ma famille, en partie à cause de mon sentiment d'exclusion, en partie à cause du fait que je pense que tout le monde s'en fout de moi, en partie parce que c'est l'hiver et aussi et surtout parce que personne ne voit que je me sens mal.

J'ai souvent envie de pleurer mais je m'en empêche et comme personne ne fait attention à moi, personne ne s'en rend compte. C'est triste, de se dire que nos amies ne sont peut-être pas réellement des amies.
Dans mon imagination, les amies voit tout, même quand on cache les émotions. Dans mon imagination, les amies sont toujours là quand il y a besoin.
Malheureusement, ce n'est pas le cas de mes amies. Alors je me pose cette question : Est-ce ma conception des amies qui est fausse ou mes amies qui n'en sont pas?

J'aimerais leur demander ce qui fait qu'on est amies pour elle, mais je n'ose pas, tout comme je n'oserais pas leur faire lire ce texte qui me révèle bien trop.
Si seulement elles savaient tout ce que je pense, elles sauraient qui je suis vraiment.
Parce que même moi je ne me connais pas. Comment pourrais je me connaître si je n'ai aucun moyen de le savoir avec certitude ?
J'entends beaucoup de choses sur les adolescents comme quoi ils réfléchissent à ce qu'ils sont. Mais moi, je me suis toujours demandée qui j'étais. Pourquoi suis-je si différente des autres? Je sais qu'on est tous différents mais je me sens vraiment à côté de tout.
Par exemple, lorsque je parle à des jeunes du foyer, plus grands que moi ou de mon âge, rares sont ceux qui pensent comme moi, rares sont ceux qui veulent avoir conscience des problèmes des autres.
Est-ce parce qu'ils sont égoïste ou est-ce une manière de se protéger ?

A chaque fois, j'ai l'impression d'être différente car eux, quand il y a quelqu'un qui a un problème, ils s'en fichent où sont contents qu'il y ait quelqu'un qui souffre plus qu'eux.
Mais moi, a chaque fois que je vois quelqu'un pleurer, j'ai le cœur qui se serrent et j'ai envie de l'aider. Mais je n'ose pas.
C'est toujours la question de la confiance en moi. Je pense toujours que je serais incapable de l'aider alors que peut-être que si. Je n'ai pas forcément les mots pour réconforter mais je suis la première à savoir que parfois, un simple câlin permet de remonter un peu le moral à quelqu'un.

Et peut être que moi-même, j'aimerais qu'on me fasse des câlins. Mais à qui pourrais-je confier tout cela? Même si l'écrire me fait du bien, un jour toute cette douleur reviendra très vite je pense.
Parce que partager un secret, ce n'est pas l'écrire, c'est mettre des mots dessus et qu'il y ait une vraie personne qui le connaisse.

Mais moi, je suis toujours incapable de ça, je n'y arrive tout simplement pas, j'attends que ce soit les autres qui fassent le premier geste, mais eux aussi ils attendent ça aussi.
Alors comment faire?

Je n'arrête pas de me poser des questions qui ne s'arrêtent pas pour autant de martyriser mon coeur. Justement, comme je ne trouve pas de réponse c'est encore pire. Et je ne trouve pas non plus la solution à cette souffrance.

Souffrance, c'est un mot horrible qui renvoie à une douleur, plus mentale que physique mais cette douleur est presque physique.
Et là, dans ma situation, c'est exactement ça.

Je préférerais infiniment souffrir physiquement plutôt que mentalement. J'aimerais m'arracher la peau pour que les peines qui y sont accrochées s'en aillent enfin. Mais je ne peux pas dire ça, ils penseraient que je veux me suicider ou me couper les veines alors que ce n'est absolument pas le cas.

Un jour, peut-être, je serais heureuse...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant