effevescent (Avatar)

Chapitre 38

Les barres de métal brillent dans le pâle clair de lune. Qu'est-ce qu'elle avait l'habitude de leur dire ?

La pièce était humide et froide, mais la fenêtre au-dessus de sa tête gardait le chemin éclairé. Non pas qu'elle puisse le parcourir.

Avez-vous déjà dansé avec le diable au clair de lune ?

Alva l'avait fait et maintenant elle dansait à nouveau avec lui. Il la tordait et la balançait, la guidait et la faisait plonger. Une danse sans fin de douleur et de misère. De nombreuses années s'étaient écoulées depuis leur dernière danse, mais elle en connaissait encore tous les pas.

Pendant une fraction de seconde, elle pouvait voir les yeux jaunes de Kida qui la regardaient au-delà des barreaux, mais elle clignait des yeux et cela aussi lui était arraché. Une cage métaphorique n'était plus suffisante pour eux. Il y avait une ironie amère dans ses mots, tous ses discours sur les cages et maintenant ils l'avaient mise dans une.

Un amer ressentiment s'accumulait dans son estomac, mais même cela ne pouvait l'arracher à la solitude écrasante qui menaçait de l'engloutir tout entière. Les échos des rires d'enfants tournaient dans la pièce, la hantant. Pourquoi maintenant ?

Après tout ce qu'elle avait traversé, pourquoi son esprit la trahissait-il maintenant ? Elle était née à nouveau, mais son passé la suivait toujours comme une ombre, entachant chaque expérience, assombrissant le monde qui l'entourait. Pendant si longtemps, elle avait fait semblant que le monde était plein de bonheur, de papillons et de rires, mais tôt ou tard, la réalité rattrapait même les esprits les plus endommagés.

Son frère faisait les cent pas devant sa cellule, mais elle ne lui prêtait pas attention. Il parlait depuis trente minutes, mais tout ce qu'elle entendait était la raillerie des souvenirs qui l'entouraient. Sa mère cuisinant, son père la poussant sur les balançoires, sa voisine tombant et s'écorchant le genou, le grand puits qu'ils utilisaient pour avoir de l'eau - un nouvel éclat qu'elle n'avait pas remarqué étant enfant, la toux de sa tante, le sang coulant de leurs yeux au lieu de larmes, la montagne de corps...

Non.

Alva ne les laisserait pas gagner à nouveau.

"Qu'est-ce que tu veux, Parker ?" a-t-elle demandé, la voix vide de tout sauf de l'épuisement total. Sa peau sombre était pâle et manquait de l'éclat habituel, et des poches sombres s'étendaient sous ses yeux.

Parker Selfridge a arrêté de faire les cent pas. "Pour que vous alliez mieux."

"Votre idée d'un mieux est de me coller dans une cage ?" grogna-t-elle en inclinant la tête.

"Ce n'est que temporaire", a-t-il marmonné.

Alva a ricané et s'est retournée. Il n'y avait pas une seule paille d'herbe dans la pièce, seulement du ciment froid. Voilà pour l'amour fraternel. Il savait sûrement que les fleurs se fanent dans l'obscurité.

"Je ne peux pas te laisser partir à nouveau en vrille, Alva," un soupçon de supplication est entré dans son ton, mais il était bien trop fier pour supplier. "J'ai dû tirer beaucoup de ficelles pour te faire venir ici."

"N'essaie pas de me culpabiliser, mon frère", lui dit-elle en fermant les yeux. "Nous savons tous les deux que tu n'as pas fait ça pour moi. Tu m'as emmené ici pour pouvoir garder un œil sur moi."

Parker a secoué la tête.

"Vous avez détruit des équipements valant des millions de dollars, Alva", a-t-il recommencé à faire les cent pas. "Je ne peux pas faire grand-chose pour te protéger. Je n'avais pas d'autre choix que de vous mettre ici. Ce n'est pas le moment de faire une de tes crises de colère ! Il y a une guerre qui arrive !"

"Oh, je sais tout sur cette guerre", lui a-t-elle lancé. "Vous pensez que je ne vous vois pas, vous et Jake, chuchoter dans votre bureau ? La façon dont vous poussez vos soldats juste un peu plus près chaque jour ? La façon dont Quaritch me sourit quand je passe devant lui dans les couloirs ?"

"Alors tu sais pourquoi je dois faire ça."

"Je ne le sais vraiment pas." Elle a répondu en se curant les ongles. "Tu pourrais me laisser partir et je m'enfuirais pour rejoindre les 'sauvages'. Je ne serai plus dans tes pattes pour toujours." Alva fit des guillemets à ce mot, les lèvres se retroussant en un rictus à ce rappel amer.

"Tu sais que je ne peux pas te laisser faire ça", soupira Parker en se pinçant le nez. "Tu es impossible, tu le sais, n'est-ce pas ?"

"Impossible ? Non. Du bon côté ? Oui. Foutu dans la tête ? Oui. C'est votre faute ? Oui aussi."

Parked s'élança en avant, frappant ses mains sur les barreaux, un regard sauvage dans les yeux tandis qu'il la fixait.

"Je n'ai rien à voir avec ça !" grogna-t-il avant de reculer. "Les péchés du père ne sont pas les péchés du fils."

"Ils le sont si tu fais la même chose", lui a-t-elle rappelé en lui adressant un sourire sarcastique. "Mais qu'est-ce que j'y connais en matière de meurtre d'une espèce entière de personnes ? Je suis juste folle, Alva."

Alva pouvait voir son père se tenir derrière Parker. Khalid avait l'air aussi fort qu'il l'était il y a toutes ces années, les fossettes visibles alors qu'il lui offrait un sourire fier. Derrière lui, sa mère est apparue, tenant son petit cousin dans ses bras. Ils dominaient tous les deux Parker, sa mère étant plus grande d'une demi-tête et son père encore plus. C'était un rappel amer de ce qu'elle avait perdu, et où cette perte l'avait menée - piégée sous terre avec un homme si semblable à son père qu'elle ne pouvait presque pas les distinguer.

Parker s'est retournée pour voir ce qu'elle regardait, mais sa famille s'est évanouie.

"Tu vois ? Tu as encore des hallucinations."

"Ça se voit", dit-elle avec mépris, en rejetant la tête en arrière avec un gémissement. "On doit encore faire ça, mon frère ?" Alva a craché la dernière partie comme si c'était du poison. "Mon esprit est brisé si tu ne peux pas te rappeler ?"

Il secoua à nouveau la tête et se mordit la peau du pouce. "Tout le monde peut le voir."

"Oui, tout le monde peut voir une femme brisée s'accrochant désespérément aux derniers fils de la raison. Tu crois que je veux réprimer toute émotion qui n'est pas positive ? Vous pensez que je veux que mon esprit m'éloigne de la réalité ? Vous pensez que c'est amusant ? !" Alva se leva, montrant ses dents comme si elle était encore dans son corps d'Avatar. "Tu penses que c'est amusant d'avoir tout le monde qui parle dans ton dos de combien tu es bizarre ? Que tu devrais être jeté derrière les barreaux d'un hôpital ? Que c'est malsain que je ressemble à un enfant ? Mon esprit est en train de s'effondrer, Parker, et c'est entièrement de ta faute."

Parker a désespérément essayé d'attraper ses yeux mais elle a refusé de le regarder. "S'il te plaît, Alva", a-t-il supplié. "Personne ne dit ça."

"Eywa va te punir, mon frère, et je vais rire." Elle cracha à ses pieds, les yeux brûlants de rage. "Toi et ce Quaritch allez brûler. Elle ne restera pas là à vous regarder assassiner ses enfants. Je suis peut-être innocente d'une certaine façon mais je ne suis pas naïve. J'ai vu tout ça avant et elle vous le fera payer," à chaque mot elle faisait un pas de plus vers lui, passant une main à travers les barreaux, touchant sa joue. "Mon doux, doux frère, comme je sourirai quand tu ne pourras plus me contrôler."

Alva a ri en s'arrachant à son contact. "Cours, cours, petit cochon, avant qu'elle ne vienne te chercher."

Et il a couru, loin du rire tordu de la femme qu'il appelait soeur. 

Alors que la lourde porte se refermait, Alva s'assit à nouveau dans le coin de sa cellule, de douces perles de rire continuant à secouer son corps. Elle se sentait mieux après avoir libéré une partie de la colère refoulée en elle, et elle pouvait sentir les bras chauds d'Eywa apaiser son âme endolorie.

Maintenant que sa dépression était terminée, elle pouvait enfin se détendre, sentant la douce couleur rose de la sécurité et de la paix s'enrouler autour d'elle. Une petite partie d'elle revint et elle soupira.

" Je les ferai tous payer ", murmura-t-elle sans que personne d'autre qu'Eywa n'entende sa promesse.