Chapitre 1

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Elle posa son pied par terre et sentit le gravier crisser sous sa semelle. Tenant d'une main la portière, et de l'autre son sac de voyage, Ysalia finit de s'extirper du taxi. Depuis que celui-ci s'était arrêté devant le haut portail en fer forgé, son regard ne quittait pas la grande demeure ancienne qui se découpait sur le ciel bleu du petit village d'Arrisse. Une fois certain qu'Ysalia n'avait rien oublié, le chauffeur remonta et repartit sur la route. Elle le regarda s'éloigner jusqu'à qu'il disparaisse au loin, puis elle respira un grand coup. Tandis qu'elle revérifiait pour la troisième fois son chignon, lissait son tailleur et reprenait sa valise pour enfin passer le portail, elle sentait son cœur battre à grands coups. Elle s'élança enfin sur le chemin qui serpentait dans un magnifique jardin entretenu de main de maitre. Malgré elle, un petit sourire apparut au coin de ses lèvres. Le lieu et le domaine semblaient comme sortis d'un livre, avec une façade comme elle les aimait : une bâtisse de pierres taillées, placée au cœur d'un parc arboré qui portait les prémices du printemps qui s'installait. A cette vue, son ancienne vie, celle qu'elle tentait vainement d'oublier, la traversa telle une brûlure, mais elle se redressa. Elle avait l'habitude de ces douleurs lancinantes et inopinées qu'elle réussissait maintenant à mettre de côté, en tout cas la majorité du temps. Elle voulait tellement changer de vie, tourner la page, elle avait tellement souffert, qu'elle se l'était promis : ce poste serait le nouveau chapitre de sa vie qu'elle voulait commencer à écrire et il était maintenant largement temps de se lancer.

Malgré elle, elle s'était arrêtée profitant de la nature environnante au gré de ses pensées. Reprenant sa marche et continuant de détailler la maison qui lui faisait face, elle continua d'avancer vers le perron qui l'attendait. La demeure comportait visiblement un rez-de-chaussée flanqué de grandes baies vitrées et d'un petit escalier qui menait à une magnifique porte en bois. Le premier étage, doté de cinq fenêtres, finissait par un toit d'ardoises rehaussé de plusieurs cheminées en briques rouges. De chaque côté de la demeure, de petites extensions apportaient, elles aussi, leur charme à ce domaine qui plaisait déjà énormément à Ysalia. Une petite brise balançait doucement les branches sur son passage et elle apprécia le silence ambiant uniquement entrecoupé par le chant des oiseaux ici et là. Exactement ce qu'il lui fallait pour se reconstruire.

Tout en prenant garde à ne pas se tordre la cheville, elle finit de remonter l'allée et accéda aux escaliers. Ses talons claquèrent sur la pierre et elle arriva enfin à la lourde porte, visiblement ancienne : dans un bois sombre et travaillé, elle remarqua une fois devant, le magnifique arbre de vie sculpté et chevauchant les deux battants. Elle en resta un instant stupéfaite et ne put résister à passer doucement le bout de ses doigts le long de ses branches. Une étrange émotion la prit et elle baissa doucement la main. Cette porte était, tout comme le reste de la demeure, entretenue et magnifique et lui donnait un étrange sentiment de sécurité et de force. Sortant enfin de sa contemplation, elle repéra dans le coin à droite le système de sonnette vidéo dernier cri incorporé au mur.

Elle hésita un instant, juste quelques secondes, puis elle appuya. Il y eut quelques minutes d'attente et la porte s'ouvrit sur un homme, d'une bonne soixantaine d'année, la peau burinée par le soleil, une moustache grisonnante tombante sur les coins de sa bouche, mais avec un air jovial indéniable. Il eut un sourire franc :

- Bonjour mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ?

A cet instant, Ysalia su qu'elle avait pris la bonne décision. Aussi, confiante et heureuse d'avoir mené sa démarche jusqu'au bout, elle répondit :

- Bonjour, je suis Mme Degressy, la nouvelle gouvernante.

Après la pluie, le soleil.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant