Chapitre 16

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Comme prévu, Hugo rentra tard ce soir-là et quand il passa dans sa chambre, elle fit mine de dormir. Il lui déposa un baiser léger sur le front et se retira. Ysalia ouvrit alors les yeux, fixa le jardin à travers la porte fenêtre, plus sûre d'elle que jamais. Pourtant elle sentait aussi cette nouvelle souffrance se mélanger à l'ancienne. C'était une évidence, cette parenthèse de bonheur n'avait été là que pour l'aider à se reconnecter à la vie. Elle n'avait pas le droit à plus, le message avait pourtant déjà été assez clair.

Le lendemain matin, elle se leva et fit ses valises. Elle passa par la cuisine et Tania la regarda perdue :

- Ysalia, que se passe-t-il ?

Ysalia se composa un masque, tentant de ne pas laisser ses émotions transparaitre.

- Je dois repartir dans ma famille. Je m'excuse vraiment Tania, mais je viens d'apprendre une très mauvaise nouvelle.

Ysalia sentit des larmes monter, aussi elle toussota.

- Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que Tom et vous avez fait pour moi. Vous l'embrasserez de ma part ? Comme Arielle revient dans 3 semaines, je m'en veux de vous laisser ainsi mais je sais que vous vous en sortirez.

Tania sembla complètement désemparée.

- Mais enfin Ysalia, aussi brutalement que cela ?

Elle regarda intensément la jeune femme face à elle et sembla comprendre que rien ne la ferai changer d'avis et qu'un mystère planait là-dessous. Elle la serra alors fort dans ses bras et sentit un sanglot monter chez la jeune femme.

Ysalia tenta de se reprendre et s'écarta de la cuisinière.

- Merci Tania, pour tout.

Elle déposa alors sa valise devant la porte d'entrée, respira plusieurs fois pour se donner du courage, puis se dirigea vers le bureau. Elle toqua et, quand elle entendit la permission d'entrée, elle se dit que ça allait être au-dessus de ses forces. Mais elle se rappela que tout ce qu'elle faisait là et maintenant c'était pour lui, rien que pour lui. Aussi elle se redressa et entra.

Inconscient de tout, il lui adressa un franc sourire et se leva :

- Ysalia, comme je suis content de te voir, tu me manquais.

Il s'arrêta en cours de chemin et prit conscience que celle-ci était en manteau, prête à partir.

- Tu sors en courses ? Je croyais que Tom y était ?

Ysalia fixa un point sur le mur derrière lui.

- Hugo, je m'en vais. Ne me demande rien, ne me retiens pas. Je pars, c'est tout.

Seul un grand silence lui répondit. Elle osa alors tourner le regard vers lui et le trouva figé, n'en revenant pas. La douleur fut si forte qu'elle détourna le regard à nouveau, sinon elle savait qu'elle n'aurait pas la force de le quitter. Semblant sortir de sa torpeur, Hugo la regarda :

- Mais pourquoi Ysalia ? Qu'ai-je fait ? Pourquoi un départ aussi brutal ?

Elle se tourna franchement vers lui :

- Est-ce vrai que tu voulais un enfant plus que tout au monde avec ton épouse et qu'elle te l'a refusé ?

Il resta un moment interloqué, se demandant ce quel rapport il y avait avec son départ, mais sentant que c'était important, il répondit :

- Oui, c'est une des causes de notre divorce. Mais qu'est-ce que cela vient faire là Ysalia ?

Elle prit une grande inspiration et les mots lui brulant les lèvres, elle lui dit :

- Si tu en avais la possibilité, voudrais-tu encore des enfants ?

Hugo était perdu, il ne comprenait rien à la conversation et encore moins à tout ce que cela faisait ici de bon matin. Et il ne savait que répondre.

- Je ne sais pas Ysalia, je n'ai pas pensé à cela, je sais que nous deux, cela a été rapide, mais je ne me suis pas projeté si loin.

Elle se crispa.

- Hugo, répond à ma question, s'il te plaît.

De plus en plus perdu et surtout nerveux, il tenta de trouver une réponse dans sa tête. Il sentait qu'il était en train de la perdre et il ne comprenait pas comment, si soudainement, alors qu'hier encore, tout était parfait.

- Oui peut être Ysalia, sûrement, je n'en sais rien.

Elle eut un sourire triste et laissa les larmes couler le long de ses joues.

- Je te laisse réaliser ce rêve Hugo, mais sans moi.

Elle s'approcha de lui et prit sa main. Elle respira un grand coup avant de commencer son récit :

- Il s'appelait Camille. Ben et moi on n'attendait que lui. Sa naissance et sa courte vie me remplissait de bonheur.

Hugo retint son souffle, sentant qu'il allait savoir et que cela n'allait pas lui plaire.

- Un matin, je trouvais qu'il mettait bien longtemps à se réveiller. Aussi, je suis montée dans sa chambre, le sourire aux lèvres, hésitant à le réveiller de sa grasse matinée.

Les larmes coulaient de plus en plus sur ses joues et Hugo ne put s'empêcher de craindre la suite. Finalement, il était sûr de ne pas vouloir savoir.

- Si tu savais comme il avait l'air tranquille dans son petit lit, il semblait dormir si bien. Mais j'ai tout de suite su que quelque chose clochait. Il est mort ainsi dans la nuit, sans que je ne sache rien, sans que je ne me doute de rien, dans le silence le plus complet. Il avait 9 mois. Et moi, sa propre mère, je n'ai rien senti, rien pressenti, et je n'ai pas su le sauver.

Le petit sourire fugace qui éclaira le visage d'Ysalia explosa le cœur d'Hugo, qui était sans voix.

- Plus jamais cela Hugo. Je ne sais pas où notre histoire aurait pu aller, mais pas par là. Et c'est pour cela que je pars. Je veux que tu sois heureux et que tu puisses avoir ce que tu veux.

Elle lâcha sa main et s'apprêta à partir. Hugo se rendit compte que rien n'allait la retenir, sa décision était prise.

- Je ne peux même pas me défendre alors ? Tu pars ainsi sans m'écouter ?

Elle secoua la tête et finis d'essuyer ses dernières larmes.

- Il n'y a rien à dire Hugo.

Et elle sortit, car elle savait très bien qu'elle était à deux doigts de laisser tomber, de l'écouter et de se blottir contre lui. Mais elle n'en avait pas le droit.

Elle arriva à la grille en fer forgé et ce chemin retour sur cette allée lui avait fit l'impression d'une boucle bouclée. Le taxi l'attendait déjà et il ne dit rien devant son air défait. Elle jeta un dernier regard au domaine : elle lui devait d'aller de l'avant, car grâce à lui et aux gens qui en faisaient parti, elle avait le droit à une deuxième vie. Elle comptait bien le leur rendre, en faisant de son mieux pour que cette deuxième vie soit à la hauteur de ce qui lui avait été apporté.

Après la pluie, le soleil.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant