Chapitre 3

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Le soir était un des moments qu'elle détestait le plus, en particulier parce qu'elle n'avait plus rien d'autre à faire qu'à penser. Aussi, après avoir quitté ses nouveaux acolytes, elle était montée dans sa chambre et, après un petit tour sur le balcon à écouter les bruits de la nuit, elle s'était installée sur son lit. Elle ouvrit son ordinateur portable, fit un petit tour d'internet et de ses mails. Ensuite, elle téléphona à sa maman, qui devait attendre impatiemment son appel. C'est grâce à elle qu'elle avait tenu cette dernière année écoulée et aussi qu'elle avait trouvé ce poste temporaire. Arielle, la gouvernante en charge de ce domaine, était l'une des grandes amies de sa mère. Aussi, du fond de son lit d'hôpital, c'est à elle, et surtout à sa fille, qu'elle avait pensée afin de la remplacer au pied levé. Sa mère lui avait donc parlé de cette possibilité de recommencer autre chose, de ce maître de maison d'une cinquantaine d'année, facile à contenter, car simple et « adorable » dixit Arielle, parfait pour se remettre en selle. Malheureusement pour la gouvernante, une mauvaise chute et une fracture du col du fémur l'avait bloquée pour les quelques mois à venir à l'hôpital et par la suite, en maison de convalescence. Il y avait donc une place temporaire à pourvoir et c'était parfait : depuis un an, sa traversée du désert avait été bien assez longue. Ysalia y voyait donc surtout le signe tant attendu pour enfin renaitre de ses cendres...

Comme si ses pensées l'appelaient, son téléphone se mit à vibrer et son nom apparu : Ben. Dès qu'elle voyait son nom, la tendresse et la douleur se mélangeaient et lui tordaient le ventre. Et ce soir, elle n'en avait pas le courage. Elle reposa son téléphone sur sa table de nuit, ferma son ordinateur, puis prit le petit cachet blanc : un de ses derniers défis, se passer de ces petites pilules. Mais pas encore, pas ce soir. Elle verrait cela, une fois sa mission ici bien lancée. Elle se coucha enfin et trouva rapidement son sommeil artificiel habituel, entrecoupé régulièrement de cauchemars.

Le lendemain, quand son réveil sonna, elle se sentait d'attaque. Elle prit sa douche et apprécia sa salle de bain personnelle. Elle dompta sa chevelure en un chignon strict, sans une mèche de cheveux désordonnée. Étonnamment, quand elle faisait son chignon, elle repensait à son école. Elle avait adoré ça ! Certes, sa mère était gouvernante avant elle et sa grand-mère encore avant. Mais elle avait cela dans le sang et la nostalgie de ses études était une énergie positive pour elle. Elle savait exactement à cette époque ce que serait sa vie. Que cela lui semblait loin...

Elle descendit retrouver Tom et Tania. Dès le petit déjeuner, succulent et copieux, avalé, ils prirent la direction de l'hôpital qui n'était qu'à 20 minutes du domaine. Celui-ci dépendait du charmant petit village d'Arisse, mais qui ne comptait que quelques centaines d'âmes et le strict nécessaire des magasins de base. Pour le reste, il fallait faire quelques kilomètres. Mais finalement Ysalia trouvait cette promiscuité, tout en étant isolé, parfaite !

Une fois arrivés à l'hôpital, ils achetèrent des fleurs et allèrent retrouver Arielle. Dès son entrée dans la chambre, elle découvrit une femme d'une soixantaine d'année qui, malgré le lit, était toute en beauté et pétillante. A peine Ysalia avait-elle fait connaissance avec celle-ci, qu'elle sut qu'elles s'entendraient bien. Elle fut accueillie comme une amie et cela lui mit du baume au cœur. Ils passèrent tous les trois la matinée avec Arielle ; Ysalia put prendre des notes et voir pour l'essentiel de son travail.

Une fois de retour au domaine, elle rencontra Jacqueline, avec qui elle fit un point sur les priorités du jour, en vue du retour du maitre des lieux le soir même. Et sa première journée fila à toute allure et elle fut plutôt contente du résultat et d'elle-même, quand vers 20h, une voiture se fit entendre dans l'allée. Tom et Tania l'appelèrent et ils sortirent sur le perron. Ysalia ne put s'empêcher d'admirer les courbes de l'Aston Martin Vantage qui venait de se garer : magnifique modèle. Ayant travaillé dans les plus grands hôtels de la région, elle commençait à connaitre les voitures de luxe qui circulaient ; c'était un choix qu'elle appréciait et qui correspondait tout à fait au reste du domaine. Mais comme la bienséance de son apprentissage le lui avait appris, elle n'en laissa rien transparaitre.

Après la pluie, le soleil.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant