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KEN SAMARAS

Les journées de janvier étaient passées tranquillement. Paris était toujours aussi grise. Je traînais dans les parcs, souvent seul, des prod défilant dans mes oreilles ou accompagné par le bruit des feuilles mortes qui rayent le trottoir. Dans cette grisaille, notre mini tournée dans le sud (en réalité quatre dates) me motivait. Savoir que j'allais reprendre la route avec les khos m'apportait beaucoup de joie. Parfois j'avais l'impression de ne plus avancer à Paris et certains soirs comme ceux ci je m'ennuyais. Il était trois heures du matin. J'aurais dû dormir depuis longtemps mais je n'y arrivais pas. Je défilait mes dm insta lorsqu'un rond vert indiquant que quelqu'un était en ligne me surpris. Pourquoi Louka ne dormait pas en pleine nuit de semaine ? J'ai décidé de l'appeler. Quitte à s'ennuyer autant le faire à deux. Elle a décroché au bout de deux sonneries.

- Ken ?

Sa voix semblait encore plus cassé que d'habitude. Comme si elle avait pleuré.

- Ça va ?

Je l'ai entendu rire doucement. Ça m'a rassuré.

- Bah oui. Enfin aussi bien qu'on va à trois heures du matin.

J'ai acquiescé. Aucun de nous deux ne l'a dit mais c'était une évidence : les gens qui vont bien ne sont pas éveillés à trois heures du matin. Je lui ai proposé : 

- Tu veux venir chez moi ?

Pas de réponse. C'est vrai que c'était un peu étrange comme demande.

- J'ai vu que tu dormais pas et je m'ennuie. Si tu veux je passe te chercher en vélo et on se balade et après on mange des sushis chez moi. Il m'en reste.

- D'accord. Dis moi quand tu es là.

J'ai raccroché en souriant. Je savais que si je sortais, je pouvais dire adieu à mon sommeil. Mais au moins je pourrais m'amuser. J'ai enfilé ma doudoune et des gants avant de sortir et trouver un vélo. Le froid me brulait les joues et je n'ai jamais fais le trajet aussi vite. Louka m'attendait devant sa porte enveloppée dans un grand manteau noir et avec un bonnet couvrant sa grosse tête. Elle s'est approché pour me checker un sourire sur ses lèvres.

On a marché pour lui trouver un vélo puis on s'est dépêché de rentrer chez moi. Louka semblait anormalement calme. Une fois chez moi, elle a enlevé son manteau. J'ai souris en voyant son tshirt blanc orné du logo de la 75 session. C'était une vraie elle. Ses joues étaient rougies par le froid et on s'est dépêché d'aller faire chauffer du thé.

- Pourquoi tu dormais pas ?

J'ai haussé des épaules en m'installant dans le canapé. Louka est venue se poser à la gauche et s'est enveloppée dans un plaid.

- Je pense à l'album. J'ai trop de choses à dire mais quand je les dits je trouve ça nul. J'ai jamais eu l'habitude de la page blanche. Je sais même pas pourquoi ça m'arrive. 

- T'as peur ?

Venant de quelqu'un d'autre, je l'aurais mal pris. Mais Louka avait l'air sincèrement intéressée. Elle avait toujours eu cette empathie. C'était ce que je préférais chez elle. Elle était toujours là pour aider les gens. C'était le genre de personne que tu pouvais appeler à trois heures du matin et elle répondrait pour t'aider. Elle s'en foutait de rentrer tard, elle réparait les blessures qu'elle n'avait pas causé et donnait sans attendre quoi que ce soit en retour.

- J'ai surtout peur de décevoir les gens alors que j'ai toujours d'abord voulu faire de la musique pour moi. Tant que ça me plait à moi et à mes gars, c'est tout ce qui compte. Sauf que maintenant, tout le monde m'attend au tournant et je met met une pression de ouf. Alors qu'avant c'était pas le cas. 

Louka s'est baissée pour mieux envelopper ses jambes dans son plaid. 

- Je vois ce que tu veux dire. C'est pareil avec la gym. Quand tu gagnes tout le temps, les gens pensent que c'est facile. Et ils ont des attentes et forcément si tu relève pas le niveau tu les déçois. Alors que c'est jamais simple. 

Je m'étais souvent demandé quel rapport avec son sport avait la jeune femme. Elle adorait ça, ça sautait aux yeux. Mais je me demandais si elle en avait pas marre de tous ces sacrifices. Surtout en ce moment où elle fixait le vide de ses grands yeux, d'un air pensif. Des yeux si grands qui mangeaient presque son visage. Des yeux bleus si immenses que j'aurais pu me noyer dedans. Elle a reprit comme si elle avait deviné ma question silencieuse. 

- Des fois, quand ça va bof, je pourrais tout abandonner. Mais je peux pas le faire. J'ai toujours fais ça, sans ça je sais pas ce que je serai et où je serai. C'est mon oxygène, ça m'a sauvé. 

J'ai hoché de la tête. C'était pareil avec le rap. Il avait toujours était là pour moi, même quand ça allait pas. On m'a dit que ça servait à rien de parler de ses problèmes, mais moi, je sais ce que c'est d'écouter du rap et de se sentir compris. Parfois il n'y avait que ça qui pouvait me consoler. J'espérais que Louka avait quelque chose qui l'aidait quand tout est sombre. 

- Avec l'approche des sélections j'ai encore plus peur. J'ai déjà réussi à le faire mais je me dis que si ça se trouve ça va pas le faire cette fois. Ou que la compétition est encore plus forte. Dans ces moments je me dis que la seule compétition c'est avec moi même. 

On a continué à discuter de nos peurs jusqu'à ce que je me sente mieux. Il était 4h44. Le temps était passé si vite mais aucun de nous deux ne semblait vouloir se coucher. C'était comme si on refusait que demain existe. Je lui ai parlé du Sud et elle m'a parlé d'une compétition qu'elle avait avant qu'on parte et m'a proposé de venir la voir. J'ai accepté. Louka n'aimait pas trop qu'on vienne à ses compétitions avec les gars. Elle disait en rigolant que c'était parce qu'elle voulait que tout le monde la regarde elle et pas nous pour une fois. Mais elle avait avoué une fois à Moh que c'était parce que ça lui rajoutait une pression supplémentaire. Et vu que Moh est une grosse balance il l'avait laissé échapper sans faire exprès. Un silence agréable s'était maintenant installé autour de nous et le parfum du thé à la menthe emplissait l'air, me poussant doucement dans les bras de Morphée. 

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Deux chapitres un peu plus courts
mais que j'aime bcp!

J'ai trop hâte d'arriver dans
les parties suivantes pour le
drama hehehe

Muchos besos <3

Vénéneuse - NEKFEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant