Vénéneuse - NEKFEU

3o

KEN SAMARAS 

Louka m'avait envoyé un message pour qu'on se retrouve dans un square. Elle voulait me parler de quelque chose. Et je me doutais de ce que ça pouvait être. 

Les images de notre soirées tournaient en boucle dans ma tête depuis ce matin. Elle, blottie dans mon dos, pendant notre trajet en vélo, mon menton posé dans le creux de mon épaule. Le bonheur que je ressentais dans mon ventre en entendant son rire raisonner dans les rues désertes de Paris et ses mains sur mon torse.

Et puis notre arrivée...

L'entendre dire qu'elle voulait m'embrasser avait débloqué quelque chose en moi. Je n'y avais jamais pensé, je me l'étais toujours interdit. Parce que c'était Louka. Ce genre de fille que tu peux seulement espérer qu'elle t'accorde un peu d'attention. Elle avait cette capacité rare de te donner l'impression d'être la seule personne digne d'attention sur terre et que vous étiez important. Une fois qu'elle t'accordait son attention, tu te demandais ce qu'une fille comme elle pouvait trouver chez toi mais tu te sentais écouté, vu comme pour la première fois. Et puis, elle faisait partie des intouchables : Mekra et Deen tireraient la gueule s'ils l'apprenaient. Mais maintenant, savoir que quelque chose serait possible faisait que je ne pensais qu'à ça. Une possibilité qui compliquait toute l'équation. Evidemment, ma discussion avec Doums ne m'avait pas du tout aidé à y voir plus clair. 

Bon après connaissant Louka, c'était aussi possible qu'elle veuille juste parler d'un truc sans rapport et je tirais des plans sur la comète. 

Vers vingt heures, je suis partie pour rejoindre Louka. Je me suis assis sur un banc en l'attendant. Evidemment, elle était en retard. Je l'ai vu arriver et j'ai rangé le cahier dans lequel j'écrivais deux trois trucs sans intérêts. Elle avait une petite jupe rouge et un haut blanc et elle avait attaché ses cheveux en tresse collées. J'adorais quand elle faisait ça. 

Je lui ai fais un signe de la main pour qu'elle me rejoigne. Son visage était déjà rouge de gêne, me faisant très bien comprendre de quoi elle voulait parler. Elle s'est assise sur le banc.

- Tu te sens mieux par rapport à ce matin ? Moins mal au coude ?

Elle m'a enfin décroché un sourire en se rappellent son mensonge matinal. Pas trop tôt, madame visage tout froissé.

- Ouais et toi ? 

- Tranquille. Tu voulais me parler d'un truc ?

Louka m'a jeté un coup d'oeil blasé, comme si j'avais posé une question débille. 

- C'est un peu délicat. D'ailleurs c'est pour ça que je voulais qu'on se capte dehors, comme ça je peux m'enfuir si jamais. 

J'ai du me retenir de rigoler en imaginant Louka partir en courant au beau milieu de la discussion. Elle le ferait sans hésiter. Mais son air amusé est parti en même temps que le vent se levait. C'était peut être mon imagination mais tout d'un coup j'avais presque froid. 

- J'ai entendu ta discussion avec Doums ce matin, j'aurais pas du rester à écouter mais je pouvais pas.

J'ai baissé les yeux. Incapable de croiser son regard. Louka réussirait toujours à m'intimider. Dire que je côtoie des top model mais devant elle je bégaye comme un idiot. C'était sa façon d'annoncer les choses avec une sincérité désarmante. Même si ça devait faire mal, elle le disait. Et j'avais peur de la tournure que notre discussion pouvait prendre. 

- Faut que je sois honnête avec toi Ken mais je veux pas détruire ce qu'on a, alors promets moi de pas t'énerver. 

- Promesse du petit doigt.