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KEN SAMARAS

L'odeur des hôpitaux me dégoutait. La lumière et la blancheur m'éblouissait et j'avais le cœur serré d'imaginer Louka ici. Louka c'était la lumière, le bruit, le rire, la chaleur, les taches... tout un monde contraire de cet endroit aseptisé et froid. 

Je me suis arrêté devant sa porte. Une infirmière s'occupait d'elle, penchée et concentrée à lui planter une aiguille dans le bras. J'ai grimacé en la voyant avec une minerve et immobilisée. Elle a finit par sentir mon regard et m'a observé. Ses yeux étaient d'abord dénués d'émotion, mais elle a finit par me sourire. Un tout petit sourire mais qui m'a bouleversé. C'était ma Louka ça. La seule de mes copines capables de me faire des sourires pendant qu'elle est transfusée. Je suis sortie pendant que l'infirmière finissait ses soins. Elle a finit par sortir. 

- Elle est très fatiguée. Evitez de rester trop longtemps.

J'ai hoché de la tête. Je crois qu'elle m'a reconnu. J'espérais qu'elle allait pas raconter à tout le monde qu'elle avait vu Nekfeu au chevet d'une fille mais honnêtement c'était le dernier de mes soucis. Je suis entrée dans la chambre. Louka somnolait à moitié. Je me suis assis à ses côtés. Pour la première fois, j'ai pris le temps de l'observer vraiment. Le truc c'est que Louka haïssait qu'on la regarde et je n'avais jamais pris le temps de vraiment la regarder. Parce qu'à première vue, elle était belle. C'était indéniable. Mais c'était un genre de beauté qu'il faut pleinement apprécié. Elle avait cet air un peu à côté de la plaque qui faisait qu'on ne pouvait que l'adorer. Tout cela faisait oublier le reste.

J'ai détaillé son visage qui semblait en paix et je me suis surpris à caresser ses cernes doucement avec mon pouce. Comment j'avais pu ne pas voir à quel point elle était épuisée ? Elle se plaignait tout le temps de ses cernes. Pourtant on aurait dit des galaxies sous ses yeux. Ses cernes étaient violettes, bleues et presque jaune. Ses taches de rousseur complétaient le tableau telles des étoiles. Tout son visage était un univers dans lequel on ne pouvait que se perdre. Elle était magnifique et pourtant détruite. A cause de moi. 

Comme si elle pouvait lire dans mes pensées, elle a murmuré :

- Je t'en veux pas Ken. T'étais pas dans la voiture. 

J'ai attrapé sa main et quand ses grands yeux noirs m'ont fixé, je me suis senti ridicule. 

- Je l'ai quitté. Je suis tellement désolé Louka. 

Les cris de Léna quand je lui disais que c'était finit me sont revenus en tête. Puis ses aveux. Elle m'avait menti et comme le plus gros des cons, je l'avais cru. Moi qui dans chacun de mes sons me vantait de faire confiance à mes gars, de jamais les trahir, j'avais préféré croire une fille que je connaissais depuis peu plutôt que Louka. La brune a soupiré lentement. 

- Je suis soulagé que tu ne m'en veuille pas, je regrette tellement Lou, je suis désolé. 

- J'ai dis que je t'en voulais pas pour la voiture. Je t'en veux de pas m'avoir cru Ken. 

J'ai accusé en silence. Je comprenais. Même Louka et sa bonté ne pouvait pas laisser passer ça. J'ai serré sa main. 

- Le docteur a dit que je dois rester au repos pendant au moins un mois. J'ai faillis lui dire que c'est compliqué avec mon entourage. 

Elle a rigolé doucement avant de grimacer. 

- Putain ça fait super mal aux côtes. 

J'ai serré sa main plus fort. Même là elle rayonnait avec ses bandages et perfusion. 

- Je vais prendre soin de toi Louka. Je peux t'aider. J'ai plein de temps libre, je vais demander aux docteurs comment prendre soin de toi et pas te laisser seule. Je serai là aujourd'hui, demain et tous les matins du monde s'il faut.

Elle a serré sa main en retour. On est restés ensuite silencieux. On avait pas besoin de parler. On se suffisait. Son sourire ne me faisait pas oublier ses yeux scintillants à cause des larmes que j'avais en parti causé. On aime pleurer autant que rire, pourquoi fallait il qu'on pose cette base ? Même sans parler je savais que Louka pensait à ses rêves de gymnaste brisés. J'en étais en parti responsable et je m'en voulais tellement. Au bout d'une trentaine de minutes, elle a finit par s'endormir. L'air enfin paisible. Je suis resté encore quelques minutes pour s'assurer qu'elle dormait bien, puis je me suis levé doucement avant de lui jeter un dernier regard. 

J'ai traversé les couloirs rapidement. La lumière me semblait encore plus forte qu'à l'aller et ça me brisait le coeur de laisser Louka ici. J'avais l'impression que je pouvais la perdre. Il y avait toujours eu une face cachée chez Louka, un quelque chose qui donnait l'impression qu'on ne pourrait jamais tout savoir d'elle. On aurait dit qu'elle nous narguait en nous faisant prendre conscience dès notre première rencontre qu'elle était la définition même d'évanescence. Lorsqu'on croyait l'avoir cerné, elle se dérobait en réalité plus. Et ce soir là, plus que tous les autres soirs, j'avais l'impression que je pouvais la perdre. 

Dehors, il faisait déjà nuit. J'ai suivi la Seine, pendant plus d'une heure, en silence, incapable de penser. Je savais que si j'ouvrais le flot de mes pensées, je pourrais me perdre dedans. L'accident de Louka faisait remonter tout un tas de pensées sombres. Perché sur les bords de la Seine dans l'obscurité d'une nuit sans étoile, je contemplais ma propre noirceur, jusqu'à m'y perdre. Je n'avais que très peu de certitude mais je savais que Louka, en ce moment, devait surement faire face à ses vieux démons et contemplait le même ciel sombre que moi. Je n'avais qu'une envie : que le jour se lève pour aller la voir et qu'on reste dans la lumière ensemble. 

Mes pas m'ont amené jusqu'à mon studio. J'ai attrapé un vieux carnet qui était resté sur la console et j'ai cherché dans la poche de ma veste un stylo noir. Je me suis installé dans le canapé pour ensuite commencer à gratter. La nuit allait être longue. 

Vers trois heures du matin, je suis allé me chercher un café. L'inspiration m'était revenu et j'étais plutôt content de ce que j'écrivais. J'ai fouillé partout dans le studio pour retrouver mon téléphone, je voulais demander à Diaby de me rejoindre. Je pouvais facilement imaginer son visage s'il voyait mon visage et j'entendais déjà les remarques qu'il allait me faire quant à mon organisation catastrophique. Heureusement qu'il était là pour me recentrer, parce que sans lui, je me comportais parfois comme si j'avais encore seize ans. J'ai trouvé mon téléphone dans ma chaussure. Je ne me souvenais pas de l'avoir rangé ici mais je devais avouer que c'était plutôt malin comme idée de rangement. Alors que j'allais envoyer le message à Diaby, des notifications ont attiré mon regard. 

La plupart des jours, j'avais envie de me couper du monde et jeter mon téléphone

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La plupart des jours, j'avais envie de me couper du monde et jeter mon téléphone. Mais lorsque je recevais ce genre de messages, je reconsidérais mes options. J'ai relu les messages avant de lui répondre en souriant. 

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Docteur Ken en action👍

Vénéneuse - NEKFEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant