17

1.1K 34 5
                                    

LOUKA CASTELLE

Cela faisait deux semaines que j'étais sortie de l'hôpital et j'avais évité tout le monde. J'avais éteint mon téléphone et balancé je ne sais où dans mon appart. Il ne faisait que trente mètres carrés mais apparemment c'était suffisant pour le perdre. J'avais finis par fusionner avec mon canapé. Avant, rester sur netflix toute la journée me rendait folle parce que j'avais l'impression de l'avoir gâché. Maintenant j'en avais plus rien à faire. J'avais acheté ce canapé orange et difforme seulement soixante dix euros sur Le Bon Coin et je n'avais jamais réalisé à quel point il était confortable. Un investissement vraiment rentable.

La seule personne que je voyais était Ken. Il était venu un matin et avait toqué. J'avais d'abord fais la morte. Mais cet imbécile de grec était tétu et avait crié que j'étais en béquille et je pouvais pas aller bien loin. Je lui avais ouvert la porte et avait fait de même tous les jours suivants. On ne parlait pas vraiment. On était juste seuls ensembles. On regardait des films, jouait à la play et lisait.

Aujourd'hui il m'avait rejoint à l'heure du goûter et avait apporté des pains au chocolat. Il est sorti de la cuisine avec des tasses dans les mains.

- Le thé pour deux âmes solitaires.

Je l'ai remercié avant de retourner à ma contemplation du ciel bleu dehors. Ça m'enrageait. Je voulais que le temps soit à mon image : maussade.

Du coin de l'œil j'ai observé le grec se laisser tomber sur le canapé. Je m'en voulais un peu de pas faire d'effort. Il venait tous les jours pour me forcer à manger, regarder des animés, boire du thé à la menthe, alors qu'il passait ses nuits au studio et taffait sur son album. Et en échange, il avait droit à une fille qui tirait la gueule.

Le pire c'est que je n'étais même pas énervée, triste ou quoi. Je me sentais vide. Les premiers jours, j'avais été triste. Mais ça m'était vite passé pour laisser place à un grand vide. J'étais comme absente de mon propre corps. Au début, j'avais cru que rien ressentir m'apaiserait mais en réalité c'était effrayant de sentir ce vide s'installer plus profondément en moi.

Ken s'est penché par dessus moi pour attraper la télécommande et mettre sur pause mon épisode. J'ai grogné, c'était l'épisode crossover des Totally Spies avec Martin Mystère quand même. Martin Mystère c'était mon premier crush et je pouvais même pas me consoler en regardant ses beaux cheveux.

- Tu regardais même pas.

Bien vu l'aveugle, j'avais juste besoin d'un bruit de fond pour pas écouter mes pensées. Le grec a reprit, gardant son air malicieux.

- Moh organise une soirée ce soir. Tu viens.

- Tu rêves dans tes rêves toi.

Ken a gardé son air joueur. Son regard a parcouru mon corps enveloppé dans un plaid.

- Tu vas me faire croire que t'as mieux à faire ?

J'ai haussé des épaules.

- Je dois me laver les cheveux pour enlever les miettes de pain au choc que j'ai dans les cheveux.

- J'osais pas te dire que tu en avais. Mais tant mieux comme ça tu sera toute belle.

J'ai levé les yeux au ciel. Il parlait trop lui. Il a tiré mon plaid et attrapé mes béquille, j'ai frissonné car je ne portais que le t-shirt de mon cousin et un short de gym.

- Sympa le t-shirt Saboteur. Maintenant à la douche la miss.

- Ken, j'ai pas envie de voir des gens.

Ma voix était devenue craintive, presque suppliante. J'avais l'impression de revenir deux ans en arrière, quand la vue des gens m'était devenue insupportable, tellement j'étais absorbée par ma douleur. Voir des gens heureux alors que j'étais en train de voler en éclat me rendait folle. L'expression de Ken s'est radoucie. Il m'a aidé à me lever et m'a accompagné à la salle de bain en me soutenant. Je ne sais pas pourquoi je me suis laissée faire.

Il m'a installée dans la baignoire. Je l'ai regardé avec curiosité.

- Je vais te préparer. Je suis un pro tu vas voir.

J'ai grimacé quand l'eau a coulé sur moi, mouillant mon t-shirt et mon short. Je me suis demandée pourquoi j'avais accepté qu'il me lave les cheveux, qu'on partage cette intimité qui était nouvelle à mes yeux. Des mauvaises langues auraient dit qu'il tentait de se racheter. Mais Ken était profondément désintéressé.

Je l'ai observé attraper le shampoing et masser délicatement mes cheveux. L'odeur de cerise à remplit la pièce. J'ai souris devant son air concentré et ses gestes doux. Lorsqu'il a remarqué mon sourire, il m'a envoyé une pichenette qui a fait voler du shampoing.

- Te moque pas la miss.

J'ai ricané. Je suis ensuite sortie de la douche. Un peu en galère à cause de ma jambe. Ken m'a tendu une serviette.

- Je te laisse t'habiller.

J'ai hoché de la tête avant de réfléchir à ce que je pouvais mettre. J'ai finis par opter pour un pull rouge avec un jean ample et noir. J'ai laissé de côté le maquillage et j'ai ensuite laissé mes cheveux sécher naturellement.

Lorsque je suis retourné dans le salon, Ken était avachi sur le canapé, un carnet dans sa main. Je ne voulais pas le déranger mais le bruit de mes béquilles la fait se redresser.

- T'es mims comme ça.

- T'es pas mal non plus.

Il a refermé son carnet. Je me suis avancée dans le salon pour attraper mes barrettes rouges qui traînaient sur la table basse. Je me suis ensuite assise devant le grand miroir pour me coiffer. Les rayons du soleil qui commençait, me brulaient le dos. A moins que ça ne soit le regard du grec. Je voyais le regard de Ken, dans le reflet, qui suivait mes gestes. Nos regards se sont accrochés et j'ai souris doucement.

Il s'est levé pour m'aider à me redresser. J'avais toujours aucune envie d'aller à la soirée de Moh, mais pour la première fois depuis deux semaines, je me sentais apaisée. Dans la voiture, Ken m'a fait écouter de la musique grecque. Ken chantonnait par dessus la musique et je rigolais doucement et m'amusais à le taquiner.

Des klaxons et des cris m'ont fait revenir à la réalité. Brisant la douceur des chants grecs et de la voix de Ken.

- Paris c'est épuisant.

Ken à détourné le regard de la route pour m'observer. Dans la nuit, son visage seulement éclairé par le feux rouge, semblait plus grave. Mais son sourire en coin offrait un contraste chaleureux. Il a monté le son de la musique et ma adressé un clin d'œil.

- Je t'emmènerai un de ces quatre dans le village de mon grand-père. Tu verras, là-haut c'est calme.

Je lui ai tendis mon petit doigt et il a tendu le sien, scellant sa promesse.

☆☆☆

Qui poste un chapitre alors que
sa grand mère lui hurle dessus pour
aller à l'aéroport et qu'elle est déjà
en retard ?

Muchos besos <3


Vénéneuse - NEKFEUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant