9 - Anne-So, la salope !

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À la pause de 13 h le lendemain, Anne-So m'a pris à part pour que je lui raconte la séance de cinoche. On parlait à voix basse, comme deux conspirateurs. Quand j'ai eu fini, elle avait l'air à la fois excitée et en colère :

- Non mais tu te rends compte ! Ils vous font subir un conditionnement aversif !

C'est la première fois que j'entendais cette expression, mais ça collait parfaitement à ce qu'on avait vécu : une tentative pour nous faire décrocher du porno en associant douleur et dégoût à des images X.

- Peut-être, mais si ça peut nous aider...

- Vous n'êtes pas des chiens qu'on dresse, merde ! Que fais-tu de ton libre arbitre !?

- Oh, tu sais, jusqu'à présent...

- C'est pas la question. Ce truc est risqué, sans même parler des problèmes d'éthique que ça pose.

- Comment ça ? l'ai-je interrogé, soudain mal à l'aise.

- De quel droit décident-ils de ce qui est bien ou mal ? Présenter le triolisme, les rapports lesbiens ou l'amour de groupe comme séditieux, ça revient à vous imposer leur morale sexuelle. C'est de la manipulation mentale !

Anne-So avait élevé la voix jusqu'à quasiment crier. J'ai jeté un coup d'œil inquiet aux alentours ; personne ne semblait faire attention à nous.

- Fais gaffe, Patrick ! m'a-t-elle soudain lancé en m'agrippant le bras. Je ne participerais plus à aucune expérience de ce genre, si j'étais toi !

- Pourquoi ? Ça marche pas ?

- Au contraire, ça marche même très bien... Sauf que là, on parle de techniques AVERSIVES de modification du comportement, d'altération de la personnalité. Ça peut avoir des effets secondaires totalement dévastateurs !

Avant que je ne puisse lui demander des détails, Anne-So avait tourné les talons. Lorsque j'ai fait mine de la suivre, je me suis aperçu qu'on nous observait. Gandalf, accoudé aux baies vitrées de la salle commune !

Depuis quand était-il là, et qu'avait-il entendu notre petite conversation ?

Deux jours plus tard, alors qu'on finissait notre petit-déj sur la terrasse, je me suis rendu compte qu'Anne-So manquait à l'appel. Avait-elle fait le mur après avoir trompé la vigilance des G.O. ? Marianne semblait au courant de quelque chose, et visiblement elle mourrait d'envie de partager son secret. Dès que nous nous sommes retrouvés entre nous, je l'ai interrogée sur l'absence de sa camarade.

- Elle s'est fait virer du stage...

- Hein ? Mais quand ça ?

- Hier soir !

Cinq paires d'yeux ont immédiatement convergé vers notre mascotte blonde.

- On était sur le point d'aller se coucher. Elle avait à peine ouvert la porte que Gandalf lui sautait dessus, un carnet de notes à la main et un minuscule appareil photo en prime. Tout ça, ça appartenait à Anne-So... si c'est vraiment son prénom.

- Quoi ?

- C'est une journaliste, Patrick ! Elle s'est inscrite sous une fausse identité pour écrire un article sur New Life et sa cure miracle.

- Je le sentais depuis le début ! s'est exclamé Ludo. Y avait un truc qui sonnait faux chez cette nana. Ses histoires de cul n'étaient pas crédibles !

Je restais dubitatif de mon côté. Les relations équivoques avec son père, sa haine contre cette mère qui faisait semblant de ne rien voir mais couvrait tout... Il y avait de tels accents de vérité dans sa voix ! OK, il s'agissait d'une intello et elle en savait plus long que quiconque sur la prise en charge et le traitement des addictions sexuelles. Mais rien ne prouvait qu'elle se soit infiltrée parmi nous pour pondre un papier à sensation.

- Ils lui ont piqué ses photos, mais c'est pas ça qui l'empêchera de sortir un reportage, a dit Christian, un gars qu'on n'entendait pas très souvent vu qu'il passait son temps à loucher sur Marianne. J'espère juste qu'elle changera les prénoms...

« Changer les prénoms... » Cette simple phrase a suffi à répandre la terreur dans mon esprit. Et si Anne-So était réellement journaliste ? Et si elle déballait nos thérapies de groupe pour faire mousser son papier ? J'imaginais déjà le titre de l'article : « Mon stage chez New Life », avec un luxe de détails graveleux sur nos vies et ce qui nous avait conduits jusqu'ici... Merde ! Et moi qui n'avais avoué que le dixième de mes turpitudes à Nathalie ! J'imaginais ma femme en train d'apprendre le reste, en lisant un magazine chez son coiffeur ou son esthéticienne...

- Oh putain ! La salope !


Mon stage chez New LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant