5 - Mise en route... et ses vices

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La méthode proposée par Gandalf et ses sbires s'appuyait sur quelques règles simples, dont l'abstinence volontaire et la restriction des contacts avec l'extérieur. Elle impliquait également trois conditions préalables. Tout ça était expliqué en long et en large dans le manuel du parfait disciple, qu'on nous avait distribué après le départ du groupe précédent et demandé d'apprendre par cœur :

1er préalable : chaque participant est réputé s'être inscrit à ce stage de son plein gré. Ça partait mal ; j'aurais jamais foutu les pieds ici s'il y avait eu un autre moyen de ramener ma femme à la maison.

2ème préalable : chaque participant admet qu'il n'a plus aucun contrôle sur ses addictions sexuelles et que sa vie est devenue ingérable. Ben disons que si Nathalie était moins suspicieuse, j'y serais peut-être mieux arrivé, à gérer ma double (voire triple) vie...

3ème préalable : l'objectif primordial de chaque participant est de retrouver le contrôle de sa vie. Tu m'étonnes ! Et aussi celui de ma femme, par la même occasion.

Du côté des règles, ça reprenait grosso modo les interdictions classiques d'une cure de désintoxication :

- Durant quatre semaines, ne pas quitter sans autorisation le périmètre du lieu de stage (fastoche, on avait laissé nos clefs de bagnole à Gandalf et il n'y avait pas un bled à 20 km à la ronde)

- Respect du « couvre-feu technologique » (pas de portables, d'accès internet ni même de pigeons voyageurs)

- Sobriété absolue (aucune incitation à la débauche, ni encouragement, ni participation à aucun acte sexuel y compris avec des personnes consentantes).

- Obéissance : suivre sans discussion les directives et recommandations des encadrants, en qui le stagiaire a toute confiance pour le guider vers le but qu'il s'est lui-même assigné. (Aïe, là il y avait au moins deux ou trois affirmations dont on pouvait sérieusement douter...)

- Tout manquement pouvant se solder par l'exclusion immédiate et définitive, sans que le centre New Life soit tenu de rembourser le moindre centime.

En clair, l'instauration d'une belle dictature... Une discipline militaire s'est d'ailleurs rapidement imposée au centre, contribuant à la ritualisation immuable de nos journées.

On dormait chacun dans notre petite piaule dénudée (le style ambiant chez New Life, assez monacal comme je l'ai déjà dit), les mecs dans l'aile nord, les nanas dans l'aile ouest, plus petite. Le lever avait lieu vers 6 h du mat' - le bordel monstre, en début de stage ! - puis on était invités à venir prendre notre petit-déj' dans la salle commune, vêtus de nos robes de bure (le premier jour, je m'étais marré comme un bossu : on aurait dit une bande de séminaristes autour d'un Chaussé aux Moines !)

Bien que copieuse, la nourriture n'était pas top - thé et café à profusion, pain noir et beurre salé. On avait droit également à notre dose de « compléments alimentaires », des petites pilules censées nous aider à gérer le manque (anxiolytiques, antidépresseurs et probablement antibandaison). Ensuite on nous dirigeait vers les douches collectives (unisexes, malheureusement), où on nous laissait une demi-heure pour nous récurer.

Vers 7 h 30, on assistait à notre premier « groupe de parole », assis tous en cercle autour de Gandalf. En gros, une psychothérapie collective où l'on devait se flageller pendant des plombes sur ce qui nous avait conduit au culte du toujours plus. Et il y avait une séance de ce genre tous les matins ! Je ne vais pas vous infliger les détails, mais c'est sûr qu'on ne se sentait pas très fiers de nos embrouilles de couples, de nos relations tordues et des exploits commis dans nos boîtes respectives...

Marianne, par exemple, nous a avoué avoir fait le tour de tous les cadres de sa société avant de se faire surprendre sous un bureau. Dommage pour elle, le patron de la boîte, c'était son mari, et forcément elle s'était fait lourder comme une malpropre. La petite blonde jouait à celle que ça fait marrer, mais on sentait bien qu'au fond d'elle-même elle en avait gros sur la patate.

Quand nous avions suffisamment exprimé notre honte et notre dégoût de nous-mêmes, Gandalf nous laissait enfin nous traîner jusqu'à nos cellules, où l'on restait prostrés jusqu'au déjeuner.

À midi, retour à la salle commune pour une bouffe macrobiotique sans saveur (la vache ! Ils auraient pu au moins nous filer du pinard et du fromage, avec ce qu'on casquait !). Après ce qu'ils avaient le culot d'appeler un « repas », on sortait dans la cour accompagner les fumeurs, dragouiller les nanas du groupe, taper la discussion à propos de tout et n'importe quoi pourvu que ça n'ait aucun rapport avec le stage.



Mon stage chez New LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant