1. Scary Monsters (And Super Creeps)

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Steve Harrington se redressa dans son lit. La sueur perlait sur son front, le manque d'air lui brûlait les poumons. Ses yeux hagards fouillaient frénétiquement chaque recoin de sa chambre plongée dans le noir. Il l'avait vu. Vecna était encore venu le hanter. La sensation des mains enserrant sa gorge avec force l'oppressait encore. Il sentait les larmes brûler ses yeux. Lentement, il effleura son cou en tremblant. Rien.

Reprenant difficilement sa respiration, il se concentra sur les conseils de Nancy. Inspirer, expirer. Se focaliser sur un élément concret, sentir son corps et se sentir « dans » son corps, comme elle disait. Steve fixa l'accroc au milieu de sa couverture tout en passant ses doigts tremblant le long de ses jambes. Il touchait chaque partie de son corps avec détresse, s'accrochant à la réalité. La sensation des poils sous sa paume, de sa chaleur. Le relief des cicatrices, des grains de beauté.

- Je suis dans ma chambre, je suis chez moi, je suis chez moi, murmura-t-il dans une litanie incessante.

Il était loin de Vecna. Loin de l'Upside down et de l'air saturé de cendres. Les mains d'Henry ne se refermaient pas sur sa gorge, il ne fouillait son esprit. Il ne torturait pas ses ami.es. Il ne forçait pas Steve à regarder. Steve était dans sa maison, dans sa chambre, dans son lit et nulle part ailleurs. Il était là, ici et maintenant.

La cicatrice sur son ventre le lançait, lui rappelant cruellement la réalité. Bon nombre de fois, il aurait aimé se réveiller et constater que tout ceci n'était qu'un cauchemar. Mais la douleur le ramenait toujours sur terre, au spectre de Vecna planant toujours sur eux.

Steve étouffait. Sur le mur, la silhouette des arbres se mouvait doucement, projetées par le lampadaire. Semblables aux longs doigts fins de Vecna. Il avait besoin d'un verre d'eau. De prendre l'air. De sortir de sa chambre oppressante. De s'éloigner des ombres dansantes de la nuit.

D'un pas chancelant, il se leva et se dirigea vers la porte. Le couloir plongé dans le noir était calme. Comme toujours. Seul le bruit étouffé de ses pas raisonnait. Lentement, il longea l'escalier menant au hall. Le silence de cette maison lui pesait autant que ses cauchemars récurrents. Le sol froid sous ses pieds l'ancrait davantage à la réalité et il eut enfin l'impression de sortir de sa torpeur. Le poids de sa poitrine s'apaisa tout comme sa respiration angoissée. Il posa une main contre le mur et passa la seconde sur son visage. Il détestait la nuit. Le jour lui permettait de s'échapper temporairement mais les traumatismes ressurgissaient dès que le soir se montrait. Il hésita à éclairer l'escalier mais il connaissait par coeur cette maison.

Ses pieds foulèrent le carrelage de l'entrée et il frissonna. Il faisait froid pour un début d'automne. Peut-être aurait-il dû mettre ses chaussettes. Mais il n'avait pas envie de remonter dans sa chambre immédiatement. Il pénétra dans le salon. Silencieux, comme le reste de la maison. Il aperçut sur le canapé une silhouette plongée dans le noir. Steve alluma la lumière et se dirigea vers la cuisine pour remplir deux verres d'eau. Il retourna sur ses pas et passa devant le buffet. Sa tête faisait vraiment peine à voir. Il posa un verre sur la table basse et passa sa main dans ses cheveux dans une vaine tentative de se recoiffer.

- Encore des cauchemars ? demanda-t-il en connaissant déjà la réponse.

Il s'assit doucement. Eddie hocha la tête. Le jeune homme serrait ses genoux contre sa poitrine, le regard vide et fatigué. Steve esquissa une moue désolée, bien qu'il n'y puisse pas grand-chose. Depuis l'Upside down, la mort frôlée d'Eddie, le coma de Max, depuis tout ce chaos, le groupe partageait des terreurs nocturnes bien similaires. Eddie était sans doute le plus concerné par les cauchemars -tout comme Max. Pas une nuit ne passait sans qu'il ne se lève. Il errait jusqu'au salon où Steve le retrouvait endormi au petit matin. Sa mort le hantait.

Il avait failli y rester dans l'Upside down. Son cœur s'était arrêté plus d'une minute. Si Nancy ne lui avait pas fait de massage cardiaque, si El ne l'avait pas réanimé, s'ils ne l'avaient pas traîné jusqu'au portail et à l'hôpital, il n'aurait pas survécu. Bien qu'il fournisse de nombreux efforts pour la bande, Steve voyait bien que, dès qu'il était seul, Eddie redevenait un zombie. Comme Will quand il était revenu d'entre les morts. Steve ne pouvait qu'être témoin de la situation, sans réellement savoir que faire. Comment aider quelqu'un qui est presque mort, déchiqueté par des Démobats ? Peut-être que Will pourrait lui parler. Il était en quelques sortes passé par là.

Steve posa doucement main sur l'épaule de son ami qui sursauta. Il le fixa un instant d'un air vide avant de se rappeler où il était. Il esquissa un sourire épuisé.

-Tu me dragues Harrington ? plaisanta-t-il mollement.

En temps normal, si quelqu'un d'autre faisait la même plaisanterie, Steve aurait retiré sa main. Mais il commençait à intégrer les mécanismes d'Eddie Munson.

- Comment tu vas ?

Eddie changea rapidement d'expression. Il ressemblait davantage à l'ancien Eddie. Celui d'avant l'Upside down. Celui qui sautait sur les tables en se donnant en spectacle.

- Si tu commences à me faire des avances je ne pourrais pas résister, tu sais ? poursuivit-il toujours sur le même ton.

Steve conserva son air sérieux. Même si c'était parfois difficile avec son ami. Il savait qu'il ne faisait que se protéger, derrière cette façade.

- Tu as le droit d'aller mal Munson.

Toute trace d'humour déserta le visage de l'autre. Eddie sembla rapetisser soudainement, se refermant sur lui-même.

- Comment tu vas ? réitéra-t-il.

Il plongea sa tête entre ses bras.

- Mal Harrington. Je vais mal, répondit-il d'une voix tendue. Ça me bouffe.

Steve se pencha sur la table basse et saisit les verres d'eau. Il en posa un sur la main d'Eddie, le poussant à sortir de sa carapace. Ce qui sembla fonctionner puisqu'un visage émergea de la masse de cheveux avant de prendre le verre et de le vider d'une traite.

- Tu aurais pu mettre quelque chose de plus fort, grimaça-t-il.

Steve laissa échapper un petit rire avant de se lever pour prendre dans le buffet une bouteille de bourbon que son père ne boirait probablement jamais. Il en versa un fond dans chaque verre et revint s'assoir. Munson trempa les lèvres et sembla satisfait quelques secondes avant de replonger dans son épuisement continu. Steve le laissait parler en premier. Il voulait qu'il vienne à lui, qu'il ait envie de s'ouvrir. Après quelques minutes, Eddie contempla la lumière qui se reflétait dans son verre.

- J'ai ... l'impression qu'elles me dévorent chaque nuit. Je me réveille à cause de la brûlure de chaque cicatrice que ces sales bestioles ont laissée. C'est comme si elles revenaient fouiller mes tripes pour m'achever.

Steve l'écoutait attentivement, ne comprenant que trop bien la situation. Même si ce n'était pas la même chose. La brûlure de ses propres cicatrices lui rappelait continuellement ce qu'ils avaient vécu. Il n'osait même pas imaginer la douleur que ressentait Munson.

Ce dernier vida son verre en frissonnant. Plus que le froid, les souvenirs traumatisants le hantaient. Steve se leva lentement et fit le tour de la table basse. Il attrapa un plaid sur le second canapé et revint vers son ami. Il le déplia et le posa les genoux d'Eddie qui releva la tête. Sans un mot, Steve appuya sur le bouton de la télécommande et chercha un film à regarder. Il trouva un programme et s'installa à son tour sous le plaid. Eddie ne l'avait pas lâché des yeux. Il tourna la tête vers lui et lui offrit un sourire fatigué.

- Quitte à être réveillés, autant s'occuper, déclara Steve.



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Scary Monsters (And Super Creeps) - David Bowie

Concernant le titre, j'ai longuement hésité avec "The Man Who Sold The World" de Bowie (1970) reprise par Nirvana en 1983 qui a une connotation particulière pour moi, et je trouvais que ça collait particulièrement cette histoire. Mais "Nothing Else Matters" de Metallica était juste une évidence, malgré l'anachronisme (sortie en 1992), je n'ai pas résisté.
J'essaie de faire en sorte que chaque chapitre porte un titre de chanson, que les paroles fassent écho.

Je déteste Wattpad concernant la mise en page, ça me donne envie de hurler.


Nothing Else MatterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant