8. Hold The Line

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Le film était bien. Poltergeist et Alien restaient indétrônables mais Eddie l'appréciait. Ils avaient fini de manger. Le soupir d'aise poussé par Harrington lui assura qu'il avait apprécié le repas. Son air satisfait lui donnait l'envie de cuisiner plus souvent. Il n'était pas un as des fourneaux, mais il se sentait capable d'apprendre s'il pouvait encore voir cette expression.

A sa grande surprise, Steve regardait le film sans broncher. Même les moments terrifiants ne lui arrachaient aucun sursaut. Eddie était presque déçu. Après l'Upside Down, peu de choses pouvait les effrayer. Harrington avait presque l'air de s'ennuyer. Mais son hôte était trop poli pour interrompre le film. Il était sérieux et attentif. Cela lui donnait envie de le taquiner.

Eddie s'étira, lentement, de tout son long. Son t-shirt remonta, dévoilant une large partie de son ventre. Sans avoir besoin de vérifier, il sentit les yeux de son ami s'attarder sur sa peau nue. Il relâcha son corps sans pour autant remettre en place son vêtement. Une fois sûr de son attention, il tourna la tête pour l'observer. A sa grande surprise, l'autre ne détourna pas le regard.

Quelque chose avait changé. Lorsqu'Eddie le surprenait à le fixer, Harrington détournait le regard. Au départ, il s'en amusait. Il aimait le troubler, voir son teint se colorer sous l'embarras. Mais, depuis quelques temps, Steve avait cessé de faire semblant. Il laissait ses prunelles sombres embraser Eddie, le détaillant parfois sans dire un mot.

Au début, il avait attribué cela à l'inquiétude. Steve l'avait couvé depuis leur retour de l'Upside down. Il faisait attention à chaque geste, chaque intonation, chaque parole. En le côtoyant, il avait appris que le grand "King Steve Harrington" égocentrique était à l'écoute, attentif, bienveillant. Il aimait ce côté inattendu qu'il avait découvert. Bien qu'il eut préféré le connaître en d'autres circonstances. Ce qui aurait d'ailleurs été impossible.

Les regards appuyés, les coups d'œil et ses attentions s'étaient intensifiés. Eddie avait surtout remarqué que sa manière de l'observer avait changée. Il ne s'agissait plus uniquement de camaraderie ou d'amitié. Il lisait autre chose. Il préférait faire taire ses pensées les plus audacieuses. Leur contact visuel s'interrompit lorsque son ami tourna la tête en direction d'un hurlement dans le film.

Eddie était frustré. Il aimait ces moments de répit que lui offrait son regard chaud. A chaque fois, il en voulait plus. Toujours plus. Il allait retourner au film quand Steve bougea. Il observa du coin de l'œil sa main courir sur le canapé, effleurant sa nuque. Eddie se figea. Steve Harrington venait-il de glisser son bras derrière ses épaules ?

Il n'osait plus bouger, de peur qu'il ne se déplace. Il continuait à le regarder, sans esquisser le moindre geste. Se faisait-il des idées ? Il avait peut-être simplement envie de s'installer plus confortablement sur le canapé. Eddie se gifla mentalement. Harrington était bien trop tendu lui aussi pour qu'il s'agisse de confort. Il fixait la télévision, ses doigts tapotaient légèrement le cuir derrière lui, son pied battait une cadence imaginaire. Eddie chassa cette idée.

Il fallait qu'il cesse de se voiler la face. Quelque chose se passait entre eux. Si Harrington avait amorcé le premier contact, il fallait qu'il y réponde. Lentement, il se redressa et escalada à moitié Steve pour attraper ce qu'il cherchait sur le guéridon, au bout du canapé. Il aurait juré voir le visage de son ami virer au rouge. Une fois son butin attrapé, il retourna à sa place. Mais plutôt que de s'assoir, Eddie posa sa tête sur les genoux d'Harrington et allongea ses jambes sur le reste du canapé. Il avait l'impression qu'il allait se liquéfier.

Harrington se crispa un instant avant de se détendre. Il plongea ses yeux interrogatifs dans les siens. Grands dieux. Il était si beau. Eddie sourit et présenta le joint qu'il avait roulé plus tôt dans la soirée.

- Ça te dit ?

Il acquiesça et ses doigts effleurèrent ceux d'Eddie lorsqu'il prit la cigarette pour l'allumer. La flamme fit valser un instant les ombres sur son visage. Il inspira et pencha la tête en arrière pour expirer lentement la fumée. Il tira de nouveau avant de lui passer le joint. Il l'imita. Une sensation de bien-être l'emplit sans qu'il ne sache si cela était dû à sa position, à l'herbe, ou aux deux.

Ils reportèrent leur attention sur le film. L'un des adolescents tentait vainement de se cacher. Le clown démoniaque surgit. Une fois repérée, il fondit sur sa proie et Steve sursauta. Sa main quitta le canapé pour saisir les doigts d'Eddie. Il l'observa, surpris. Sa poigne se resserra alors qu'il fixait l'écran. Tout son corps était en train de se raidir. L'angoisse n'était que trop familière à Eddie.

S'il attendait une réaction quant au film, il ne pensait pas à celle-ci. Mais cela devait éveiller des souvenirs. Wheeler et Henderson lui avaient rapidement fait un débrief concernant ce qu'ils avaient vécu dans l'Upside down. Il abandonna le joint dans le cendrier pour caresser doucement la paume de son ami.

Le contact sembla le ramener doucement à la réalité. Steve baissa les yeux et prit subitement conscience de la pression qu'il exerçait.

- Merde, Munson. Je suis désolé, je t'ai fait mal ? s'affola-t-il.

Il amorça un mouvement pour retirer sa main mais Eddie le retint en secouant la tête.

- Tout va bien, Harrington. Tout va bien.

Sans le lâcher des yeux, Eddie entrelaça de nouveau ses doigts aux siens. Il ne parvenait pas à regarder ailleurs. Son ami le laissa faire en l'observant. Il voulait se noyer dans ces yeux sombres qui le fixaient. Son pouce continua de caresser doucement l'intérieur de sa paume.

Malgré tout le déni dont il avait pu faire preuve jusqu'alors, Eddie concéda que la sensation provoquée par chaque contact n'était pas celle d'une relation purement amicale. Tout comme les battements irréguliers de son cœur. Et la manière dont Steve l'observait ne laissait que peu d'interprétation. Il avait pu, à de maintes reprise, voir comment il agissait avec ses ami.es.

La tête posée sur ses genoux, le regard plongé dans le sien, sa main dans la sienne. Eddie admit définitivement qu'il était amoureux de Steve Harrington.

Il se redressa soudainement. Admettre était une chose, accepter en était une autre. Sous le regard stupéfait de son ami, il se leva sans un mot et se dirigea vers la cuisine. Eddie ouvrit la porte menant au jardin et sortit. Il avait besoin d'air frais. Il parcouru le terrain en quelques enjambées, éclairé par le projecteur extérieur. Les mains tremblantes, Eddie roula une nouvelle cigarette. Aussi fébrile que la flamme de son briquet, il l'alluma et inspira un grand coup. Il laissa la fumée envahir ses poumons.

Il aimait Steve Harrington. Il. Aimait. Steve. Harrington. Bordel




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Hold The Line - Toto

"Hold the line" est une expression qui signifie maintenir sa position, ce qui signifie que l'auteur dit à la fille de maintenir leur relation existante, de tenir bon. Elle signifie également Rester en ligne.Dans une interview de 2015, David Paich a déclaré: "When I was in high school, all of a sudden the phone started ringing off the hook, and I had a situation where I was at the dinner table and I had three girls all call at the same time, so all the lights were flashing. I was kind of juggling girlfriends, and that's how that came about." : "Quand j'étais au lycée, tout à coup le téléphone a commencé à sonner, et j'avais une situation où j'étais à la table du dîner et j'avais trois filles qui ont toutes appelé au même moment, toutes les lumières clignotaient, j'étais une sorte de jongleur, et c'est comme ça que ça s'est passé."J'aime cette idée

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