4. Runnin' With The Devil

93 7 4
                                    


Steve arriva bel et bien en retard. Mais il avait pris le temps de déposer Munson chez le disquaire. Hors de question qu'il lui arrive quoique ce soit uniquement à cause de sa négligence. Il préférait de loin subir le courroux de son amie. Il poussa la porte du vidéoclub et fut accueilli par le grognement de Robin, affalée sur le comptoir. Il n'y avait pas un chat.

- Tu es encore en retard, reprocha-t-elle.

- Merci Robin, je n'étais pas au courant. Méfie-toi, tu mets de la bave partout.

Elle lui répondit en levant son majeur et il sourit. Il déposa son offrande devant elle et franchit le battant du cube réservé aux employé.es.

- C'est pour ça que je suis en retard, il y avait la queue.

Robin se jeta sur la boîte avec un cri de joie et s'empara de l'un des donuts multicolores. Le sucre adoucissait les humeurs.

- Tu peux arriver autant en retard que tu veux, Harrington. Si tu t'excuses comme ça à chaque fois, dit-elle la bouche pleine.

Steve rit en enfilant son gilet. Il checka les tâches de la journée, puis la liste des arrivées. Cinq cartons de nouveautés venaient d'arriver. A l'approche du weekend, les réservations de films se faisaient plus nombreuses. Ils rentreraient probablement en retard, vendredi. Les gens adoraient venir juste avant la fermeture. Même avec le peu de monde ce jeudi, Robin et lui seraient occupé.es une bonne partie de la journée. Ils se répartirent le travail. Robin chercherait les réservations tandis qu'il attaquerait les cartons.

Laissant son amie aux ravissements du donut, il fouilla dans la pile de papier en vrac - signature de Robin - afin de trouver le bon de livraison. Une fois débusqué, Steve essaya tant bien que mal de la défroisser en pénétrant dans la réserve. Robin n'était clairement pas une As du classement. Il se demandait comment elle s'en était sortie au lycée. S'il n'avait jamais été un maniaque du rangement, il passait presque pour quelqu'un d'ordonné à côté d'elle.

Alors qu'il entamait le premier carton, il pensa à Eddie. Quel type de film regardait-il ? Probablement des films d'horreur ? Il l'imaginait, assis en tailleur, devant Shining ou Poltergeist. Ça lui allait bien. Aimait-il d'autres genres ? Il pourrait peut-être en louer un du dernier arrivage. Il s'installa et commença à les répertorier. Tout comme choisir un film pour le weekend.
Après une heure de dur labeur, Steve s'étira longuement. Il n'avait rien trouvé d'intéressant et sa position réveillait son mal au dos. Son canapé était visiblement trop inconfortable pour y dormir à deux. Cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas apprécié. Depuis l'automne 1983, les cauchemars ne quittaient plus ses nuits. Rares étaient les fois où il parvenait à dormir plus de quelques heures, agité par les traumatismes. Il s'était endormi avant Munson. Sa présente le rassurait.

De manière générale, il était plus serein depuis que son ami avait emménagé chez lui. La grande maison vide, où Barbara avait disparu et était morte, le terrorisait. Eddie Munson calmait son esprit. Dans un certain sens tout du moins. Il releva la tête et sursauta violemment. Robin se tenait juste derrière lui, mâchant silencieusement un autre donut en plissant les yeux.

- Bon sang Robin, préviens quand tu arrives !

- C'est l'heure de la pause, annonça-t-elle simplement haussant les épaules.

Steve reprit son souffle après avoir frôlé de peu la mort. Il étira ses jambes avant d'envisager de se lever. Robin sauta par-dessus le carton et s'assit en tailleur devant lui, un air concentré flanqué sur le visage. Il le sentait mal. Très mal. Lorsqu'elle le regardait ainsi, son esprit carburait à toute vitesse et l'analysait sans vergogne.

Nothing Else MatterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant