19. Dream On

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Cela faisait maintenant huit jours. Huit longs jours durant lesquels Steve évita soigneusement de croiser Eddie.

Les premières 48h avaient été faciles. Mais plus il inventait des excuses pour fuir, plus il sentait le poids s'alourdir. Le matin était plus facile. Ou moins difficile à supporter. Il faisait le petit déjeuner et laissait la part d'Eddie sur la table, se pressant pour partir rapidement.

Le soir était plus compliqué. Sa hâte qui le motivait toute la journée s'était muée en malaise à l'idée de rentrer. Il trainait un maximum au magasin, faisait des détours pour ramener Robin. Il lui était arrivé de rester un quart d'heure dans sa voiture. Dès qu'il passait le seuil de chez lui, il attrapait de quoi manger et prétextait un mal de crâne ou la fatigue.

Le cinquième jour, il croisa le regard blessé d'Eddie qui ne lui répondit pas. Il se sentait coupable. Mais il n'arrivait pas à lui faire face. Il se sentait terriblement honteux. Il avait embrassé son épaule. Sa nuque. Il avait complètement dérapé. Ce n'était pas à lui d'être ennuyé par la situation. C'était lui qui avait tout foutu en l'air. Comme d'habitude.

Il entra dans le vidéoclub d'un pas las. Robin était déjà en train de regarder les retours du jour. Elle haussa un sourcil en voyant son ami.

- Le grand Steve Harrington nous honore enfin de sa présence.

Eddie semblait avoir compris ses manigances et s'était levé plus tôt, probablement pour le croiser. Il était donc resté cloîtré dans sa chambre. Ce qui l'avait bien évidemment mis en retard. Steve se traîna jusqu'au comptoir et se laissa choir sur la chaise. Il n'avait pas la tête à répliquer.

- Salut, marmonna-t-il mollement.

La journée passa rapidement. Le jour d'Halloween, tout le monde voulait son film d'horreur. Aux alentours de 16h, le flot de clients s'était amenuisé et il put s'occuper des retards. Il était en train d'écrire le nom de Mme Davis, qui avait oublié de rendre « Flashdance », quand une main se posa à côté de son travail.

- Tu comptes m'expliquer pourquoi tu es insupportablement désespéré depuis une semaine ? Ou tu préfères continuer à geindre seul dans ton coin, histoire de me casser les oreilles ?

Steve posa sa tête sur le comptoir dans un bruit sourd. Le cerveau survolté de Robin pourrait peut-être l'aider à trouver une solution. Ou alors elle pourrait aussi l'achever. Probablement les deux.

- J'ai merdé, Robin. J'ai vraiment merdé.

Elle s'assit en tailleur, la feuille de pointe en main – au cas où Keith se pointerait – prête à l'écoute. Elle adorait les potins. Particulièrement lorsqu'il s'agissait d'informations croustillantes concernant la vie amoureuse de son meilleur ami.

- Raconte-moi tout, n'omets aucun détail.

- Robin, c'est vraiment pas ... C'est sérieux.

Le désespoir dans sa voix indiquait un cas de crise. Elle posa sa feuille sur ses genoux et s'installa davantage.

- Ok. Je t'écoute.

Il gratta le stylo, les yeux baissés.

- Le soir du concert ...

- Vous avez dansé, oui ? Je ne vois pas pourquoi tu as refusé de m'en parler toute la semaine.

- J'ai voulu l'embrasser.

Robin retint un cri de joie en constatant sa mine désespérée.

- Il est parti.

Bon sang. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre.

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