Destin et Festin - Tome 1

Chapitre 10 : Entremêlé

Le corps gisant, mon visage est enfoui dans des draps satinés. Incapable de bouger, je reste paralysée sur le ventre à attendre que mon heure vienne. Je me sens comme déconnectée. Ma conscience s'échappe de ma chair en niant toute trace de blessure interne et externe. Les doux traits souriant de Gabriel et de ma mère transpercent mon esprit. Réconfortant et plein de tendresse ainsi soit ce souvenir. Je sais que je n'abandonnerais pas aussitôt l'idée de m'offrir ma liberté et continuerais à échapper à ce destin néfaste.

Toujours les yeux fermés, j'entends une porte s'ouvrir puis claquer suivi de bruit de pas qui se rapproche. Un soupir envahit la pièce avant de sentir des mains me retourner sur le dos. Mon visage est caché par ma crinière ébouriffée alors que quelque chose s'enfonce dans mon ventre. Il m'arrache un gémissement de douleur avant que je ne comprenne que c'est mon traitement pour ma maladie. Ma respiration se calme et une injure s'échappe des lèvres de l'homme présent dans cette pièce. Je comprends rapidement qu'il est en train d'appeler quelqu'un quand il se met à parler tout seul.

- Pronto ? Si, Alejandro in che stato è ? Che cosa è successo ?!

Allo ? Oui, Alejandro dans quel état elle est là ? Il s'est passé quoi ?!

- (...)

- Cazzo, non ho tempo da perdere con Octavio, poursuit Méga. Toglietelo dalla mia vista, non voglio verdelo nel cabaret, è chiaro ?!

Putain sans déconner, je n'ai pas de temps à perdre avec Octavio. Tu me le dégages, je ne veux plus le voir dans le cabaret, c'est clair ?!

- (...)

- Bene. Portate Madison.

Bien. Amène Madison.

Les mains de mon kidnappeur passent ensuite sous mon dos et mes jambes pour me transporter. Ma chevelure bouge et laisse entrevoir mes yeux qui plongent dans les siens. Son bleu azur se marie avec mon gris électrique jusqu'à ce que mes yeux décident de fuir ce contact visuel. Il me dépose ensuite dans sa baignoire et ramène mes cheveux en arrière avant de s'agenouiller près de moi. Ses bras se croisent sur le rebord de la faïence et sa tête se pose dessus. Son regard me contemple toujours avec un peu plus d'intensité. Tout se fige autour de nous comme si l'espace-temps nous défiait. Je me sens alors prisonnière de notre langage optique qui est beaucoup trop intense pour mon rythme cardiaque. Je le sens beaucoup plus délicat, d'un ton sérieux, il échappe à son sourire qui d'habitude arbore son visage.

- Be careful lady, prononce-t-il d'une voix suave.

Ne t'inquiète pas lady.

Les larmes dévalent mes joues sans qu'aucune commande ne daigne répondre et elles se transforment alors en pleurs incessant qui transperce ma voix. Mes gémissements embuent la pièce et ma vue se brouille en sentant le sel me piquer les yeux. Sa main charnue se dépose alors sur ma tête quand de douces caresses tentent de me calmer. Des coups distincts sonnent sur la porte avant que Méga n'autorise d'entrer en s'écartant de moi. Madison entre et son visage se décompose en voyant l'état dans lequel je suis. Son silence signifie qu'elle connait déjà la cause et son regard s'attarde ensuite sur son patron.

- Mi prendero cura di lei, déclare-t-elle.

Je vais m'occuper d'elle.

Méga sort de la pièce sans un mot alors que l'infirmière s'empresse de me prendre dans les bras. J'enfouis ma tête dans son cou pendant qu'elle me caresse l'arrière du crâne dans un silence que seul mes plaintes brisent. Ma respiration s'emballe mais Madison attrape mon visage pour me canaliser et elle se met à prendre de grande inspiration comme pour me montrer l'exemple. Mes iris se noient dans les siennes tandis que mon attention est gagnée à l'intention de mes angoisses. Elle finit par ouvrir le robinet pour que le bain se remplisse et j'agrippe son poignet en lui faisant signe que je suis toujours habillée. Malgré tout, elle continue et ajoute diverses savons et fragrance qui enivre rapidement la pièce.