Prologue

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Les doigts prêts sur les touches et la souris, je n'arrête pas d'attaquer alors que mon équipe se fait descendre un par un. Je souffle à répétition quand je réalise que mes ennemis prennent du terrain sur la carte. La partie risque d'être très rapidement écourtée au vu des joueurs avec qui je suis tombée. J'entends Mattew insulter l'équipe adverse et me donner des directives pour que nous essayons de sauver la partie. Il manque de me briser un tympan au passage en s'énervant dans le micro ce qui a le don de me faire plisser les yeux comme si cela allait atténuer ses haussements de ton.

Je m'arrête brusquement et me fait tuer quand j'entends aussi quelqu'un s'énerver en bas. Je ne saisis pas très bien ce qu'il se passe quand ma mère se met à crier des phrases incompréhensibles. J'écarquille les yeux en enlevant mon casque et écoute attentivement. Mon cœur fait un soubresaut quand quelque chose se fracasse au sol. Rapidement, je reviens sur discord en quelques clics.

- Mattew, je coupe mon micro, je suis hors ligne. Y'a un problème en bas, je reviens !

- Oui, traine pas ! Je t'attends.

Je coupe mon micro sans réfléchir et me précipite dans les escaliers à pas de loup. Je sens des palpitations monter en moi lorsque je comprends que mes parents sont en train de se disputer violemment. Ça ne leur était jamais arrivé. J'ai bien dû assister quelques fois à des disputes mais je ne m'étais jamais réellement inquiétée pour eux. Ils ont toujours su se réconcilier sans que les choses ne s'enveniment. Je dois admettre que la situation a l'air très grave et je ne sais pas quoi faire pour qu'ils s'arrêtent. Ma gorge se nouent pendant que je continue de descendre lentement les marches.

- Je n'en peux plus de ces conneries Maria ! De tout ça ! De toi ! Et oui, je t'ai trompé ! Si tu étais plus présente à la maison, je n'aurais jamais été amené à faire ça ! s'exclame mon père.

Mon cœur s'arrête de battre durant un instant. Partagée entre la douleur et le dégout profond, les larmes me guettent et je ne peux m'empêcher de poser une main sur ma bouche choquée.

- Comment peux-tu dire une chose pareille ! Tu sais très bien que je n'ai pas le choix de faire les nuits parfois avec l'hôpital ! Et comment peux-tu me tenir pour responsable de ton manque de fidélité ?! Après autant d'années passées ensemble ?! Ta fille, notre fille est juste au-dessus à l'étage ! Comment peux-tu nous faire ça à elle et à moi ?!

Les mots déblatèrent entre les pleurs et la respiration saccadée de ma mère. Mon corps se met à trembler, incapable de bouger à nouveau. Des perles salées me coulent le long des joues et je n'arrête pas de ressasser tout ce qu'il a pu se passer ces derniers mois pour que nous en arrivions là. Mes parents ont toujours été heureux ensemble et jamais rien n'a laissé supposer que leur couple allait si mal. A moins qu'ils aient toujours essayés de me protéger de leurs problèmes.

La colère monte en moi plus folle que jamais. J'ai beau réfléchir et me meurtrir le cerveau à la recherche du moindre indice mais je ne trouve rien. Mon père a choisi lâchement de nous trahir pour une bête partie de jambe en l'air. Il n'a l'air d'éprouver aucun remord d'avoir agi comme le pire des connards. Rien ne justifie son acte. Même pas l'absence de ma mère qui se tue au boulot pour nous. Il travaille en tant que professeur de mathématique et à eux deux, leur salaire et moi-même, ils ont tout ce qui leur faut.

- Ça fait des semaines que je crève d'envie de t'en parler Maria ! J'ai juste rencontré quelqu'un d'autre qui me fait à nouveau vibrer, qui me fait sortir de cette putain de routine qui est devenue ma vie. Je peux encore plaire aux femmes et faire ce dont j'ai envie !

- Mais tu te fou de ma gueule ?! Si tu tenais tant que ça à faire ce dont tu avais envie et courir après les conquêtes, tu n'avais pas à me foutre en cloque et te marier avec moi connard !

- A la base je te prenais pour une pute ! Pour simplement m'amuser ! hurle mon père.

Mon sang ne fait qu'un tour et je me mets à dévaler les escaliers sans réfléchir. Lorsque j'arrive dans le couloir où ils se tiennent, je le pousse violemment. Il percute le meuble derrière lui de plein fouet alors que j'en ai encore les mains qui tremblent. Je n'arrive plus à sentir le bout de mes doigts comme si ma force avait été décuplée. Je n'ai même pas senti son poids sous ma paume en le poussant. L'adrénaline me martèle tellement les tempes que j'ai l'impression d'entendre le passage de mon sang dans mes veines.

- Je t'interdis de lui parler comme ça ! hurlé-je à pleins poumons.

Encore sous le choc, mes parents ne bougent pas. Paralysés par la honte et la surprise évidente. Ma poitrine se lève dangereusement à un rythme anormal alors que je ne décroche pas mes yeux de celui qui fut jadis mon géniteur. La personne qui se tient en face de moi, les yeux écarquillés et le regard semblable à un fou échappé d'asile n'est pas mon père. Je refuse d'y croire. Il a peut-être été remplacé par quelqu'un d'autre ou matrixé par une bande d'ovni. Peut-être même qu'il va se mettre soudainement à rire et nous dire que c'était une blague.

Mes épaules s'affaissent peu à peu quand je réalise la dure réalité des choses. Mon père se redresse avec le regard plus furieux que jamais et ma mère se met devant moi. Il attrape à la volée une valise derrière la porte que je n'avais pas remarqué. Mon cœur bat si fort à cette vision déchirante que j'appréhende déjà ce qu'il s'apprête à faire. Au même moment, Plumette descend les marches de l'escalier visiblement curieuse du boucan que l'on fait. Elle s'approche de mes jambes et s'y frotte alors que les sanglots me prennent au vif. Je l'attrape dans mes bras et agrippe son pelage soyeux pendant qu'elle se met à ronronner.

- Ni toi, ni ta mère ne me méritez. Ce chat c'est papa qui te la ramené pour te faire plaisir et c'est comme ça que tu me remercies ? Petite ingrate, dit mon père d'un ton cinglant.

Il s'approche dangereusement, ma mère barrant toujours le passage. Comme si sa présence n'était d'aucune valeur, il la pousse contre le mur et m'arrache le chat des bras. Le regard furieux et dévastateur de mon père me terrifie à m'en brûler la peau. J'essaye de l'empêcher de prendre Plumette et de la garder contre moi. Elle se hérisse de tout son poil en sentant les énormes mains charnues de mon père et se débat de toutes ses forces. Mais il est bien plus fort que nous deux et parvient à me la priver. Dans un cri aigu, mon chat me griffe violemment le haut de la poitrine avant de finir dans les bras de mon père.

- Bon sang Luigi ! Rends-lui ! Tu n'as pas le droit de l'emmener avec toi ! s'écrie ma mère en s'avançant vers lui.

- Toi reste à ta place si tu ne veux pas que je l'étrangle. Le chat vient avec moi, vous gardez la maison. C'est bien plus qu'équitable.

Lorsqu'il ouvre la porte et s'échappe, ma mère tente de le rattraper. Je reste figée à fixer le trottoir que j'aperçois dans l'entrebâillement de la porte qui s'arrête dans mon champ de vision. Un bruit assourdissant résonne dans mes tympans comme si mon esprit s'était mis en mode veille. Je ne reviens à moi-même que lorsque ma mère rentre à nouveau et se laisse glisser le long de la porte fermée. Son visage se déforme par la douleur qui doit la déchirer de l'intérieur. Cette vision sonne comme un électrochoc dans tout mon corps et je fonds en larme en la rejoignant. Elle me tire dans ses bras tandis que je la serre fort dans une souffrance partagée. La maison me parait à présent géante comme si une part des habitants nous avaient quittés pour toujours avant que je ne réalise que c'est réellement ce qui vient de se produire.

Destin et Festin - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant