Chapitre 41 : Invitation

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Le liquide coule dans le fond de ma gorge alors que je marche d'un pas pressé vers le sous-sol. Les escaliers empestent comme si on avait laissé moisir un millier de petites bêtes. Des relents menacent de rajouter une décoration au sol alors que je finis par éructer. Je balance violemment le verre que je tenais dans la main comme s'il ne valait rien et il s'écrase en plusieurs morceaux. Les débris croustillent sous la semelle de mes chaussures tandis que j'atteints la cellule. Ils ont réussi à me retrouver. Je ne pensais pas qu'ils en seraient capables. Sur les lieux, je n'ai vu que les hommes de main de Méga et Alejandro. Le principal concerné n'était guère présent. Une raison de plus à lui en vouloir. Il n'est même pas capable de se tenir devant moi et assumer ce qu'il a fait. Il a préféré envoyer son bras droit qu'il a tout droit jeté dans la gueule du loup. Mais je suis certaine qu'il est fier de sa piètre intervention car à cause de lui, nous avons été contraints de déménager dans la seconde résidence de Francesco. Avec les explosions, les morts et notre position à découvert, nous ne pouvions pas nous permettre de rester sans risquer qu'il ne revienne. Mais je ne comprends pas comment a-t-il fait pour découvrir où nous nous trouvions.

Lorsque mes mains se posent sur les barreaux, j'aperçois le corps suspendu d'Alejandro. La tête ballante, il se trouve sur la pointe des pieds alors que ses poignets sont attachés au-dessus de sa tête. Son torse est mis à nu, sali par les plaies et le sang. Des hématomes parsèment sa peau meurtrie. Quand je sors la clé de la cellule et la tourne dans la serrure, son visage se redresse lentement. J'approche alors qu'une odeur de sang séché règne principalement au cœur de la geôle. En plongeant mes yeux dans les siens, j'entrevois la confusion mélangée à la frustration et la haine. Je ne peux m'empêcher de décocher un rictus ironique avant d'attraper sa mâchoire. La tension monte entre nous alors qu'une bouffée de hargne grandit dans ma poitrine. Mais je tente de ne pas céder à mes pulsions à mesure où nous nous fixons sans la moindre parole. Je prends soin alors d'essuyer de mon pouce, le bord de sa lèvre tachée de sang.

- Natacha, qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? demande-t-il d'une voix rauque.

- Ce qu'ils m'ont fait ? Ça c'est la meilleure ! ricané-je ironique.

- Je ne comprends pas.

Je relâche soudainement son visage et frotte ma main contre mon top à bretelle. D'un air excédé, je balance ma tête en arrière en soupirant. Pendant que je continue à lui parler, je commence à marcher calmement autour de lui.

- Par pitié ! Arrête de me prendre pour une abrutie. Je sais tout.

- Francesco a dû se faire un plaisir de tout t'expliquer.

- Bien évidemment. Pendant tout ce temps vous vous êtes servie de moi. Moi qui commençais à te voir autrement que celui qui m'avait salie dès le premier jour.

Les sourcils froncés, son regard est fuyant. Il parait honteux de la situation, prêt à se cacher sous une table pour éviter mes yeux brûlants d'amertume. Alejandro essaye de chercher ses mots tant il est déboussolé.

- Je ne voulais pas... Natacha, j'espérais me racheter-...

- Auprès de qui ? Auprès de moi ou du seigneur ? Tu as honte de ce que tu as fait ? Alors que pendant des mois durant, tu n'as jamais cessé de me regarder dans les yeux et de me mentir ouvertement pour cacher le plan de ton enculé de patron.

- J'ai essayé de le raisonner de nombreuses fois alors que j'ai aussi tenté de te mettre en garde, souffle-t-il.

- Me mettre en garde ? Tu appelles ça me protéger ? Au cours d'une journée banale, me dire de me méfier ou de faire attention, comment voulais-tu que je t'écoute ? Bordel Alejandro, je vivais avec cet homme ! J'avais confiance en vous deux.

Destin et Festin - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant