Tome 3 : LOVE ME

11 - AARON

  Je sais ce que c'est mon putain de problème. J'ai compris d'où venait ce foutu blocage la concernant. Je m'en doutais probablement un peu au fond mais là, je l'ai bien réalisé et de façon assez violente. En la voyant avec Nate, j'ai réalisé que je n'étais pas obsédé par elle dans le seul but de coucher avec ou de pouvoir la prendre dans mes bras. À vrai dire, j'ai compris en la voyant être heureuse ce week-end auprès de son cliché de copain que ce qui me rendait heureux, vraiment heureux, c'est son sourire. Sa joie de vivre, ses yeux qui brillent de bonheur. Toutes ces fois où rire a l'air d'être la chose la plus simple qu'elle puisse faire.

  Bordel, c'était tout ce que je voulais éviter et me voilà complètement dépendant d'une autre personne. Elle me demanderait n'importe quoi, je le ferais les yeux fermés. Elle pourrait me briser le cœur d'un regard si l'envie lui prenait, je suis à sa merci. Je me suis juré de ne plus jamais être aussi faible que j'ai pu l'être par le passé, je me suis promis de ne laisser personne m'approcher pour ne jamais faire autant de mal qu'on m'en avait fait. Pourquoi faut-il toujours que je sois si faible ?

  Alyssa est heureuse avec Nate, plus qu'elle ne l'a jamais été. Quand elle est arrivée chez moi, elle fuyait Jayden, elle était terrifiée et sur la défensive. À cette époque elle était anéantie, complètement détruite et souffrait d'avoir laissé sa vie derrière elle. Ensuite, après avoir utilisé Maddy pour lui faire du mal, elle était en colère. Elle était tellement blessée qu'elle a fait des choses qu'elle n'aurait jamais faites en temps normal et c'était de ma faute. Je l'ai rendue heureuse un certain temps probablement mais ça n'a pas duré. Je finis toujours par tout faire de travers et blesser les gens que j'aime comme mon père avant moi. Quand ce n'est pas ma sœur que je blesse, ce sont mes amis. Et puis Alyssa finit toujours par pleurer, quoique je fasse. Là, avec Nate, j'ai l'impression que vivre est facile pour elle. Plus que lorsqu'elle était avec moi et qu'elle devait partager ma souffrance et mes démons. J'en viens presque à me demander si je ne devrais pas la laisser une bonne fois pour toute. C'est vrai, ça fait un moment que je suis revenu et à part la mettre en colère, je n'ai rien fait de plus que lorsque je n'étais pas là.

  Mes pensées partent dans tous les sens depuis que je suis revenu de Milwaukee. Je ne l'ai pas revu et c'est peut-être mieux comme ça, cette fille me rend complètement dingue à la longue.

  Je sors de ma douche et grimace lorsque mon genou me rappelle à l'ordre. Médicalement parlant, porter cette emmerdeuse lorsqu'elle s'est fait mal à la cheville était une erreur. Elle n'est pas lourde mais je ne peux pas vraiment me permettre de soulever quoi que ce soit encore moins sur des sentiers en terre qui demande trop d'efforts pour ma jambe. Je me sèche et enfile un short avant d'ouvrir l'armoire à pharmacie à la recherche d'un Doliprane ne supportant plus la douleur. Je fouille nerveusement parmi les boîtes de cachets et bloque en trouvant les antidouleurs que je prenais il y a longtemps. Je relis l'étiquette plusieurs fois, sentant mon coeur battre un peu plus vite.

  J'ai mal, et pas qu'au genou. J'ai mal partout. Tout le temps. Ma tête me lance, mon cœur semble être complètement cassé et ma jambe me fait physiquement souffrir. Je suis fatigué et croule sous les remords. Il faut que je me fasse à l'idée de rester loin de l'emmerdeuse pour son bien et pour le mien et je crois bien que cette fois le chagrin est insurmontable. Je prends les deux derniers cachets de la boite que j'avale à l'aide d'un peu d'eau et reste accroché au lavabo.

  Le silence, c'est tout ce que j'entends depuis la fin du week-end à Milwaukee. Ce même silence aussi angoissant que rassurant. Je me concentre sur ma respiration, sur la sensation du marbre froid entre mes mains. Je relève la tête, croise mon propre regard et n'arrive pas à penser à autre chose que le mot « injuste ». J'ai l'impression que malgré tous les efforts que j'ai fournis, la vie ne m'a laissé aucune chance. J'étais dès le départ destiné à en prendre plein la gueule et ça ne manque pas. Plus je me regarde, plus je me déteste. Comment ai-je fait pour ne pas réussir à faire mieux bordel ? Pourquoi est-ce que je suis toujours au point de départ des années plus tard ? Je ne suis plus prisonnier des sévices de mon père et de mon impuissance mais j'ai toujours l'impression d'être au sol et de ne pas pouvoir répliquer alors qu'il se tient au-dessus de moi. J'étouffe et l'air ne revient pas, ça fait des années que j'étouffe comment je suis censé survivre ? Dans ma tête je serre encore Hope dans mes bras en lui disant que tout s'arrangera, je vois encore ma mère détourner le regard alors qu'il se dresse au-dessus de moi. Il est grand et bien trop fort et je suis trop petit et effrayé.