Tome 3 : LOVE ME

33 - AARON

J'observe les gens s'amuser dans les vagues, les gamins courir sur le sable faisant la joie de leurs parents et aujourd'hui, après une semaine ici, je me sens bien.

  Zack aurait adoré, il n'aurait pas été déçu par le voyage. Je joue du bout des doigts avec sa gourmette que je porte au poignet et retrace les lettres qui forment son prénom. J'aurais préféré ne jamais avoir à lui dire au revoir et encore moins en me tenant devant sa tombe. Il a sauvé la vie de Samuel ce soir-là mais il a aussi sauvé la mienne bien avant. Je relève la tête fixant l'horizon et soupire, j'aurais aimé pouvoir le remercier pour tout ce qu'il a fait.

Sans que je n'ai besoin de tourner la tête, je devine que c'est Alyssa qui vient s'asseoir silencieusement à côté de moi dans le sable. Je me détestais tellement que je ne savais plus comment aimer mais elle, je crois que je sais exactement comment l'aimer désormais.

Alyssa m'a fait accepter le fait que le monde extérieur était différent de celui que j'avais toujours connu au sein de ma maison. Après avoir passé tant d'années à souffrir, c'était difficile d'admettre qu'avoir mal n'était pas une obligation, que le voisin d'en face lui, ne souffrait pas et que ma seule erreur avait été de naître du mauvais côté de la rue. Il m'a été difficile de reconnaître que les autres avaient eu le droit à une belle enfance et que ce n'était pas de ma faute si j'en avais été privé.

Alyssa m'a aidé à encaisser cette réalité que je me refusais depuis des années. Elle a, par sa présence, su faire taire la douleur que je m'infligeais. Aujourd'hui, je ne veux pas mourir, je veux simplement vivre là où à une certaine époque chaque réveil était une épreuve de plus.

Je n'arriverai jamais à comprendre comment est-ce qu'elle a fait pour m'aimer. Pour voir au fond de mes yeux que je n'étais pas le monstre que je fixais dans le reflet du miroir. Elle a su voir là où j'étais complètement aveuglé par ma colère et ma peine, par ma frustration et ma culpabilité.

Je n'arriverai jamais à comprendre comment elle y est parvenue mais ce qui est sûr c'est que je lui serais éternellement reconnaissant d'avoir réussi là où moi-même j'avais échoué alors même que le combat se déroulait dans ma propre tête.

Elle pose sa tête sur mon épaule et je suis effrayé. J'ai peur à l'idée que ma sœur va avoir un enfant, que Zack ne sera plus jamais là et que mes amis prendront peut-être un autre chemin que le mien. J'ai peur de perdre Alyssa, qu'elle cesse de m'aimer un jour ou que mes mots la blessent trop fort lors d'une dispute anodine. Mais, je suppose que c'est ça de vivre. Avoir peur tous les jours mais se rassurer chaque nuit en dormant auprès de celle qu'on aime. C'est être complètement effrayé mais se réjouir plus fort encore de chaque sourire, chaque rire, chaque instant qui passe. Vivre c'est comprendre que notre temps est compté et donc apprécier plus profondément chaque minute qui nous est donnée. Vivre c'est aussi avoir mal, c'est souffrir mais réussir à revenir, à se raccrocher aux petits détails qui nous ont fait aimer vivre hier pour affronter demain. Vivre c'est accepter de pouvoir faire des erreurs et réussir à faire mieux.

— Je t'aime.

Alyssa relève la tête en m'entendant le dire. Elle ne me verra pas partir cette fois, si je l'aime c'est pour toujours. Je plonge dans son regard et y perçoit autant de peur qu'en moi, ça me rassure qu'elle ait peur parce que ça prouve qu'elle m'aime en retour.

— Je t'aime aussi, Aaron.

Je regarde ses lèvres n'arrivant pas à croire que des mots si simples puissent avoir un tel effet. Je souris en sentant mon coeur battre un peu plus fort et la renverse en arrière dans le sable la faisant rire.

— L'emmerdeuse dans toute sa splendeur.

Je la sens sourire alors que je l'embrasse et j'en ai la certitude, je suis prêt à vivre maintenant qu'elle est là.

— Tu es sûre de pouvoir m'aimer ? demandé-je mal assuré après un court instant de réflexion. Je veux dire que...tu sais, il y aura toujours cette partie de moi qui appartenait au gosse de douze ans qui se faisait taper dessus par son connard de père et toutes ces merdes.

Elle me regarde dans les yeux avec ce sourire rassurant qui lui est propre tout en jouant du bout des doigts avec les cheveux à l'arrière de ma tête.

— J'aime toutes les parties de toi.

— Vraiment ? M'étonné-je.

Elle hoche la tête et je fronce les sourcils n'arrivant pas à la comprendre. Elle aime tout de moi ? Même la pire facette de ma personnalité, celle qui me fait être impulsif et avoir des réactions excessives ? La partie qui fait de moi un vrai connard ?

— J'ai tenu tête à la partie de toi arrogante et dotée d'un ego surdimensionné alors crois moi, je suis en capacité d'aimer chaque trait de ta personnalité, plaisante t-elle l'air fière.

— Personne ne me tient tête, je me vante en sachant très bien que ça parviendra à l'embêter.

Elle attrape ma mâchoire d'une main et fait une moue adorable qui me rappelle à quel point je suis faible.

— Quand tu prends cette voix grave et assurée pour me dire que personne ne te tient tête, je pourrais presque être intimidée, se moque-t-elle en retour.

Je l'embrasse dans le cou la faisant rire alors qu'elle tente de me repousser et quand je me redresse elle secoue la tête comme si ce qu'elle s'apprêtait à dire était une évidence.

— Bien sûr que je suis sûre de pouvoir t'aimer, Aaron Wade.

— Très bien alors, aime moi.

Je la mets au défi et je vois dans ses yeux qu'elle est plus que prête à le relever. J'espère qu'elle est bien accrochée parce que me détester c'était facile, me pardonner ça l'était un peu moins mais m'aimer, ça va être épuisant. Je ne doute pas de ses capacités à y arriver, je n'ai jamais douté de ses capacités parce que c'est probablement l'emmerdeuse la plus tenace que je n'ai jamais connu.

Elle est celle que j'aime de tout mon coeur, de toute mon âme. Putain, je n'ai jamais aimé aussi fort quelqu'un. Je suis tombé amoureux sans pouvoir rien y faire. Mon cœur s'est remis à battre, il bat pour une autre personne.

J'aime Alyssa Foster, aujourd'hui et pour toujours.