The Assassins - T3. Le limbe d'or

1. Zari

Le silence qui régnait dans la forêt semblait peser une tonne. Zari pouvait le sentir appuyer sur sa poitrine. Il l'écrasait et rendait sa respiration douloureuse. Il lui donnait l'impression qu'elle avait perdu l'ouïe et la raison par la même occasion.

Pieds nus, elle avançait lentement tout en regardant autour d'elle. Ses orteils s'enfonçaient légèrement dans la terre gelée, rendant chaque pas plus difficile que le précédent. Lorsqu'elle marcha sur une feuille morte, elle leva son pied et frotta les morceaux qui collaient à son épiderme, puis elle repartit, tout aussi prudemment. Elle ne voyait personne, pourtant elle avait la sensation d'être observée. Elle sentait la charge de milliers d'yeux sur sa peau.

Il faisait froid. Si froid que lorsqu'elle expira, une fumée blanche s'extirpa hors de sa bouche. Elle frotta vivement ses mains sur ses bras dans l'espoir de se réchauffer, sentant à peine le contact.

Soudain prise d'une quinte de toux, elle se pencha en avant et mit sa main devant sa bouche. Elle se sentit alors paniquer. Elle ressentait la brûlure dans sa gorge, les vibrations dans sa poitrine, mais elle ne s'entendait pas. De la même manière que l'écrasement de la feuille morte ne s'était accompagné d'aucun bruit.

Zari claqua les doigts de sa main droite à côté de son oreille et l'absence de bruit la terrifia.

Derrière elle, un changement subtil s'effectua dans l'atmosphère. Sans regarder en arrière, Zari se mit à courir. Elle était persuadée que quelque chose la pourchassait. Lorsqu'elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, son pied heurta une masse dure et elle tomba en avant. La tête dans la terre, elle gémit et poussa sur ses bras pour se redresser. Elle fit volte-face et fronça les sourcils en n'apercevant que des arbres. Pas de monstre. Puis elle baissa le regard.

Ses yeux s'écarquillèrent et son cœur se fissura. Elle avança maladroitement à terre, jusqu'à la masse qui l'avait fait tombée. Malgré sa peur, elle tendit la main. Ses doigts agrippèrent un tissu noir et elle tira dessus. Le cadavre tourna et retomba sur le dos.

Zari voulut crier, mais aucun son ne sortit. Elle secoua le corps sans vie de Kassyen pour essayer de le réveiller, ignorant ses yeux grands ouverts qui n'étaient animés par aucune lumière. Elle hurla dans le silence, encore et encore, en espérant que sa voix parvienne à guérir ses oreilles.

Mais rien ne changea.

Zari se réveilla en sursaut, le corps trempé de sueur et la respiration erratique. Elle s'assit en tailleur et rejeta les couvertures. Frappée par la fraîcheur que rencontra sa peau humide, elle serra ses bras contre sa poitrine.

Au bout d'un moment, lorsqu'elle eut réussit à se calmer, elle se leva et attacha ses cheveux en passant une main sur sa nuque pour décoller les mèches qui y étaient collées. Elle s'enveloppa ensuite dans une grande chemise noire qui ne lui appartenait pas et s'assit face à la cheminée.

Le nez collé au tissu, elle observa la danse des flammes en combattant son envie de casser quelque chose.

Elle détestait se sentir mieux grâce à son odeur. Enfin, elle se disait qu'elle détestait cela. Elle n'était plus vraiment sûre de rien maintenant. Étais-ce la réalité ou une illusion qu'elle avait créé pour s'empêcher de ressentir quoi que ce soit ?

En tout cas, il y avait une chose qu'elle avait réussi à admettre au cours des dernières semaines.

Kassyen lui manquait terriblement.

Son absence avait laissé un vide avec lequel Zari avait du mal à vivre. Avec lequel elle n'était pas sûr de vouloir ou même de pouvoir vivre. Chaque nuit, elle rêvait de lui. Elle découvrait son corps, et devait se confronter à la douleur de le perdre.