21. Zari

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 Au centre d'une clairière, deux armées se faisaient face. L'une attendait, formant un quadrillage rouge dans les minuscules rues tracées par les tentes qui étaient devenues sa demeure transportable ces dernières semaines. L'autre était en rang à la lisière de la forêt et regardait son Roi avancer vers le camp adverse avec inquiétude, sans savoir si celui-ci était ennemi ou allié.

Au milieu de tout ça, Zari mesurait la dissension qui alourdissait l'atmosphère en observant les visages. Animosité, colère, haine. Peur, anxiété, incertitude. Telles étaient les émotions qui habitaient les Smoelis et les Osnoviens.

Plantée à côté de Sun Masae, la Nolie conservait un air impassible, malgré la tension qui habitait son corps. Elle songeait à toutes les choses qui pourraient mal se passer lors de cette rencontre, et également au fait qu'elle était censée agir comme médiatrice, ce qui l'agaçait par-dessus tout. Animer un débat opposant une Reine avec laquelle elle avait du mal à composer et un Roi qu'elle n'appréciait guère, n'entrait pas dans ses plans pour la journée.

Zari se détourna de l'armée smoelie pour fixer Maksym Yemenko, qui marchait vers elles, encadré de quatre soldats. Il semblait en moins meilleure forme que la dernière fois qu'elle l'avait vu à Tvenyev. Le poids de la couronne se voyait à ses cernes et à ses traits tirés. Il n'avait cependant rien perdu de sa superbe et alors qu'il les rejoignit, elle dû admettre qu'il avait l'allure d'un roi. Il portait un plastron noir en cuir, par-dessus une chemise de la même couleur et à sa taille, pendait une épée dont la garde magnifique ne laissait apercevoir qu'un avant-goût de la qualité de la lame.

Arrivé à deux mètres des deux femmes, il s'arrêta et joint ses mains devant lui. Quelques instants passèrent, durant lesquels la Reine et le Roi se regardèrent en chien de faïence, un milliard de non-dits polluant l'air qui les séparait. Leurs regards témoignaient des siècles de désaccord qui unissaient leurs peuples et de la colère fraîche d'une mère, dont la décision pacifique avait eu des conséquences terribles pour son enfant et sa famille.

Ory Vyskochiv, s'exclama finalement Sun Masae avec un accent sec.

Reiha, répondit Maksym Yemenko dans un smoeli scolaire. Je suis heureux de voir que vous comptez vous joindre à moi dans la défense de nos nations.

La Reine le regarda de haut, dédain et animosité hantant ses traits.

— Je ne me joins pas à vous Yemenko, grogna-t-elle. Plus jamais je ne ferais l'erreur croire aux promesses de votre famille.

Maksym se renfrogna, et Zari pesta intérieurement. Bien sûr, Sun Masae n'avait pas prévu de lui faciliter le travail en se montrant aimable.

— C'est elle qui m'a convaincue, et c'est à elle que je me joins.

Elle désigna d'un geste Zari, attirant l'attention du Roi sur elle. Son regard sévère s'adoucit légèrement en croisant son regard et il la salua d'un petit signe de tête qu'elle lui rendit.

— Bien sûr. Pardonnez mon choix de mots. Je suis également ici pour me joindre à la cause de mademoiselle Nalyensky.

Saisissant le moment, celle-ci s'exclama :

— Peut-être devrions-nous déplacer cette charmante entrevue dans un endroit plus discret, Vos Majestés ? suggéra-t-elle avec un regard équivoque pour les soldats qui les entouraient et qui ne perdaient pas une miette de l'échange.

— Très bonne idée, approuva Sun. Suivez-moi.

Elle tourna les talons et s'engagea plus profondément dans le camp smoeli, une escorte de Ravgen lui emboîtant le pas. Zari s'attarda en remarquant l'hésitation de Maksym.

The Assassins - T3. Le limbe d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant