14. Zari

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Adossée au chambranle de la porte, Zari observait les pluies diluviennes qui frappaient depuis plusieurs semaines les terres smoelies. Une odeur de terre et d'herbe mouillée s'élevait dans l'air, embaumant la charpente en bois de l'auvent.

La jeune femme leva les yeux vers le ciel couvert en y apercevant un éclair et attendit que le son caractéristique du tonnerre l'atteigne. Elle ferma les yeux lorsqu'il résonna, savourant ses vibrations et le sentiment qu'il propagea dans sa poitrine. Un mélange de fascination et d'appréhension. De paix et de peur.

Elle avait toujours aimé l'orage. Même enfant, quand ses parents s'inquiétaient des éclairs et de l'eau qui s'infiltrait dans leurs tentes, Zari était en admiration devant le chaos des intempéries.

Elle voyait la foudre comme une déesse capricieuse, qui aimait faire connaître son mécontentement de tout l'univers. Elle se sentait plus proche de ses dieux quand les nuages devenaient gris et que le ciel hurlait.

Maintenant, c'était plus pour la sensation de liberté qui accompagnait le mauvais temps. La pluie agissait comme une muraille entre elle et le danger. L'orage devenait une arme qu'elle n'avait pas besoin de manier pour se protéger. Il lui créait un havre de paix temporaire.

Cependant, aujourd'hui, c'était surtout une épine dans son pied, puisqu'il l'empêchait de voyager aussi vite qu'elle l'aimerait.

La pluie n'avait cessé de tomber depuis deux jours. Si elle aurait sans problème accepté de marcher sous la pluie, ce n'était pas possible pour Rune et Aron. Ils étaient donc forcés d'attendre que le temps se calme.

- L'eau ne va pas s'évaporer seulement parce que tu la fixes, s'exclama Hefi, se méprisant sur ses intentions.

Elle la rejoignit dans l'embrasure de la porte d'entrée et enfonça ses mains dans ses poches.

- Je sais... Ce n'est pas pour ça que je suis là. La pluie calme mon impatience.

- J'ai toujours détesté la mousson d'été, fit la Smoelie.

Zari jeta un coup d'œil vers son amie et remarqua sur son visage, la même mélancolie douloureuse qui l'habitait depuis qu'ils avaient passé la frontière. Hefi souffrait d'être de retour dans son pays. Le soir, alors que tout le monde était censé être endormi, Zari l'entendait raconter ses souvenirs à Esta. Parfois elles riaient, mais le plus souvent, la rousse finissait par devoir réconforter sa femme.

Suite à leur rendez-vous avec Yosun Bal, Zari et Kassyen avaient élaboré leur plan pour approcher Sun Masae grâce aux informations fournies par Hefi. L'ancienne Ravgen leur avait assuré qu'elle pourrait au moins les mener jusqu'à la princesse Irie, qui porterait leur message à sa mère.

Ils étaient partis en fin de journée, libérant la propriété d'Adil Teymoori, qui avait accueilli la nouvelle avec un grand sourire. Décidant que Teheda demeurait l'endroit le plus sûr pour sa famille, Zari avait dû se séparer de ses parents et de son frère. Ils vivraient dans la maison qui appartenait à Orann, jusqu'à ce que la guerre soit terminée.

Après tant de mois passés loin de leur fille, Zari et Kassyen n'avaient pu se résoudre à la laisser. Ils avaient donc reprit leur route à huit, comme un an plus tôt.

À l'intérieur de la petite bâtisse abandonnée dans laquelle ils avaient élu domicile, Roman et Esta préparaient le déjeuner, tandis qu'Arima vidait les seaux qu'ils avaient installés à cause du toit qui fuyait et que Kassyen surveillait Rune et Aron.

Le petit garçon avait été chargé par l'Osnovien d'empêcher Rune de quitter la sécurité des couvertures qu'ils avaient installé par terre. Le sol terreux et humide n'était pas un endroit pour elle, malgré son envie de ramper partout. Prenant sa tâche très au sérieux, Aron la distrayait en faisant des grimaces ou en cachant son visage. La petite fille riait aux éclats à chaque fois.

The Assassins - T3. Le limbe d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant