17. Zari

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Zari n'était pas de ceux qui détestaient le silence. Elle le trouvait rassurant, car quand les voix se taisaient, tout le reste était audible. Les bruissements des armes contre l'uniforme des soldats, la rumeur de la civilisation au-delà des portes de la salle du trône, la respiration saccadée d'Irie... Les pensées les plus secrètes pouvaient être révélées, rendues publiques grâce à la pression exercée par un regard insistant.

Sun Masae l'avait également compris. Zari avait cessé de parler depuis quelques minutes, ayant exposé toutes les informations qu'elle avait sur les Zerreghiens et sur la manière de les vaincre. Elle avait insisté sur la nécessité d'une alliance militaire entre les pays du Continent Est, et attendait maintenant la réponse de la souveraine.

Impassible, ses dieux pieds plantés dans le sol, la Nolie n'avait pas bougé d'un centimètre depuis que la Reine avait instauré cette étrange bataille de regards et elle ne serait pas la première à détourner le sien.

— Comment pourrais-je vous croire ? s'exclama-t-elle finalement. Vous parlez de mondes parallèles, de magie et de monstres, comme si vous vous adressiez à une enfant qui croit encore aux contes de fées.

Sentant qu'elle n'avait pas terminé, Zari ne répondit pas tout de suite.

— Je ne vous connais pas. Or pour vous croire, il faudrait que je vous vois comme une personne de confiance et le peu que je sais de vous, ne penche pas en votre faveur, mademoiselle Nalyensky.

— Que puis-je faire pour changer cela ? demanda la Nolie.

Sun fronça les sourcils, en pleine réflexion.

— Vous avez dit à ma fille que vous répondriez à chacune de mes questions, dit-elle. Je veux savoir pourquoi une Nolie porte un nom de famille osnovien et comment elle a pu devenir... vous.

Zari avait peur qu'elle lui demande cela. Les mots de Maksym Yemenko avaient tourné dans sa tête ces dernières semaines.

« Il n'y a pas une seule personne qui ne souhaiterait pas savoir comment vous en êtes arrivée là. »

Yosun Bal n'en avait que faire de son passé. Elle l'avait deviné à la manière dont il avait traité leur entrevue. Avec la promesse et l'assurance de sa demi-sœur, la réputation de Zari lui suffisait. Cependant, les Smoelis étaient moins amicaux et moins ouverts à la confiance. Ils ne prenaient pas de décision sans connaître toutes les informations.

— Impressionnez-moi, ajouta la Reine.

Zari tourna la tête en sentant le regard d'Hefi sur elle. Celle-ci l'encouragea d'un regard qui voulait dire : c'est le seul moyen. Alors elle se résigna.

Sun Masae détestait la faiblesse. Cela se voyait dans son regard, alors qu'elle attendait des explications. Si l'histoire de Zari ne lui convenait pas, elle les renverrait toutes les deux au cachot et oublierait totalement leurs existences. Elle voulait que l'assassin Nolie qui avait la réputation d'être redoutable soit à la hauteur de ses attentes. Qu'elle soit forte. Plus son histoire serait horrible, plus elle serait satisfaite, elle, la femme née avec un diadème sur le crâne et dont la position avait toujours été acquise. Et pour cela, Zari ressentit l'envie de mettre ses mains autour de sa gorge et de serrer jusqu'à ce que la lumière s'éteigne dans ses yeux.

— Je suis née à Azzalia, il y a vingt-trois ans. Ce jour-là, on m'a donné le nom de Zari Vi-Sataar, commença-t-elle.

Elle raconta tout. Son enfance heureuse sur les routes avec sa famille, entourée de son peuple. Son enlèvement par des marchands d'esclaves. Ses viols répétés par Zhenka Kormarov alors qu'elle n'avait que neuf ans. Son arrivée à l'Iris Dorée. Sa relation avec Yrine. Le traitement qu'elle subissait de la part de certaines filles. La première fois qu'elle a dû se déshabiller face à un homme de huit fois son âge. Sa rencontre avec Esta. Le jour où les viols avaient recommencé. Celui où elle avait cessé de croire en ses dieux. La nuit où elle avait décidé qu'elle en avait assez. Comment elle avait manipulé Ivar pendant des mois. Comment elle l'avait trahi. Leur fuite à travers Volgosta, puis à travers le pays. Les mois durant lesquelles elles s'étaient endormies affamées. Leur arrivée à Herzivka. Son entraînement avec Bashaar. Puis son départ, la découverte de leur maison. Quand elle avait compris que voler ne leur rapporterait jamais assez pour élever Aron et qu'elle avait décidé de tuer. Leur rencontre avec Hefi et comment Zari et elle avaient failli s'entre-tuer. L'amour né entre ses deux amies. Elle sauta quelques années, puis passa directement à Rune, pour faire le lien avec ce qu'elle avait raconté avant, puis elle s'arrêta.

The Assassins - T3. Le limbe d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant