9. Kassyen

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Le regard rivé au plafond, Kassyen se concentrait sur la respiration de Zari pour ne pas fondre en larmes. Une heure s'était écoulée depuis qu'elle s'était endormie. Le visage enfoui dans l'oreiller, elle n'avait pas conscience du trouble de son compagnon, qui malgré sa fatigue, ne parvenait pas à trouver le sommeil.

Son esprit rejouait en boucle la mort de sa mère.

Il revoyait la flèche transpercer son dos et se ficher dans sa colonne vertébrale. Il la voyait tomber à genoux, puis basculer sur le flanc. Il voyait ses yeux vides de vie. Chaque image était accompagnée de la sensation atroce qu'on lui arrachait le cœur.

Elle est morte.

Non. Il ne voulait pas y croire. C'était impossible. Il avait sûrement rêvé.

Morte, répéta sa propre voix dans sa tête.

- La ferme, murmura-t-il.

Morte. Morte. Morte. Morte. Morte.

Agacé, il se releva d'un coup dans le lit et posa ses pieds sur le parquet tiède. Ses yeux suivirent la danse des flammes et il se tira les cheveux. La douleur lui étreignit une nouvelle fois la poitrine, alors que les larmes s'accumulaient dans ses yeux.

Ses pensées étaient devenues des ennemies bien plus dangereuses que n'importe quel démon. Elles le tourmentaient avec sadisme, et jouaient avec ses émotions comme le ferait un marionnettiste. Culpabilité, souffrance, mal être, désespoir, angoisse. Il passait par tous les pics, emporté dans un jeu auquel il ne voulait pas participer. Celui des « si ».

S'il n'avait jamais rencontré Zari.

S'il ne s'était pas laissé capturé.

S'il avait été tué il y a des années.

S'il n'avait jamais quitté Mavysk.

S'il n'était jamais né.

Tellement de possibilités qui auraient pu changer la dernière note de cette mélodie sinistre qui racontait sa vie.

Un sanglot s'échappa de ses lèvres. Il tenta de l'étouffer, mais malgré ses efforts, le bruit brisa le silence de la pièce. Lorsqu'il entendit les draps bouger derrière lui, il renifla et essuya rapidement ses larmes.

- Kassyen ? s'exclama Zari d'une voix endormie.

- Tout va bien, répondit-il en contrôlant difficilement sa voix. Rendors-toi.

Il attendit quelques secondes dans l'angoisse de voir si elle comptait l'écouter. Bien entendu, ce n'était pas le cas. Il sentit ses mains sur sa peau et le visage de la Nolie apparu sur sa droite. Kassyen garda le regard obstinément rivé sur la cheminée, refusant de se confronter au sien.

Zari demeura silencieuse. Comprenant qu'il ne comptait pas lui accorder la moindre attention, elle posa sa tête sur son épaule et entoura son torse de ses bras.

- Tu peux pleurer, murmura-t-elle. Je ne le dirais à personne. Je te le promets.

- Tu es une personne, répliqua-t-il.

- Alors je compte comme n'importe qui ?

- Non ! Ce n'est pas ce que je voulais...

- Chut, susurra-t-elle. Je sais ce que tu voulais dire.

Elle dégagea sa main droite pour lui saisir le menton. Forcé de croiser son regard, Kassyen se pinça les lèvres.

- Ta mère est morte. Tu as le droit de pleurer.

- Je...

- Je la connaissais à peine et pourtant j'ai envie de hurler. Elle méritait mieux. Elle méritait plus. Et surtout, elle mérite qu'on la pleure.

The Assassins - T3. Le limbe d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant