5

14 3 0
                                    

Le paysage défilant devant mes yeux, je m'obstine à le regarder pour faire disparaître cette douleur dans mon bras qui m'affaiblit depuis un moment. Nous étions dans la voiture depuis un moment, elle au volant et moi à l'arrière essayant tant bien que mal de faire abstraction de ma douleur. Le point d'arrivée de notre trajet m'était inconnu et la conductrice était bien trop calme pour que j'ose l'importuner alors je me suis terré dans le silence depuis notre petite altercation.

Nous arrivons finalement devant une énorme villa, très belle mais pas aussi majestueuse que le manoir. La différence est très remarquable entre les deux bâtisses. Le manoir, grand et majestueux nous ramène au moyen âge tandis que la villa, belle et luxueuse nous fait revenir dans le présent. La voiture s'arrête puis elle descend et m'incite à faire de même avec un signe de tête.
Une question me démange encore depuis que nous sommes ici, quel est son nom? Depuis que nous nous sommes rencontrés-si je peux appeler ça "rencontre"- je n'ai jamais entendu son nom. Toute personne que j'ai rencontré jusqu'ici ne l'a jamais appelé par son prénom. Peut-être devrais-je lui demander? Non, ce serait bizarre de demander à son bourreau comment il s'appelle. Et elle, connaît-elle mon nom? Sûrement...

Nous traversons le jardin puis entrons et arrivons dans un grand salon,peint dans des tons de beige, meublé de fauteuils gris, blanc et noir avec accrochés au mur principal, un cadre photo sur lequel est affiché un jeune homme au sourire rayonnant et une petite fille aux yeux bleus dont la chaleur contraste avec la froideur qu'ils ont aujourd'hui. Sur cette photo, elle ressemble vraiment à un ange.

Perdu dans ma contemplation, je suis pris de vertiges. Je m'accroche à un des fauteuils et le petit ange m'aide à m'asseoir avant de disparaître je ne sais où et de revenir avec une trousse de premiers secours et un linge. J'ai les paupières qui clignotent et une terrible envie de les fermer. Mes yeux se ferment tout seuls, je n'arrive pas à les garder ouverts.

Je reçois une énorme quantité d'eau sur le visage puis une gifle des plus violentes. Une gifle? Mais qu'est-ce que j'ai fait?
Sans un mot, elle m'enfonce le linge dans la bouche avant de verser du désinfectant sur ma plaie. Mes cris de douleur sont étouffés par le linge que j'ai dans la bouche. Ça fait mal, très mal. Des gouttes de sueur perlent sur mon front et mes paupières papillonnent.

Je sens quelque chose de froid s'introduire dans ma chair et bouger tel un serpent. La douleur est de plus en plus forte et de petites tâches noires commencent à brouiller ma vue. Je sens quelque toucher ma joue puis des picotements se font sentir au même endroit. Les tâches se font de plus en plus grandes et je sens mes forces me quitter.

_Gabriel! Réveille toi!

Voilà les derniers mots que j'entends avant de sombrer dans le noir.






*



J'ouvre doucement mes yeux et découvre une magnifique chevelure noir recouvrant un visage d'ange assoupie dans le fauteuil en face de moi.
Elle a l'air tellement paisible comme ça. La lumière de la lune éclaire son visage d'ange, visage sur lequel j'aimerais bien mettre un nom.
J'essaie de me lever mais c'est sans compter sur mon bras qui me fait très mal et ma jambe qui n'est pas de mon côté non plus.

Je suis donc cloué au lit comme un infirme alors qu'il y a quelques jours j'étais en parfaite santé. Elle m'a bien amoché le petit ange. Je reste donc là à l'observer durant son sommeil. Son buste se soulève à chaque fois qu'elle respire et elle dégage un certain calme comme ça.

Je l'observe pendant un temps puis essaye encore une fois de me lever. Je commence d'abord par m'asseoir avant de poser mes pieds sur le sol avec peine. Je prends appuie sur mes mains pour me lever mais un cliquetis venant de derrière moi se fait entendre.

_Si tu bouge, je te tue. Dit une voix grave dans mon dos.

Ma tête baissée, je reste immobile.

_Qui es-tu?

Sa question me fait presque rire. Il l'a posé comme si ma réponse allait changer quelque chose à la suite des événements.

_Anthony laisse-le. Dit la voix du petit ange.

_Mais je l'ai même pas toucher! Répond le dénommé Anthony avant de passer devant moi et de s'asseoir sur le canapé d'en face.

_C'est qui? Demande-t-il au petit ange en faisant un signe de tête dans ma direction.

_Ça ne te regarde pas. Tranche-t-elle.

_On partira demain ne t'en fais pas. En attendant aide-le à monter dans la chambre d'amis.

_Tu ne dis même pas s'il te plaît.

La froideur qui emplit la pièce lorsqu'elle tourna son regard vers lui m'avait cloué au canapé.
Le dénommé Anthony prend mon bras et m'aide à me lever et m'emmene dans une chambre, de style urbain, différente de la chambre du manoir. Je m'assois sur le lit et souffle la tête entre les mains. Je me suis fait kidnappé par des femmes pour une raison que j'ignore et je me suis fait tiré dessus deux fois en deux jours. Elle a eu l'occasion de me tuer à plusieurs reprises mais elle ne l'a pas fait ce qui veut dire que d'une certaine manière, elle a besoin de moi, pour l'instant... Et lorsque ma présence ne lui sera plus utile, elle m'effacera, comme un trait de crayon avec une gomme. Pour ce genre de personne, la vie est aussi importante qu'un rien. Ils vous la prenne aussi facilement qu'on arrache une sucette à un enfant. Il n'y a pas de pitié dans leur regard, lorsqu'il vous arrache votre bien le plus précieux, il n'y a qu'une lueur animale dans leurs pupilles qui vous fait frémir de peur.

Des chuchotements se font entendre à ma porte et coupe libre cours à mes pensées. Il se transforme petit à petit en voix distinctes.

_Pourquoi tu ramène un type dont je ne sais rien chez moi et de plus un nègre? Dit la voix que je reconnais être celle de Anthony.

_Je te l'ai dit, on a besoin de lui pour retrouver mon frère. Dit la voix du petit ange.

_Et ne le traite pas de nègre, c'est un homme comme les autres. Ajoute-t-elle.

_Ce n'est pas un homme comme les autres puisqu'il est noir!

_Bonne nuit Anthony. Tranche-t-elle finalement.

Je ne suis pas un homme comme les autres...
Je suis noir et donc ma place n'est pas ici. Mais est-ce moi qui ai choisi ma couleur de peau avant de venir au monde? Est-ce moi qui ai choisi d'avoir les cheveux crépus? Je n'ai rien choisi, je suis venu au monde comme ça et je m'accepte. Ce que disent les gens, m'importe peu puisque le plus important c'est moi.
Sur ces belles pensées pour ma personne, je m'endors.

𝑊𝑜𝑚𝑎𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant