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Assis près de la fenêtre, attendant que mon hôte me serve une tasse de thé, distraitement je regarde son bureau. Au premier abord, il paraît aussi sombre que son âme mais finalement, il n'y a rien de bien effrayant. Tout à l'air d'une autre époque. Partant des murs aux armoires, en passant par les décorations posées élégamment à différents endroits. On se croirait vraiment pendant l'époque des temps modernes. Cette époque où les femmes étaient porteuses de vie et non de mort, cette époque où les valeurs étaient élément de prestige et d'admiration, cette même époque où les mœurs n'étaient pas bancales, époque où la nature n'était pas corrompue, où l'amour était parfois pur et simple mais aussi déstructeur et vil, cet amour là même qui avait créé des guerres, des conflits plus que stupides, ce même amour qui aujourd'hui, nous dévastait encore, celui-là dont on ne pouvait se défaire, pour lequel la mort devenait un cadeau. Si les uns se droguaient avec de la cocaïne, les autres se dopaient à l'amour. Les hommes étaient tous sots de penser pouvoir utiliser cet amour pour nuire à celles-là qui les conseillaient, les chérissaient.
Au final sur ce point là, pas grand chose n'avait changé. Les hommes étaient toujours aussi rustres, pensant pouvoir piétiner les femmes, se jouer d'elles avec des fariboles alors que même celles qu'ils qualifiaient de "frivoles", "légères", "faciles", "candides" et j'en passe, les écrasaient sans pitié, avec tant de facilité et d'intelligence qu'on venait à se demander si elles n'avaient pas été façonnées pour ça justement: les écraser.
C'est ce qu'elles faisaient. Au milieu d'elles j'étais aussi petit qu'un insecte. Sur moi, elles avaient tous pouvoirs, à la moindre erreur, j'en paierai le prix.

Un claquement de doigt me fait sortir de ma torpeur. Je me ressaisis et garde la tête haute, histoire de me rassurer et de ne pas me liquéfier devant ses yeux aussi magnifiques que terrifiants. Une tasse fumante à la main, aucun de nous ne débute le dialogue. Moi, parce que j'ai peur de dire une bêtise et elle... parce que c'est elle.

_Trois semaines. Dit-elle.

Je la regarde penaud ne sachant pas de quoi il en découle.

_Je te laisse trois semaines pour retrouver ton père, au bout de ce délai, ton père non retrouvé, je te tuerai.

L'expression ne pas passer par quatre chemins prend tout son sens avec cette phrase sans filtres.

Une question me démange encore la gorge, tellement fort et brutalement, que je ne peux que la poser. Sinon je risquerai de mourir avant même qu'elle ne me touche, mourir de curiosité.

_Pourriez-vous s'il vous plaît, répondre à une de mes questions d'abord? J'ose demander.

_Tu es un curieux personnage; tous ceux avant toi ayant aligné ne serait-ce que deux phrases envers ma personne sont morts. Mais toi, tu te permets de me parler comme si nous n'étions que de simples partenaires... N'as-tu pas peur de moi?

Oh que oui j'ai peur. Que dis-je, je suis terrifié à l'idée de perdre la chose la plus chère que je possède, la vie. La vie est un cadeau que bien de personnes jettent comme si elle pouvait se racheter comme une brioche. Ce cadeau là n'avait pas de prix, il n'était sur aucun marché. Si quelques fois, la vie avait été mise à prix, au final ceux qui l'achetaient la perdaient. Alors oui j'ai peur, mais je me battrais corps et âme pour la défendre. C'est la seule chose qu'il me reste. Alors s'il faut que je meurs ici et maintenant, soit mais au moins je m'en irai en paix car je me suis battu.

_Si, j'ai peur de vous. Mais je prend les devant face à cette peur pour ne pas me faire écraser comme un insecte. Vous êtes humaine vous aussi, n'avez-vous pas peur que tout votre monde s'écroule? Penser vous vraiment que cette utopie sera éternelle? Tout le monde a des peurs, dont moi, mais ne pensez pas que tous laisse la peur dicter leur choix, je dit fermement.

_Puis-je vous poser  ma question si vous n'avez plus rien à ajouter?

_Je peux bien te laisser t'exprimer un peu avant de te trancher la gorge. Répond-elle.

Ma salive passe durement dans ma gorge, comme un cailloux énorme. J'ose quand même lui poser la question qui me turlupine l'esprit.

_Puis-je connaître votre nom?

_Je te l'ai dit la dernière fois, mon nom n'importe pas. Tu n'as pas besoin de le connaître. Me répond elle en prenant une gorgée de sa tasse.

La manière qu'elle a de refuser de répondre à cette simple question ne fait qu'attiser un peu plus ma curiosité. Son nom ne peut pas être si affreux pour qu'elle refuse de me le dire. Ou alors le cache-t-elle pour se protéger? Dans les fictions, les méchants adorent voir la terreur dans le regard de leurs victimes à la mention de leur nom; il fait croire que la réalité est toute autre.

_Pourquoi vous donnez tant de mal pour me cacher votre nom, alors que peut importe ce que je fais vous finirais par me tuer et avec moi votre nom sera emporté dans la tombe. Je demande.

_Tu sais te battre?

_Q-Quoi?

_Un combat, toi et moi. Celui qui perd sera obligé de répondre à la question du gagnant.

Imprévisible. Voilà le mot exacte pour décrire cette proposition, Imprévisible.
Je ne suis pas en état de me battre et du peu de ce que j'ai vu d'elle, me démembrer ou me briser le cou ne sera pas difficile.

_Puis-je refuser?

Un large sourire étire ses lèvres et elle dit:

_Si tu refuse, tu n'auras pas la réponse à ta question.

_Vous finirez par céder.

Mon trop plein d'assurance allait probablement finir par me tuer, mais sur le moment, voir sa tête décontenancée et surprise, était plus plaisant qu'autre chose.
C'est bien la première fois que je la vois avec un visage plus humain, normal et je dois dire qu'elle est plutôt mignonne la petite criminelle. Bien que redoutée, au fond elle n'a pas l'air si méchante que ce qu'elle laisse paraître.

_Mets-toi au travail avant que je ne t'enterre vivant. Dit-elle un sourire méchant scotché au visage.

_Amélie.

_Pardon?

_Catherine.

_Qu'est-ce qui te prend? Me demande-t-elle.

Je sais que je m'aventure sur un terrain sinueux en utilisant cette technique plus que puérile pour connaître son nom, mais qui ne tente rien n'a rien n'est-ce pas?

_Angie?

Son visage change, comme si je me rapproche peu à peu  de ce que je cherche.

_Tais-toi!

_Angela.

_Assez!

Sa tasse finit par faire un voyage dans les airs, aboutit sa course sur le mur derrière ma chaise, se brise et s'éparpille en morceaux sur le sol.

La fureur, la haine, ces émotions brillaient dans son regard comme les flammes d'un feu ardent. Je venais de déclencher un incendie qui, pour s'éteindre demandait destruction. Je venais de réveiller le sombre démon qui n'attendait que l'occasion parfaite pour sortir et semer le chaos.

Comment un simple nom avait pu générer autant dans colère dans le cœur d'une personne? Comment tout cela avait commencé? Avais-je été si avide de réponses que les sentiments de la questionnée ne me préoccupaient pas plus que ça? Ce n'était pas une fatalité pourtant... et son nom concordait avec son visage d'ange.

Angela, c'était donc le nom de celle qui avait l'air de dominer le monde...

_Pars. Dit-elle.

𝑊𝑜𝑚𝑎𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant