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Les oiseaux volent au dessus du soleil levant alors que la nature se réveille peu à peu, la rosée du matin s'étale doucement sur les herbes, les arbres ainsi que les fleurs dans un ballet gracieux, les petites bêtes sortent timidement de leur abri nocturne afin de commencer leur journée. Les quelques lève-tôt se sont déjà préparé pour le travail et les autres restent profiter de cet instant pour se reposer un peu plus et flâner comme les feuilles des arbres qui volent au vent.
Alors que tout le monde se réveille, je cherche à fermer les yeux afin de reposer mon corps et mon esprit fatigués. La nuit ne m'a été d'aucune utilité car je n'ai fait que ruminer, appréhender et cauchemarder tout au long de celle-ci. J'ai passé toute la nuit à réfléchir sur toutes les décisions que j'avais prises jusqu'ici et au final, j'ai l'impression d'être le plus sot des abrutis. Qui oserait proposer à un mafieux de travailler pour lui? Qui donnerait à des traîtres de faux espoirs? Qui refuserait d'aider la DEA à attraper des criminelles? Rien que pour l'honneur et la gloire plus d'un se damnerait mais on dirait que je suis bien différent de la majorité, je fais bien bel et bien partie des exceptions qui confirment la règle. Ce n'est pas pour me vanter ou pour me faire culpabiliser mais il faut se le dire, je suis différent. Je ne pense pas comme la plupart des gens, mon raisonnement à toujours était traité de bizarre ou trop bohème pour être logique. Mais quelle est donc cette logique dont tout le monde parle sans en connaître la signification exacte? Chacun a sa manière de penser et celle-ci se diffère des autres, alors pourquoi toutes nos pensées devraient être reliées à une seule? Est-ce parce que nous sommes tous humains?

Perdu dans mon débat avec moi-même, je n'entends ni la porte s'ouvrir ni les pas qui se rapprochent de mon lit. Ce n'est qu'au moment où je vois le visage de Kaï au dessus de ma tête et Jakob adossé à la porte que je reviens à la réalité.

_Quoi? Je demande à ce géant au visage enfantin qui arbore un énorme sourire.

_C'est l'heure du petit-déjeuner!

Maintenant que j'y pense, je n'ai pas beaucoup manger ces derniers temps avec tous les événements qui me tombent dessus comme une avalanche de neige sur L'Himalaya. Je ne me rappelle même plus de la dernière fois que j'ai pris un véritable repas. Je devrais peut-être déjeuner avec eux mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je me demande s'il y aura d'autres membres de la mafia avec nous et surtout, si le petit ange sera de la partie. J'appréhende surtout notre prochaine rencontre. Après la crise dans son bureau, j'ai peur qu'en me voyant sa folie de la gâchette ressorte et qu'elle m'élimine.

_Il n'y aura que nous, dit Kaï toujours au dessus de ma tête.

_Océane et Eve aussi, ajoute Jakob.

_Arrête de gâcher l'ambiance crétin! Lui dit Kaï.

_C'est bon je viens, je dit à Kaï.

Celui-ci saute de joie à ma réponse et nous descendons tous les trois à la salle à manger.

En bas, Eve et Océane sont en pleine discussion, mes oreilles capte des brides de mot et il semblerait qu'elles parlent en langage codé pour que personne ne comprenne le sujet de leur conversation. Je n'y prête pas plus attention et continue mon chemin.
Lorsque nous arrivons à leur hauteur, dans le hall, les deux femmes se tournent vers nous, surprises, comme si elles cachaient bel et bien quelque chose.

_Il fait quoi ici? Demande Eve après avoir repris son masque de méchante.

Sa question me pique un peu mais je dois bien m'y faire... je ne suis qu'un prisonnier, je ne fait pas partie de la famille comme les autres. Je ne suis ici que parce que mon géniteur a chamboulé leur quotidien, déjà brutal. Sans lui, je serai peut être entrain de rouspéter derrière le comptoir de ce restaurant de basse classe...

_Il prend le petit-déjeuner avec nous, répond Kaï.

_Avec toi, renchérit Jakob aussitôt.

Sur ce, il nous laisse et s'en va comme le vent.
Les deux femmes se joignent finalement à nous et nous prenons ensemble le chemin de la salle à manger.
D'une main, Kaï ouvre les deux battants de la porte de la salle à manger me laissant encore plus époustouflé par la beauté de cette architecture mais aussi surpris par la myriade de regards tournés en notre direction, précisément envers ma personne. Une bonne vingtaine de femmes, noires, blanches, grandes, petites, rondes, minces, me fixent d'un œil prédateur comme si elles allaient dévorer la proie que je suis.

Devant moi, Kaï chuchote des mots à l'oreille de Eve que je ne parvient pas à percevoir. Océane nous abandonne et va s'asseoir sur l'une des chaises vides dans la pièce. Contre tout attente, une femme à l'allure de boxeuse se lève et vient à ma rencontre. Elle pose une main sur mon corps tétanisé, se baisse pour être à ma taille-elle est très élancée- et me dit au creux de l'oreille:

_Pain au chocolat ou chocolatine?

Alors que mon cerveau tente le plus rapidement possible d'établir la différence entre ces deux mots, j'entends quelqu'un pouffer et automatiquement après, c'est un grand fou rire qui se déclenche. La femme en face de moi rit à en avoir les larmes aux yeux, Kaï n'arrive même plus à respirer et même Eve que je n'ai vu sourire qu'une fois en tout esquisse un  sourire amusé . Je suis le seul qui ne me réjoui pas, j'ai failli mourir rien qu'en imaginant comment chacune d'elles aurait pût me torturer et me laisser mourant on ne sais où.

Une fois calmé, Kaï revient vers moi et me présente à la boxeuse qui se nomme Tatiana. Celle-ci sourit poliment et retourne au près des autres, nous sur ses talons.
Assis en face de Tatiana, à côté de Kaï, je reçoit une assiette bien remplie de nourriture.

Cela fait longtemps, très longtemps que j'ai pris un vrai petit déjeuner. La dernière fois que je me suis nourrit comme un humain digne de ce statut, c'était pour l'anniversaire d'un de mes collègues avant qu'il ne déménage.
A voir où je me couche le soir et ce que je mange, je n'arrive même plus à regretter ma vie d'avant... Peut-être que celle-ci n'est pas si horrible que ça...

Alors que les conversations vont bon train, les portes s'ouvrent dans un grand bruit, laissant apparaître une silhouette fine, vêtue d'une robe rouge près du corps, à la démarche assurée et au regard des plus amères. Ses cheveux longs lui tombent dans le dos, ses yeux restent froids, fidèles à eux-mêmes et ses talons noirs vernis me rappellent les femmes de feu des siècles passés. À son entrée en scène, toutes les personnes attablées se lèvent d'un mouvement coordonné. D'un geste de la tête, elle leur fait signe de se rassoir et les petits soldats s'exécutent tous. Dans la foulée, son regard croise le mien et dans ses yeux passe une lueur meurtrière. Ses hauts talons claquent fort contre le sol comme les coups de l'horloge avant de sonner mon heure de mort, je reste stoïque en espérant secrètement qu'elle m'ignore mais lorsque de sa main, elle fait voler mon assiette à l'autre bout de la pièce, tout mes espoirs s'envolent avec et je sais que je vais passer un sale quart d'heure.

𝑊𝑜𝑚𝑎𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant