Térésa était partie il y a deux heures. Son départ pour le Bloc avait été retardé suite à de nombreux imprévus causés par Thomas. Ce garçon était intenable. L'arrivée de la jeune fille avait créé un sacré remue-ménage dans le Labyrinthe A. Les pauvres blocards ne savaient où donner de la tête entre cette dernière et les conneries qu'enchaînait le brun.
Quant à moi, je les regardais encore bouger sur mes écrans, comme depuis le tout début. Je m'imaginais être avec eux. Discuter avec eux. Rire avec eux. Vivre avec eux. Le pire, c'était que je n'avais pas besoin de me trouver dans le Bloc pour souffrir avec eux. La mort de Ben laissait un trou béant dans ma poitrine depuis deux jours. Ce garçon était tellement plein de vie et toujours prêt à aider les autres. Il ne méritait en aucun cas ce qu'il lui était arrivé. Aucun d'entre eux ne méritaient cela.
« Emmanuelle ! Qu'est-ce que tu fous encore ici ? Pourquoi tu n'es pas en train de préparer tes affaires ? L'hélicoptère part dans trente minutes et tu n'as encore rien fait ! Tu es incapable de faire ce que l'on te dit ou quoi ? »
Janson. Mon père.
Merde. J'avais oublié qu'on partait aujourd'hui. Notre départ aussi avait été retardé pour que nous assistions à la fin de la phase 1. Mais nous étions maintenant pressés par le temps. Les premiers survivants des autres Labyrinthes n'allaient pas tarder à arriver à la base principale et nous devions y être avant eux. Et surtout quitter ces bâtiments avant la mise en scène destinée aux blocards.La poigne de l'homme sur mon bras me sortit de mes pensées.
« Tu m'écoutes quand je te parle, idiote ? Dépêche-toi ! Je suis ton père ! Et la personne grâce à qui tu n'as pas été envoyée dans un des Labyrinthes ! Tu devrais me témoigner un peu plus de respect ! »
Quelle chance en effet. Voir mes amis mourir via des écrans et en être la cause était vraiment fantastique. Et les bleus qui coloraient mon corps devaient également être signes de ton amour pour moi, n'est-ce pas, papa ?
Il me poussa dans le couloir en me hurlant de me dépêcher. N'ayant pas le courage de l'affronter et de lui dire le fond de ma pensée, je me dirigeai rapidement vers ma chambre, toujours flanquée d'un homme en costard cravate même pas fichu de me rappeler mon départ imminent.
Je pris la valise qui m'attendait depuis trois jours dans un coin de la pièce et y fourrai le minimum de survie pour les prochains mois : mes deux sweats préférés, quatre t-shirts, trois pantalons, des sous-vêtements, une blouse pour une fois propre et à ma taille, et le maximum de livres que je pus. Pour finir, je remplis les derniers espaces avec un carnet, quatre CD et un vinyle qui avait appartenu à ma mère et qui était usé par les trop nombreuses écoutes.
Je fermai difficilement le bagage et attrapai mon tourne-disque et lecteur de CD portable avant de quitter la salle en courant presque. J'arrivai à l'hélicoptère à peine cinq minutes avant le décollage sous le regard désapprobateur et menaçant de mon géniteur. Je me tins le plus loin de lui et me fis le plus petite possible durant tout le voyage.
***
Plusieurs heures plus tard, nous débarquions sur le toit du nouveau bâtiment qui m'accueillerait pour la phase 2.
Pourquoi, me diriez-vous, mon père ne me mettait pas en « sécurité », loin de tout ce processus afin de ne pas risquer de me mettre en danger ?
Parce que c'était sans doute plus drôle de me détruire psychologiquement à petit feu en me forçant à voir mes amis mourir les uns après les autres.
Parce que ça m'« apprendrait » la vie.
Parce que j'avais tellement de chance de pouvoir participer au « projet qui sauverait le monde » que ça aurait été dommage de m'en priver.Je fus emmenée jusqu'à ma nouvelle chambre par une scientifique d'environ vingt-cinq ans qui ne faisait que parler. Fatigante. La pièce où je dormirais dorénavant était aussi blanche et froide que la précédente. Avant de me laisser, la jeune femme me tendit le plan du bâtiment avec un grand sourire ravi. Je n'avais pas l'intention de faire amie-amie avec elle. Je voulais juste être tranquille. Avec pour seule compagnie les pensées qui me tourmentaient continuellement.
Elle quitta enfin la salle, toujours en piaillant. Je soupirai de soulagement en fermant la porte.Je posai mon lecteur de CD sur mon lit et pris le premier disque qui me tomba sous la main quand j'ouvris ma valise. Teatro d'ira de Maneskin. Parfait. Le groupe datait d'il y a environ deux siècles, comme la plupart de mes CD. Je l'insérai et la musique emplit la pièce.
Les paroles me frappaient en plein cœur tandis que je rangeais mes affaires. Lorsque j'eus fini, le cœur tordu et les yeux près à déborder, j'éjectai le disque du lecteur et attrapai le vinyle.
Je le plaçai sur le tourne-disque et lançai une des musiques.
Happiness is a butterfly.
Je me laissai tomber à côté de mon lit, laissant la voix de Lana del Rey me traverser.Happiness is a butterfly
Try to catch it like every night
It escapes from my hands into moonlightLes larmes quittaient mes yeux et dévalaient mes joues. Je les laissais faire. J'en avais besoin. Cela faisait tellement de bien.
J'associais cette voix à celle de ma mère. Douce et chaleureuse. Les souvenirs que j'avais d'elle n'étaient presque plus que des ombres malgré certains toujours vivaces.
Les larmes redoublèrent. J'aurais tellement aimé qu'elle soit avec moi, qu'elle me soutienne dans tout ce que j'endurais. Je serrais dans mon poing le petit pendentif en forme de soleil qu'elle m'avait offert pour mes dix ans, avant de mourir quelques mois plus tard. J'étais Nour, sa Nour, sa lumière. Mais cette lumière avait arrêté de briller quand elle m'avait quitté.
Les dernières notes retentirent. Puis le silence. Brisé par le bruit de l'aération.J'essuyai mes larmes puis me levai en posant mes lunettes sur mon nez. J'attrapai le plan et essayai de déterminer où se trouvait la cantine.
J'avais faim. Vraiment faim.
VOUS LISEZ
WICKED is good....
FanfictionBienvenue dans la vision de l'apocalypse de la Braise d'Emmanuelle Janson, cette jeune fille de 16ans dont les idéaux et la peur se bousculent continuellement. Choisira-t-elle la voie de son cœur ou celle que lui dicte sa crainte ? Suivra-t-elle ses...