Chapitre 26

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Le monstre prit possession de moi. La maladie coulait dans mes veines. Ma vision s'obscurcit brusquement. Mon corps tout entier brûlait. Je voulais m'arracher la peau. Je voulais m'arracher les cheveux. Je voulais m'arracher les yeux. Je voulais du sang.

Ma conscience était toujours là mais elle était submergée par des envies primaires, animales. Tout mon corps me criait de supprimer la douleur à laquelle j'étais confrontée. Je tombais de ma chaise. Je me griffais moi-même pour atténuer cette souffrance qui me transperçait de toute part. Je ne voulais pas être la seule à souffrir. Ce n'était pas juste. Je voulais que d'autres souffrent avec moi. Le monstre voulait que d'autres souffrent avec moi.

J'entendais mon cœur battre dans mes tempes. Je percevais le virus se propager en moi. Je voyais les veines noires grossir sur mes bras. J'avalais le sang au goût salé et métallique qui avait coulé de ma lèvre déchirée par mes dents. J'humais l'odeur d'un nouvel arrivant.

Je me redressais péniblement et me tournais vers la porte où se découpait une silhouette.

« Nour ? »

Je reconnus immédiatement la voix. Non... Je ne voulais pas le blesser. Je ne voulais blesser personne. Pars. Pars ! Ne t'avance pas, pars ! Je ne retiendrais pas le monstre indéfiniment. Il finira par reprendre le... Le monstre repris le dessus et se jeta sur Gally. Ma conscience hurlait. J'étais tiraillée.

Je ne veux pas le blesser !
Mais tu ne serais plus la seule à avoir si mal !
C'est mon ami !
Mais il t'a insulté et ridiculisé !
Je ne veux plus faire souffrir personne !
Mais c'est tellement jouissif !
Je ne veux pas le blesser !
Tu n'as pas le choix !

Nous étions par terre, Gally se débattait avec mon corps tandis que, dans mon esprit, je me battait avec le monstre. Le garçon me balança à plusieurs mètres et se redressa avant de me tourner le dos pour se précipiter vers mon bureau. Je me relevai et sautai à nouveau sur lui.

Je voulais le blesser. Je voulais qu'il souffre autant que moi. Je voulais lui montrer que j'étais puissante, plus que lui, que je n'était pas qu'une petite idiote incapable de faire les bons choix. Je voulais lui faire mal. Je voulais le détruire.

Mais pour une raison que j'ignorais, me jeter sur lui et lui déchirer la peau me faisait mal. Mon cœur se tordait à chaque nouvelle griffure sur sa peau. Comme si je ne voulais pas vraiment le blesser.

Pourtant, il méritait de souffrir autant que moi ! Il n'avait pas le droit d'être heureux alors que tout s'effondrait autour de moi ! Je le haïssais ! Je voulais sa mort !

Je ne vis pas arriver l'aiguille mais je la sentis se planter dans mon bras. Je voulu me dégager en mordant le blond mais il m'en empêcha de justesse. Le fluide guérisseur se propagea dans tout mon corps. Épuisée, je m'effondrai sur l'épaule du garçon en sentant avec soulagement le virus battre en retraite. Des larmes s'échappèrent de mes yeux et mes épaules commencèrent à tressauter malgré moi. Les mains de Gally se posèrent dans mon dos dans une étreinte réconfortante.

Après plusieurs minutes immobiles l'un contre l'autre, je m'éloignai du corps du blond en m'essuyant rapidement les yeux. Quand j'ouvris ces derniers, je découvris avec horreur toutes les traces sanglantes que j'avais laissé sur sa peau.

Je me redressais immédiatement mais des tâches noires apparurent dans mon champ de vision et je dus m'appuyer sur un lit pour éviter de tomber. Sans attendre, le garçon me fit m'asseoir sur ce dernier et commença à me passer un savon sur mon inconscience face à la maladie toujours présente en moi. Je fixais ses plaies, les yeux dans le vague.

J'avais l'impression d'être un monstre, d'être toujours le monstre qui lui avait fait ça. Je me détestais. Comment avais-je pu être aussi idiote ? Pendant combien de temps avais-je oublié de prendre le sérum ? J'étais un poids pour tous. Je n'aurais pas dû les suivre. J'aurais dû mourir dans la Dernière Ville.

Quand une goutte de sang roula le long de son cou pour venir colorer le col de son t-shirt, je me levai et, malgré ses protestations, je me dirigeai vers un coin de la construction. J'y attrapai une boite de premiers secours et, comme le garçon m'avait suivi, je le poussai sur le lit le plus proche dans lequel il s'affala toujours en me disputant.

Sans l'écouter, je commençais à désinfecter ses blessures et il se tut. Un silence aussi bienvenu que malaisant planait autour de nous. Je le brisai un instant pour lui demander de retirer son t-shirt afin que je puisse accéder aux griffures sur ses omoplates. Plus je découvrais de plaies, plus je me sentais coupable. J'étais monstrueuse. Je l'avais blessé et j'avais aimé ça. J'avais voulu sa souffrance. J'étais un monstre.

Après avoir fini de le désinfecter, je pris un sérum pour le lui injecter et balayais ses protestations de quelques mots empreints de culpabilité. Je lui donnais ensuite un des t-shirts propres que je gardais au fond de l'infirmerie pour le jour où quelqu'un en aurait besoin. Pendant qu'il l'enfilait, je remis un peu d'ordre dans ce qui avait été dérangé lors de la lutte.

Il ne me laissa pas le temps de faire autre chose avant de me faire asseoir de nouveau de force sur un des lits. Il me demanda d'observer moi-même mon bras pour déterminer si l'avancée du virus était anormale, ce qu'elle n'était pas, ou du moins pas trop. Il me fixa alors longuement dans les yeux et je finis par détourner le regard, mal à l'aise.

« T'as des cernes immenses... T'as pas dormi depuis combien de temps ?

— J'ai dormis un peu ce matin, sur la plage... » marmonnai-je.

Il soupira et se redressa avant de s'éloigner vers mon bureau. Il revint quelques secondes après avec une autre dose de sérum à la main. Je protestai car il m'en avait déjà injecté une quelques minutes avant mais il ne me laissa pas le choix. Quand le liquide se propagea dans mes veines, j'eus l'impression qu'un poids immense venait d'être retiré de mes épaules.

« Tu te sens mieux ?

— Mhm... Ça fait du bien... J'suis fatiguée...

— Alors dors. »

Je m'allongeai sur le lit sans attendre, à moitié dans les vapes. Une fois la douleur éloignée, j'avais ressenti toute la fatigue que je traînais depuis plusieurs jours et je me sentais partir sans rien n'avoir à faire. Je sombrai en quelques secondes, savourant la douceur des draps que m'avait délicatement posé Gally sur les épaules.

Quand je me réveillai le lendemain, je me sentais plus reposée que je ne l'avais été depuis des mois. Je remarquai alors mes bras bandés et me souvins que je les avais griffé jusqu'au sang la veille. Dès que je me redressai, je fus accueillie par Sonya qui m'expliqua qu'elle s'était occupée de faire partir les gens non-blessés afin que je puisse dormir sans problèmes. Nous décidâmes alors que, vu l'heure avancée, mon planning serait reporté au lendemain.

Je réussis même à sortir de ma zone de confort et à repousser momentanément mes insécurités pour discuter de tout et de rien avec elle pendant une bonne partie de l'après-midi. Elle était très compréhensive et d'une gentillesse incroyable. Elle comprit la peur qui m'avait poussé à refuser leur invitation quelques jours auparavant et m'informa que personne ne m'en tenait rigueur, au contraire. Je me surpris même à rire avec elle à propos d'anecdotes sur les gens du groupe. Je me sentais reposée et joyeuse.

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