Chapitre 25

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Je n'avais encore pas dormi de la nuit. Au coucher du soleil, je m'étais couchée mais je n'avais pu fermer l'œil. Une fois sûre que tout le monde s'était assoupi, je m'étais levée et, pour échapper aux pensées noires qui me parasitaient l'esprit, j'étais allée m'asseoir sur le sable. J'avais profité du bruit des vagues sous la clarté de la lune. J'avais comaté de longues heures au même endroit avant que le soleil ne se lève paresseusement derrière l'horizon.

Je rejoignis alors le camp pour manger et tenter malgré tout d'obtenir l'autorisation de Vince pour continuer mon projet. Je le trouvais en train de parler avec les cuistots, dont Fry, qui préparaient le petit-déjeuner. Je plaquais un faux sourire enjoué sur mon visage avant de les aborder.

« Dis donc, t'as des cernes affreuses, Nour...

— Bonjour à toi aussi, Fry... Elles ne peuvent pas partir en une nuit en même temps !

— Tu peux m'expliquer pourquoi tu n'étais pas dans ton lit ce matin ?

— Désolée, Vince, je me suis levée un peu tôt donc j'ai décidé d'aller me poser un peu sur la plage pour éviter de réveiller tout le monde... »

L'homme me sonda du regard avant de soupirer. Je le fixais avec espoir.

« Très bien... Tu feras ton annonce ce soir et tu pourras commencer ton programme dès demain après-midi avec les volontaires. »

Je le remerciais chaleureusement. Je pourrais enfin me racheter pour mes actions ! Avant que je ne puisse partir, le cuistot me mit un pain sans levure et une pomme sauvage dans les mains. Je croquai dans cette dernière et grimaçai immédiatement à cause de son âpreté. J'aurais voulu la recracher mais le garçon me menaçait du regard donc je la mangeai entièrement, bien qu'à contrecœur. Au contraire, le pain était vraiment bon et je le dégustai avec plaisir après m'être assise sur les marches où je fus rejointe peu à peu par le petit groupe.

Les discussions allaient de bon train mais j'étais perdue dans les évènements qu'elles relataient. J'avais l'impression d'être mise à l'écart et, quand je vis Gally arriver, je décidai de partir. Ce dernier prit ma place au milieu des adolescents et s'intégra immédiatement à un sujet. J'eus un pincement au cœur en voyant cela. Je me sentais si bête et inappréciable. Je regagnai ma forteresse, faite d'instruments de mesure et de formules scientifiques, afin de me protéger de ce sentiment désagréable.

J'étais épuisée, autant mentalement que physiquement. Je me détestais et j'étais sûre que les autres aussi. Je regrettais d'avoir refusé la proposition des filles hier, mais, en même temps, aurais-je trouvé ma place auprès d'elles ? Je m'en voulais d'avoir aidé Gally avec sa main malgré le fait qu'Andrew était contre. J'étais répugnée par la personne que j'avais été ces dernières années, cette personne dont je n'arrivais pas à me détacher. Je me haïssais, moi et mes actions. Rien de ce que je ferais ne pourrait jamais être une rédemption, juste une illusion de cette dernière. J'avais détruit des gens. D'autres étaient morts par ma faute. Rien ne pourrait jamais changer ça. J'étais fautive.

Je refusais de pleurer. Je me refusais ce luxe. Je n'avais pas le droit de pleurer. C'était de ma faute. Je n'étais pas la victime. Je n'avais pas le droit de me lamenter sur mon sort. Je devais vivre avec cette culpabilité, avec le poids de mes actions.

J'aurais voulu préparer un discours pour le soir mais je n'arrivais pas à aligner deux phrases cohérentes. Je ne savais même pas si je serais en capacité de parler devant tous les rescapés. Je n'avais pas le choix, je devais y arriver. J'attendais cela depuis plus d'un mois ! Et j'attendais ma rédemption depuis des années. Je ne pouvais pas échouer. Je n'avais pas le droit. Je n'aurai pas de deuxième chance.

J'étais épuisée. Ma tête était douloureuse. Ils avaient raison, je ne pourrais pas continuer à ce rythme. Mais je n'arrivais pas à arrêter de penser. Mon cerveau refusait de me laisser dormir.

Je soupirai et décidai de quitter l'infirmerie car je n'avais rien à y faire à part ruminer des idées noires. Je retrouvais la plage et le bruit des vagues qui chatouillaient mes orteils. Je longeais le littoral en profitant de la légère brise qui venait caresser mon visage.

Une fois loin du camp, je me dévêtis presque entièrement avant de m'enfoncer dans l'eau calme. Je me laissais ballotter par les vagues, respirant l'odeur salée de ses dernières. J'aurais pu y rester des heures. Je sentais mes paupières se fermer donc je regagnai la rive pour me laisser tomber dans le sable à quelques mètres. Je sombrai presque immédiatement dans un sommeil sans rêve.

Je rouvris les yeux quelques heures plus tard. J'aurais voulu dormir encore trois mois, mais mon cerveau m'empêchait ne serait-ce que de somnoler. Je me redressai, pleine de sable et avec la peau qui commençait à rougir à certains endroits. Je soupirai et replongeai dans l'eau afin de me rincer au mieux. Je me laissai ensuite sécher à l'air libre avant de me rhabiller et de reprendre la direction du camp.

Je passais ma journée à errer pour tenter de fuir mon mal-être. Un moment, je m'enfonçai même dans la forêt bordant le campement et m'assis au pied d'un tronc pendant de longues heures. Les oiseaux chantaient, les rayons du soleil perçaient la canopée d'arbres pour venir danser sur le sol. Les caresses du vent sur mon visage me rattachaient au monde réel tandis que mon esprit tendait à s'évader vers d'autres horizons.

À l'heure du dîner, je retournais à la place centrale car l'heure de mon discours approchait. C'est Vince qui me vit le premier et qui me signifia de le rejoindre. Il fallait que je prenne la parole devant tous ces gens une nouvelle fois. Et je n'avais rien préparé. La peur s'insinua vicieusement dans tout mon corps.

Quelques minutes après, je me retrouvai pour la seconde fois face à la foule pour expliquer mon projet. Cette prise de parole était laborieuse, pleine de trous, de répétitions et de mauvais mots. Lors que j'en vis enfin la fin, je remerciais les rescapés pour leur écoute et les invitais à venir me poser des questions ou à s'inscrire, tout en précisant qu'ils avaient encore le temps d'y réfléchir et qu'ils me trouveraient à l'infirmerie si besoin.

Je n'avais qu'une envie, fuir et retrouver une solitude rassurante, mais des personnes m'approchèrent pour des renseignements. Je leur expliquai avec le plus de précision possible ce à quoi ils seraient confrontés. Certains décidèrent qu'ils devaient encore y réfléchir et voir comment le vivraient les premiers, alors que d'autres demandèrent presque immédiatement à être sur la liste d'attente. Ce fut le cas de Sonya et Fry.

Je pris congé après avoir rapidement avalé la soupe que m'avait donné de force ce dernier et retrouvai le calme de l'infirmerie. J'y fis un premier planning pour la récupération des souvenirs que j'allai accrocher à l'entrée de l'édifice de bois pour que tout le monde puisse en avoir connaissance sans forcément me demander. Suite à ça, je regardai au microscope de possibles évolutions du virus dans certains échantillons de sang contaminé.

Je ne vérifiais pas l'heure qu'il était. Je n'entendis pas la fin de la soirée. J'étais hypnotisée par les cellules changeantes que je distinguais difficilement à la lueur de ma bougie.

Je ne fis pas attention aux signes. Je ne pris pas en compte le papillonnement fatigués de mes yeux. Je n'accordai pas d'importance au mal de crâne de plus en plus présent. Je ne réalisai pas l'évolution de la douleur dans mon avant bras. Je ne fis pas attention aux signes avant qu'il ne soit trop tard.

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